Tapie: avant le retour...
La nouvelle est tellement stupéfiante qu'elle semble laisser circonspecte notre presse nationale, qui attend sans doute d'en savoir plus avant de faire ses gros titres. Sans attendre, le retour annoncé de Bernard Tapie sur le théâtre de ses exploits passés appelle pourtant quelques commentaires…
Auteur : Julie Grémillon
le 9 Mai 2000
En novembre, le Conseil d'Etat rendait un arrêt qui jugeait illégale la décision de la FFF de retirer à Bernard Tapie sa licence de dirigeant de club, au motif que Noël Le Graët, qui présidait la séance de ce conseil fédéral, avait publiquement pris parti sur cette affaire dans un entretien au journal La Croix en octobre 1993. Techniquement, cette décision signifiait tout simplement que l'ex-président marseillais pouvait revenir aux affaires. A l'époque, le président de la Ligue s'était contenté de dire qu'il était respectueux de la loi: "s'il veut reprendre un club, il devra se conformer aux règles qui ont été édictées depuis". Et il est vrai que le ménage consécutif aux années Tapie a considérablement changé la donne. Plus intéressante était la réaction du principal intéressé dans L'Equipe du 28 novembre dernier: "Que M. Le Graët se rassure: je ne lui demanderai pas une licence demain matin (…). Le foot a été un épisode trop douloureux de ma vie pour que j'y replonge". L'inénarrable Nanard a visiblement changé d'avis depuis… Le concours de pronostic sur sa future destination est donc ouvert, et n'exclut pas l'étranger. A moins qu'il ne s'agisse que d'une simple opération de promotion à l'occasion de la sortie de son roman (qui parle évidemment de football). Ce ne serait pas plus étonnant que ça.
On peut s'interroger ensuite sur les conditions de ce retour, et sur le niveau de responsabilité de notre dirigeant, qui n'est plus rien économiquement et politiquement. "Ni entraîneur (!), ni président", a-t-il déclaré, ce qui dessine un poste de manager sportif où il pourra exercer l'essentiel des qualités qu'on lui connaît. En tout cas, ses premières déclarations, distillées dans les médias (Nouvel Observateur, Nice-Matin, La Montagne, Europe1…), ne laissent aucun doute sur le registre adopté: Tapie marche toujours au discours démagogique qui fit autrefois merveille, et qui pourrait toujours faire recette. Aussi péremptoire qu'en ses plus grands jours, il fustige le "caporalisme du foot français", assure "croyez-moi, Anelka à l'OM, du temps où j'y étais, il aurait été meilleur que Ronaldo", invente un quota de joueurs issus du centre de formation… Mais sur le plan économique, soyez certains du camp qu'il choisira: avec beaucoup moins d'imagination, il prône déjà l'introduction des clubs en bourse et réclame des droits de diffusion à la hauteur des grands pays européens. Le Club Europe pourrait trouver ainsi un nouvel animateur et Jean-Michel Aulas un allié très médiatique.
Restons-en là, en l'absence d'éléments plus précis. Si un tel retour devait advenir, particulièrement dans ce pays, quelques spectres se dresseraient sur les terrains et nous redonneraient l'impression que le foot français ne guérira jamais vraiment de ses plus grands maux… Nous aurons alors l'occasion d'en reparler.