Spirales ascendantes
Voici les vrais vainqueurs des Spirales des Cahiers 2007/2008, ceux qui ont servi notre amour du football. Première partie des résultats de nos trophées maison.
le 27 Août 2008
Après une fournée 2006/07 qui s'était terminée par la victoire du vocabulaire de Pape Diouf – coiffant au poteau le décolleté d'Estelle Denis – les innovations de la saison dernière furent rares. Et alors que le recrutement de Paul Le Guen par le PSG avait raflé 23% des suffrages l'an dernier, celui d'Alain Perrin par Lyon n'aura pas convaincu grand monde, dans et en dehors de la capitale des Gaules. L'histoire dira si l'un des deux pourcentages était exagéré.
Peut-être lassés de ce football qui se refuse à éliminer tout à fait les clubs, ou simplement fâchés avec la géographie européenne, les votants pour la Spirale du truc utile ont plébiscité la suppression de l'Intertoto. Deuxième meilleur score pour un vainqueur avec 44,5% – le double de la palette d'Angel qu'on attendait à un meilleur niveau. Celle-ci a sûrement pâti d'une exposition réduite, mais tant que les innovations techniques ne seront pas mises entre les mains de techniciens pédagogues, la craie a de l'avenir. Et ce même si Orange est en train de tester la diffusion du tennis en 3D, avec des lunettes rouges et bleues comme dans "La créature du lac noir".
Des années qu'il était descendu acheter des cigarettes sans jamais plus donner de nouvelles. Le foot de sélection offensif a joué le retour du fils prodigue, les bras chargés de cadeaux hollandais, russes ou espagnols. De quoi emporter haut la main la Spirale de la résurrection. Il faut croire que les votants ont été traumatisés par des décennies de victoires franco-italiennes. Il ne manquerait plus que le Brésil se décide à redonner les clefs de son jeu à de vrais joueurs de ballon – en évitant d'attendre que les futurs Deco soient naturalisés au Portugal par exemple – pour que le bonheur soit aussi total que le football.
Loin derrière lui, un trio place un Bordelais, un Marseillais et un Parisien dans un mouchoir de poche, loin devant Dalmat dont la résurrection ne convainc pas plus d'un votant sur dix. Il est décidément le maudit des élections des Cahiers. Pas assez bon, pas assez mauvais, il devance Hellebuyck, le moins médiatique des candidats, et pourtant pas celui dont le retour a été le moins spectaculaire. Le miraculé de la liste aurait peut-être mérité mieux qu'un score d'écologiste. Enfin, Guy Lacombe porte des pulls comportant 5,4% de polyester.
Comme un match qui se décide aux tirs aux buts, la Spirale du meilleur moment de la saison fut la plus serrée de toutes. L'affrontement russo-batave l'a finalement emporté d'un poil de moustache d'Hiddink, peut-être parce qu'il s'agissait d'un match dont on attendait monts et merveilles et qui a tenu toutes ses promesses (contrairement à Russie-Espagne, par exemple).
En embuscade, le but de Valbuena et l'énorme match des Marseillais à Anfield. Rencontre qui restera plus dans les mémoires pour avoir été la seule victoire d'un club français en terre liverpuldienne, que pour être resté l'unique bon match de la saison 2007/08 de Karim Ziani. Aux mauvaises places, la double confrontation entre Arsenal et Liverpool rate la Spirale de peu, mais ira probablement tout droit dans la prochaine sélection des matches marquant des vingt ans des Cahiers.
On attend avec impatience le communiqué de Frédéric Thiriez saluant les 20% obtenus par ses deux multiplex, lui qui avait été si maltraité la saison passée en trustant les trois marches du podium de la Spirale du truc inutile.
Corollaire de la précédente, la Spirale du beau jeu et de l'audace est logiquement attribuée à Guus Hiddink, certainement ravi de gagner enfin un trophée avec une sélection nationale. Dans cette récompense, il y a peut-être un peu de nostalgie du football russe de notre enfance, un peu d'espoir aussi de vite revoir ce milieu de terrain ultra-offensif et ces attaquants géniaux. C'est un vote pour une nouvelle géopolitique du foot, dans laquelle on pourrait confier toutes les clefs aux Russes sans s'inquiéter du sort de leurs voisins frontaliers.
La belle surprise de cette livraison, c'est la deuxième place de Frank Dumas, 0,8% devant l'ultra-favori espagnol. Un véritable exploit à la tête d'un club aussi peu médiatique. Plus impressionnant que José Pasqualetti – son alter ego de la saison dernière dans cette élection – puisque l'entraîneur caennais a réussi à maintenir son club dans l'élite. Malgré le beau parcours de l'équipe mancelle, Rudi Garcia fait un si petit score qu'il a été puni par un transfert sec à la tête de l'effectif lillois.
Quand on voit les joueurs qui accompagnent Mandanda sur le podium de la Spirale de la progression, on peut se dire que l'attribution du trophée aurait dû être plus serrée. Pourtant, à y regarder de plus près, seul l'ancien Havrais était totalement inconnu du grand (voire du moyen) public au début de la saison. Et il aura bondi plus haut que les autres, passant de la L2 à la sélection des vingt-trois après quelques matches sous la lumière chauffante des projecteurs phocéens.
Ses deux poursuivants ont vécu des parcours opposés. Attendu depuis des années dans la couveuse lyonnaise, Benzema a juste validé un temps de passage. Valbuena a, lui, emprunté des chemins de traverse avant d'exploser à la figure du public. L'avantage, c'est qu'on ne sait pas jusqu'où il peut monter. L'inconvénient, c'est qu'il a peut-être déjà tout montré.
Les autres candidats n'ont pas pu lutter dans cette élection où l'exposition joue beaucoup. Il est possible que Gouffran ait été nommé une année trop tôt. De son côté, David Bellion s'était enterré trop profondément pour qu'on se souvienne avec précision d'où démarrait sa progression. Il atteint le plus petit score de toute l'élection.
Il y a un parfum de nostalgie dans le vote pour la Spirale de l'action pour un foot plus équitable, ainsi qu'un goût certain pour les combats perdus d'avance. La règle du 6+5, qui pourrait faire revenir le football à une activité plus proche de ce qu'elle était avant l'arrêt Bosman a les faveurs des (é)lecteurs. Surtout, elle semble être le meilleur moyen d'espérer un jour que vingt-cinq des meilleurs joueurs du monde cessent de passer une saison sur le banc de dix clubs trop riches. Nostalgie aussi d'une époque où les arrêts de jeu étaient une occasion pour les joueurs de se reposer, pas de râler contre l'arbitrage.
L'Italie aura traumatisé 14% des votants, et on prend le pari que les autres voient encore des maillots allemands dans leurs cauchemars. Le score de la victoire de l'Irak en Coupe d'Asie laisse à penser que celle-ci n'aura finalement pas eu une grande influence. En même temps, il fallait s'y attendre.
C'est une forme de régularité au très haut niveau de l'humour qui est ici récompensée. Pour une Spirale de la performance comique qui s'intéresse surtout au comique involontaire, quel meilleur vainqueur que celui qui se prend le plus au sérieux? Un succès qui indique aussi que, contrairement aux apparences, l'Olympique lyonnais peut faire rire. Y compris des Lyonnais eux-mêmes, ce qui est une sacrée gageure.
Alain Cayzac – qui avait peut-être raison un an trop tôt – et Jean-Claude Plessis ont raté une occasion de se retirer sur une dernière victoire. Alors que le trio Bazin-Villeneuve-Moulin a très certainement pris un abonnement longue durée aux nominations de cette catégorie. Le nouveau président délégué du Paris Saint-Germain pourrait d'ailleurs être, dans le futur, à l'origine de la création d'une Spirale de l'ironie. En cas de réussite après des années à se morfondre, il faudra en effet une belle dose de recul aux supporters Parisiens pour admettre que c'est le rédacteur en chef du Droit de savoir qui les aura ramenés tout en haut.