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Sons of anarchy

Peut-on regretter l'aseptisation des tribunes sans faire l'apologie de la violence et du racisme? À première vue, ce sera compliqué. 
Auteur : Thibault Lécuyer le 26 Jan 2011

 

La semaine dernière, le FC Sankt Pauli a fini par interdire au Susis Show, boîte de strip-tease du quartier chaud de Hambourg, de pratiquer des effeuillages dans sa loge du Millerntor-Stadion. Problème d'image. Au delà du joli coup de pub, dans cette interdiction réside un paradoxe insoluble. Celui de l'adaptation des tribunes à la société qui les regarde.


Ma 6T va cracker un fumi
Les tribunes d'un stade de foot, comme celles d'aucun autre sport, sont un monde hors du monde. Une quatrième dimension où – et c'est ce qui fait tout leur intérêt – ce qui est interdit dans les trois premières est ponctuellement autorisé. Le strip-tease avant le dîner n'en est qu'un archétype.
Dans une tribune, on peut chanter et danser, seul ou en chœur. Certes, une salle de concert permet ce genre d'extravagance, qui ferait se lever une ribambelle de sourcils si elle était pratiquée en pleine rue. Cherchez cependant un autre endroit où l'on peut se jeter dans les bras d'un inconnu et lui hurler son bonheur en pleine poire. Mieux: essayez d'allumer un fumigène dans la file d'attente d'un cinéma qui diffuse le dernier film de votre réalisateur favori. Juste pour signifier votre impatience et votre ravissement.

Le stade permet ce qui est interdit de manière plus ou moins formelle ailleurs. Cet exutoire est indissociable de la transgression [1]. Or à mesure que la société tend à multiplier les interdictions pour protéger les siens, les tribunes continuent de lutter pour ce droit à la désobéissance, quand bien même leur liberté est rognée à mesure que le législateur avance. Ce qui est interdit ne devient véritablement intéressant lorsque cela devient délictueux.

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Children of the Revolution
Car c'est bien avec la frontière de la loi que la tribune joue. On peut y insulter, en masse. On y a légalisé de fait les drogues douces. Se complaire dans la transgression peut faire partie de l'expérience cathartique vécue en plein air, au vu de tous. Dans certaines tribunes, il est possible d'être homophobe, raciste, misogyne, de céder à diverses pulsions malsaines réprimées en dehors de l'enceinte. Il est amusant de constater qu'il y est également possible d'embrasser son voisin, expression physique d'un bonheur entre hommes tout aussi sévèrement jugée à l'extérieur du stade.

En évoluant dans le même pas que la société, le football cherche à raboter ces pulsions pour rentrer dans le rang. Une impossibilité métaphysique, quand on va au stade pour justement "sortir" de cette société le temps d'un match. Cela suscite un autre paradoxe: la médiatisation pousse à une forme d'exemplarité, puisque ce qui se passe dans le stade en sort via la télévision. Ce devoir d'exemplarité dépasse parfois celui demandé à la société. En France, le ministre en charge de dissoudre les associations racistes a lui même été condamné pour injures raciales.
Mais qui dit médiatisation dit spectacle. Et le spectacle des tribunes c'est aussi la jouissance de voir des milliers de personnes transgresser un interdit. À la télévision ou en tribune latérale, comment dissocier le spectacle du terrain de l'exultation de voir un kop en éruption?

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Solder l'héritage
L'ultime contradiction, c'est un spot de la Ligue de Football Professionnel – qui interdit formellement l'usage de fumigènes – promouvant un match au sommet avec des images de tribunes constellées d'engins pyrotechniques qui donnent un air plus "chaud" à la rencontre. L'amende payée par le club filmé à l'occasion a, qui sait, payé pour l'espace publicitaire ainsi utilisé. Un paradoxe dans la contradiction? C'est possible. Comme lorsque la même Ligue interdit tout message politique ou philosophique dans les stades, enfreignant elle aussi la loi. Au mépris des règles les plus élémentaires de la liberté d'expression.

L'inextricable nœud dans lequel les dirigeants de clubs sont enferrés est tenu d'un bout par la nécessité de faire respecter la loi, et de l'autre par l'envie de disposer d'une ambiance propice au spectacle. Ce nœud est impossible à dénouer. Il sera, tout du moins en France, compliqué de trouver quarante mille personnes prêtes à se déplacer pour faire ce que l'on attend d'elles. Il est illusoire de croire que faire cesser la violence résoudra le problème. Une fois ce bastion repris, la société voudra reconquérir le suivant, puis un autre, ad lib. L'autorisation de chanter comme un illuminé suffira difficilement au bonheur du supporter avide de visiter la quatrième dimension.

Faut-il en conclure que le football tel qu'il a existé est inadapté à une société moderne et responsable? Mai 68 a vécu, il est permis d'interdire. On ne s'insultera bientôt plus que sur les forums de supporters, le racisme ouvert n'est toléré que chez le troisième âge vivant sur la Côte d'Azur et la misogynie est l'apanage exclusif d'Eric Zemmour. Bien coiffé, notre foot a l'air un peu neuneu. Entourés de tous ces gens assis et sages, on aurait bien besoin de strip-teaseuses pour retrouver la trique.


[1] Dans Sport et civilisation. La violence maîtrisée, Norbert Elias et Eric Dunning ne disent pas autre chose: "[Dans les sociétés] où les fonction sociales sont très différenciées, l'interdépendance proportionnellement élevée de toutes les activités publiques bien que privées, professionnelles aussi bien que non professionnelles, nécessite et engendre tout un ensemble de contraintes [...] Leur structure laisse peu de place aux éclats spontanés et irréfléchis, même chez les individus les plus puissants qui ne peuvent jamais relâcher, sans mettre en danger leur position dans la société, la circonspection et la prévoyance nécessaire au contrôle des émotions". Lire l'analyse de Pierre-Antoine Kremp pour aller plus loin.

Réactions

  • Miklos Lendvai le 26/01/2011 à 08h11
    Très bon article qui parvient à parler de violence, racisme, sexisme sans parler de pseudo supporter.

  • Henry golera-t-on encore? le 26/01/2011 à 08h58
    Autant je suis contre l'aseptisation des stades de foot, au sens "Tout le monde assis et on achète un Germain le Lynx à la sortie", autant je ne me retrouve pas ici.

    Je vais au stade pour encourager mon équipe, chanter, lever mon écharpe et voir un beau spectacle de foot. À vrai dire ce sont les encouragements qui me font vibrer (même dans un stade qui n'est pas le mien d'ailleurs) et ce qui se passe sur le terrain. Je n'ai pas l'impression d'y aller pour transgresser les interdits, craquer des fumigènes et crier "À mort l'arbitre".

    En outre j'ai du mal à distinguer la limite de transgression donnée dans ce papier. Les interdits y sont soutenus mais dans quelle mesure? J'ai l'impression que c'est "On nous interdits dans les stades ce qui est déjà interdit dehors, et puis quoi encore, pourquoi pas respecter la loi". Dans ce cas prônons les fumigènes, les jets d'objets sur les arbitres et les cris de singe. Bah oui quoi, si on peut plus être raciste...

    J'ai la drôle d'impression que cet article veut combattre l’extrême aseptisation (gentil supporter qui ne chante pas et paye sa bière 12€) par l'autre extrême : le supporter qu'il faut arrêter de faire ch*** parce qu'il a envie de faire ce qu'il veut et qu'il est déjà bien sympa de payer son abonnement.

    D'autres solutions me semble exister. Depuis le supporter cool qui vient voir du foot et s'imprégner d'ambiance (pas de violence) jusqu'au supporter qui donne tout, vit le match et exulte à chaque touche.

    Comme on dit par ici, "Un autre football est possible"

  • Miklos Lendvai le 26/01/2011 à 09h06
    Je n'ai pas l'impression que l'article prenne position. Je vois plus ça comme un essai de sociologie qui essaie de relater la réalité des faits. Quand t'es assis en tribune et que tu vois un gamin s'éclater à dire des énormités sous le regard approbateur de son père, que tu vois un mec seul hurler pendant tout le match sans que ça ne choque personne, que tu vois des mecs torse nus alors qu'il fait moins 20 ou encore des mecs rouler des pétards sous les yeux des autorités (en l'occurence des stadiers), tu ne peux pas fermer les yeux et considérer ces cas que comme des exceptions qui ne méritent pas d'être évoqués.

    Quand je lis l'article, j'ai un début de réponse à la question "pourquoi les gens sont-ils si différents à l'intérieur d'un stade ?"

  • Miklos Lendvai le 26/01/2011 à 09h39
    "Bien coiffé, notre foot a l'air un peu neuneu. Entourés de tous ces gens assis et sages, on aurait bien besoin de strip-teaseuses pour retrouver la trique. "

    C'est vrai que là ça ressemble à une prise de position. On finira par se mettre d'accord en disant qu'il faut trouver un juste milieu.

  • Tonton Danijel le 26/01/2011 à 09h57
    C'est étonnant de partir de l'exemple du seul club allemand qui condamne du reste les travers homophobes et racistes de ces tribunes pour ne garder que le meilleur du supportariat. Et avoir de ce fait sans doute le meilleur public d'Allemagne. Avec ou sans stripteaseuse (je préfère sans car il faudrait éviter une image machiste alors que Sankt Pauli réussit l'exploit d'avoir un public ni raciste, ni homophobe).

    La transgression existe aussi hors des stades allemands. Je recommande d'ailleurs les soirées S-Bahn de Berlin où des jeunes tranforment les trains urbains en boîte de nuit géante. C'est une autre ambiance que l'Olympiastadium, c'est sûr.

  • suppdebastille le 26/01/2011 à 10h26
    "Miklos Lendvai
    mercredi 26 janvier 2011 - 09h06
    ou encore des mecs rouler des pétards sous les yeux des autorités (en l'occurence des stadiers), tu ne peux pas fermer les yeux et considérer ces cas que comme des exceptions qui ne méritent pas d'être évoqués"


    T'es sérieux là? Il fallait envoyer des flics pour choper les fumeurs de pétard à Auteuil? De plus les stadiers ne sont pas une autorité, ce sont des gars qui bossent pour une boite privée.

  • Miklos Lendvai le 26/01/2011 à 10h28
    Je sais bien que les stadiers ne représentent pas une forte autorité mais dans la majorité des stades, il n'y a pas plus haut en matière d'autorité.


  • Miklos Lendvai le 26/01/2011 à 10h31
    Par contre la fin de ma phrase parlait de tous les exemples que j'avais pris avant et non pas que les fumeurs de pétard.
    Ce que je voulais dire, c'est que la transgression quelle qu'elle soit (morale pour le gamin qui peut insulter les joueurs adverses sous les yeux de son père ou légale avec les jeunes qui fument leur pétard) fait partie de l'expérience du supportariat. Après on peut nuancer, je pense que cette expérience vaut surtout pour les virages populaires. Ca m'a l'air beaucoup plus convenu en présidentielles.

  • suppdebastille le 26/01/2011 à 10h36
    Je pense que les fumeurs de pétard d'Auteuil fument des pétards aussi en dehors du stade.
    On est d'accord par contre qu'à Auteuil c'était totalement admis.

  • Manx Martin le 26/01/2011 à 11h45
    En fait ce que dit l'ami thibs, c'est que le stade de football, c'est le dernier endroit "carnavalesque" où on peut mettre "le monde à l'envers", où les gueux peuvent insulter et moquer les puissants en toute impunité, où les valeurs sont inversées le temps d'une journée. Ça a toujours existé dans nos sociétés, jusqu'à une date assez récente. Dans le même genre, faudrait voir à quel moment les carnavals se sont progressivement éteints, où on a arrêté de chanter des chants révolutionnaires dans les manifs pour chanter Patrick Sébastien et Zebda, ce genre de choses.

    Et donc le stade, bah ouais, c'est exactement la même chose. Mais ce n'est valable que pour le stade de football, parce que c'est (encore) un sport populaire. Le rêve des types de la ligue est sans doute de transformer le Parc et le Vélodrome (et les autres) en grands Rolland-Garros sympas, avec de jeunes populaires bien coiffés qui vivent le grand frisson transgressif quand ils gueulent leur ridicule "AllllleeeEEEEEz" dans les travées bourgeoises.

    Beurk.

La revue des Cahiers du football