Stade dépassé
Le 22 février, notre fameuse Commission de la discipline relâchée et du laxisme bon enfant statuait sur les incidents d'OM-PSG, condamnant le club phocéen à 200.000F d'amende, jugement dont les dirigeants ne vont évidemment pas faire appel. Ultime épisode d'une saison déplorable en la matière, ce bombardement n'est qu'un exemple de plus d'une situation qui concerne la quasi-totalité des stades, et ne saurait être rapportée à une quelconque spécificité marseillaise. Il n'est donc pas question de faire le procès d'un public plus qu'un autre, et encore moins de se renvoyer à la face ses plus lamentables exactions (soyons clairs, toutes les réactions qui se placeront sur ce registre seront effacées).
En un seul lancer (de siège!), un supporter parisien avait d'ailleurs fait plus de mal lors du mal aller. La grêle qui s'est abattue sur Letizi et Fernandez, outre qu'elle est d'un esprit lamentable, aurait aussi pu faire une victime. Le problème n'étant donc pas celui d'un club, on constate surtout que les sanctions trahissent une politique totalement fataliste en matière de sécurité dans les stades. Paris avait d'abord écopé de 500.000F d'amende et d'un match avec sursis, sanction ramenée ensuite (par la Commission d'appel) à une provision de 300.000F pour réaliser un audit sur la sécurité (!). Le club de la capitale a dû ensuite faire un chèque de 100.000F pour l'orange reçue par Adam sur sa pomme lors de PSG-Troyes, et pouvait se féliciter de la levée de la suspension avec sursis. Pas de quoi grever les budgets des clubs. Seul le Metz-Strasbourg, interrompu, a provoqué une peine plus lourde et symboliquement forte avec l'annulation du match, après quelques tergiversations. Encore est-elle malheureusement exceptionnelle, ce qui a permis à l'indicible Patrick Proisy de crier au complot arbitral.
Les sanctions, uniquement financières, ne sont significatives que lorsqu'il y a blessure, ou que celle-ci ne doit qu'à un miracle de ne pas se produire; pour exemple, Montpellier devra payer 20.000F pour jets de projectiles sur les joueurs sochaliens. Si quelqu'un avait été touché, la prime aurait été multiplié par dix, alors que seule la providence en décidé autrement. Les amendes peuvent bien de chiffrer en centaines de milliers de francs, elles ne peuvent que faire ricaner les supporters concernés, pas forcément mécontents de voir leurs radins de dirigeants mettre la main à la poche. Et ces PV n'incitent pas encore les dirigeants à assumer leurs responsabilités, puisqu'on les entend systématiquement se défausser sur ces supporters isolés, plaider l'impossibilité de fouiller etc. Mais l'usage très variable de la vidéo (à quoi ont servi les bandes du Vélodrome?) ne permet pas assez souvent de confondre les auteurs de cette lâche Intifada, noyés dans une foule passive.
Au vu des objets qui tombent sur les pelouses, on comprend que les instances s'en remettent entièrement au hasard qui guide leurs trajectoires. Que l'une d'elles soit fatale, et la sanction est plus lourde. Mais on continue de tolérer l'ordinaire de cette violence particulière, jusqu'au jour où un crétin sera d'une adresse réellement fatale, et l'on aura un drame sur les bras (ceux que l'on avait baissés).
L'argument selon lequel on ne doit pas punir un club qui ne peut contrôler tous les spectateurs, ni punir l'immense majorité innocente des spectateurs est bien gentil, mais si on le suivait jusqu'au bout, on ne pourrait jamais sanctionner une équipe au prétexte que tous ses joueurs ne sont pas munis de faux passeports. Il sert surtout de prétexte aux clubs pour maintenait un statu quo qui les arrange, et il évite de s'interroger sur les solutions éventuelles. L'injustice des sanctions globales comme la suspension du stade constitue le seul moyen de frapper un peu les esprits, afin (on se répète) se changer durablement les mentalités et de rendre impensables les gestes de ce genre. Il n'est même pas besoin d'assigner des matches sur terrain neutre, des rencontres à huis clos sanctionneraient le club dans son ensemble, tant financièrement que sportivement.
Une jurisprudence plus sévère permettrait de dissuader rapidement de genre de comportements, de les faire condamner au sein même des tribunes. Le bombardement sur le carré de Luis Fernandez au Vélodrome, venu des latérales, montre bien que tous ceux qui entourent les lanceurs rigolent ou applaudissent. En serait-ils de même si leur club risquait une suspension, ou si le match pouvait être interrompu? Car le délégué et le quatrième arbitre pourraient tout à fait arrêter les parties dès que les conditions se dégradent, notamment aux poteaux de corner ou aux abords de la cage. L'absence de toute menace sérieuse, de toute conséquence grave contribue à "dépénaliser"
Pour élargir la palette, on pourrait aussi suspendre les déplacements des supporters qui se seraient rendus coupables de jets de fumigènes ou de dégradations, au lieu de laisser les clubs prendre ces décisions, sans responsabiliser personne. Là encore, il est question d'introduire un minimum d'autodiscipline, tant pis si ce doit être par des mesures bêtement répressives (mais qu'opposer d'autre à la bêtise?).
En ces temps électoraux où les obsessions sécuritaires resurgissent comme par magie, il ne serait pas de bon ton ici de réclamer une politique du tout-répressif. Il est d'ailleurs difficile d'affirmer si l'on assiste à la recrudescence des incidents et à une nette dégradation de l'atmosphère dans les stades, ou bien s'ils semblent simplement de plus en plus insupportables. On est parvenu en Angleterre à transformer profondément les mentalités, jusqu'à rendre très improbables les gestes irresponsables des spectateurs. Sans imiter la purge sociale et les dérives sécuritaires (interdiction de se lever) des stades anglais, il serait possible en France d'initier une politique volontaire d'assainissement, en responsabilisant toutes les parties concernées. L'UNFP et UNECATEF ont accompagné le coup de gueule de Fernandez, mais une fois encore, qui va prendre des initiatives parmi nos instances, avant qu'un accident vraiment grave ne se produise?