Retour sur images
Treize ans après le dernier VA-OM, et alors que les Nordistes remontent dans l'élite, de nombreux protagonistes de l'affaire se retrouvent sous les feux de l'actualité, de Tapie à Borloo en passant par Olivier Rey…
Auteur : Mollows
le 22 Mai 2006
Juste avant que la Ligue 1 ne livre le nom de ses trois relégués, le feuilleton de la montée avait accouché, le vendredi 28 avril, de son premier élu. Et le gagnant était... le Valenciennes Football Club, qui sprintait résolument depuis huit matches. Aux lendemains d'une finale de Coupe de France qui proposait l'autoproclamé clasico des familles OM-PSG, c'est la promesse d’un match à part qui se profile avec les retrouvailles de deux équipes, dont le dernier affrontement dans l'élite, il y a quatorze saisons, avait accouché de l’affaire de corruption dite OM-VA.
On pourrait s'abstenir de cette évocation un rien obligée, mais par une sorte de hasard ironique, plusieurs personnes plus ou moins concernées par l'affaire figurent aujourd'hui à la une de l'actualité politique ou médiatique.
Borloo-Tapie, toujours en vie
Du côté des "présidents", pour commencer. S'il n'a pas été inquiété lors de l’affaire, Jean-Louis Borloo a toujours des responsabilités dans le club de Valenciennes. Ministre de l’Emploi, de la Cohésion sociale et du Logement, il occupe aujourd'hui des fonctions politiques de premier rang. Aussi, suite aux soucis rencontrés par Villepin dans le cadre de la seconde affaire Clearstream, (pas celle des livres de Denis Robert, mais l'affaire d'Etat), son nom figure toujours en bonne place sur la liste des personnes susceptibles de remplacer l’actuel Premier Ministre. Lui y croit, en tous les cas… Valenciennes est définitivement hype.
Le destin politique de Bernard Tapie – qui paradait opportunément le 20 mai 1993 bras dessus bras dessous avec son ex-avocat et ami, au Stade Nungesser (lire l'article de L'Humanité du 13 mars 95) – est un peu plus contrarié. Après les 145 millions d'euros obtenus du Crédit lyonnais (et donc du contribuable - via le Consortium de réalisation) en octobre dernier dans l'affaire de la vente d'Adidas, puis une re-condamnation pour fraude fiscale en décembre, Bernard Tapie poursuit depuis le 20 avril Jean-Jacques Eydelie et son éditeur pour diffamation suite à la sortie du livre "Je ne joue plus!" Après avoir servi d'exocet à Mitterrand pour malmener la liste PS menée par Rocard aux élections européennes de juin 1994, il constitue encore, pour le Parti radical de gauche, un chiffon rouge intéressant à agiter devant le Parti Socialiste dans la perspective des Présidentielles de 2007 (lire l'article de L'Express du 2 février) – même si lui-même a déjà pu afficher un soutien à Ségolène Royal.
Vernon sur l'heure
Passons aux journalistes. À la mi-avril, lors d'une excellente émission de Xavier de la Porte sur le journalisme sportif sur France Culture (voir la présentation), Alain Vernon évoquait la manière dont il avait relayé l'affaire OM-VA: "J'appelle Jacques Glassmann parce que j'ai su, par un cameraman de la maison, que le soir du match il avait des choses à dire, mais qu'il ne les a pas dites réellement [NDLR: d'autant qu'Olivier Rey qui couvrait le match, tout comme la cassette de son reportage, étaient introuvables à l’heure de la diffusion au 13 heures de France 2 – lire l'article du Monde du 26 avril]. Donc j'appelle Jacques Glassmann, je vais à Valenciennes, il accepte de me recevoir. Je lui explique ce qui s'est passé entre moi et Tapie, la dent cassée [NDRL: Alain Vernon indique plus avant dans l'émission qu'à l'occasion d'un match de l'OM au Stade Lénine de Moscou au tout début des années 90, Tapie lui aurait mis un coup de poing lui cassant une dent, histoire de lui apprendre à faire son boulot de journaliste dans les clous]. Il connaît mon parcours de journaliste. Bon, Jacques Glassmann, comme c'est un mec honnête et plein de rigueur, il accepte de me recevoir. Ce jour-là, le 23 mai, il parle de ce qu'il connaît : de Bernès, des 200.000 francs. Il lâche toutes les infos, et le soir à 20H, on sort l'affaire. À tel point que l'AFP, à 20h40, fait une dépêche sur ce qui a été dit dans le journal. Dès le lundi, la Ligue de Foot, à l'époque dirigée par Noël le Graët, envoie deux commissaires pour commencer à enquêter sur cette affaire et puis ça débouchera sur tout ce que vous savez. Mais moi j'étais quand même content que ma dent cassée ait été remise en bon état".
Pour revenir à l'actualité, Alain Vernon dénonçait le mois dernier, en sa qualité de délégué du personnel CGT de la rédaction cette fois, la présence de Béatrice Schönberg à la présentation du 20H de la chaîne, pour des motifs déontologiques: "Nous demandons sa démission afin de mettre fin à une situation qui ternit l'image de la rédaction et peut laisser planer des doutes sur son impartialité", souligne Alain Vernon. "Il ne s'agit pas d'une attaque personnelle", précise-t-il cependant (lire l'article du Monde du 5 avril). Cette mise en cause tient à ce que la présentatrice est l'épouse de Jean-Louis Borloo. Elle est reparue dans le contexte particulier des mouvements sociaux qu'a connu le pays, avec feu le Contrat première embauche.
Rey, Juninho et les putes
Mais au rayon vintage, gardons le meilleur pour la fin avec le cas d'Olivier Rey. L'ex-journaliste de France 2 aura lui aussi brûlé les planches en ce printemps 2006 un rien pluvieux... Il s’est ainsi entiché de reprendre France Soir en duo avec Jean-Pierre Brunois, promoteur immobilier.
Les personnes qui fréquentaient le forum des Cahiers en 2003 avaient eu l'occasion d'apprécier, lors du passage du journaliste sur le site freegoal, son extraordinaire capacité à se mettre au niveau ou à dépasser la bêtise crasse de ses interlocuteurs. Il a pu, ces derniers temps, révéler ces talents au-delà du petit monde du ballon rond, avec un déboulé en fanfare chez les salariés de France Soir auxquels il a précisé: "On ne va pas couvrir un match de foot pour raconter que Juninho a marqué un coup franc. Moi, ce qui m'intéresse, c'est de savoir dans quelles boîtes de Lyon les joueurs sont sortis, après le match, et si Juninho s'est tapé une pute". Une phrase désormais célèbre…
Sa vulgarité a effrayé et il a dû se mettre en retrait dans l'opération de reprise. Le plan drastique de réduction de personnel, au service d’une ligne éditoriale de tabloïd, ont provoqué un mouvement de grève de la rédaction du quotidien, plus tenté par la reprise pourtant hasardeuse d’Arcadi Gaydamak, président du Club du Bétar Jerusalem (le foot encore le foot) – affublé de casseroles d'une bien autre dimension (mandat d'arrêt en France dans le cadre des l’Angolagate... voir les Cahiers #23), mais dont le plan est loin d'être aussi gourmand en matière de licenciements.
Mauvais coucheurs
Histoire de poursuivre cet inventaire à la Prévert, signalons au passage que l’affaire Schönberg, sur France 2, a été source d'une rumeur selon laquelle l’émission de décryptage télévisuel "Arrêt sur Images", souvent pertinente (parfois moins), était menacée de ne pas être reconduite la saison prochaine. Son animateur Daniel Schneidermann s'était inquiété dans sa chronique "Médiatiques" de Libération, sur le blog qu'il co-anime et dans son émission sur France 5, des possibles conflits d'intérêt évoqués ci-dessus. Paris-Match lui a lancé un procès en maccarthysme, Le Point et L'Express ont relayé la rumeur, quand Jean-Marc Morandini, abonné aux délices du mercato médiatique, enfonçait joyeusement le clou sur Europe 1. Cette rumeur a été démentie par la direction de France 5.
À part ça, le village footballistique a aussi ses petites affaires médiatico-institutionnelles. Estelle Denis, animatrice de 100% Foot sur M6, y a conversé pour la seconde fois, mine de rien et en le vouvoyant, avec son compagnon Raymond Domenech, sélectionneur national. Une posture un peu grotesque dont on pourrait s'amuser un peu si le journalisme sportif n'était pas le laboratoire de l'abandon de toute déontologie dans nos médias. Plus léger, toutefois: au début de cette année, le jeu à 1500€ de l'émission (0,56€ l'appel plus l'éventuel surcoût opérateur) posait la question suivante :
Qui est le sélectionneur actuel de l'Equipe de France ?
1) Raymond Domenech 2) Michel Platini
Même si elle n'était pas servie par Estelle Denis en personne mais par une voix off, on pouvait penser que la question avait tout de même des airs mutins de message à l'attention du monstre sacré du foot français... Une manière de lui rappeler un peu qui dîne actuellement chez Mémé la Fédé. Le service produits dérivés des Cahiers du foot s’attaquera peut-être à la confection d’un petit haut floqué de l'inscription : "Estelle Denis, partenaire officielle du sélectionneur".