Raúl le "real" Madrilène
Tribune des lecteurs - Étoile en détresse dans une équipe proche du trou noir, l'attaquant ne doit-il son statut de titulaire madrilène qu'à sa statue de commandeur madridiste?
Auteur : David Cap
le 20 Avr 2005
Raúl González Blanco, "Raúl" de son petit nom, le numéro 7 du "plus grand club du monde", le capitaine des "galactiques", le symbole actuel des rois de l'attaque la plus chère du monde (1) n'est plus que l'ombre de lui-même depuis deux saisons. Prétendant au ballon d'or en 2001 — depuis qu'il est en minimes rétorqueraient offensés par tant d'impartialité les journalistes d'"As" et "Marca" (2) —, le prince des jaillissements dans le dos de défenseurs patauds nous tape une grosse déprime. Lui qui depuis la saison 95/96 nous plantait plus de vingt buts par saison en club (3), sans compter ses quadruplés contre le Liechtenstein en sélection, parvient difficilement à dépasser les dix buts depuis 2003, sans parler de son influence famélique sur le jeu de son équipe, et de sa problématique relation avec son acolyte brésilien nourri aux hormones. Dans une équipe conçue pour faire du spectacle et récolter des titres, mais qui bafouille son football, embarrasse son président et désespère ses aficionados, sa baisse de régime apparaît symptomatique des désillusions récentes. Pourquoi, coño, est-il donc toujours titulaire? Pourquoi aucun des quatre derniers entraîneurs, sommés à chaque match de rappeler qu'une victoire des Blancs n'est valable que par six buts d'écart, n'ont-ils jamais remis son statut en question, alors que le banc dispose d'alternatives plus que valables — Solari, Owen, voire Guti et tout récemment Figo? La carte de l'identité C'est que, ma p'tite dame, notre bon Raúl est plus qu'un simple joueur de football. Par sa présence tout en course dans le vide, ses mimiques rebelles et sa crinière au vent, il est le référent identitaire obligé de toute équipe dirigeante du Real qui légitime en bonne partie sa politique. Il reste le principal véhicule de ce concept bidon de "madridismo", vendu à aux aficionados ventripotents, voire aux adeptes du bras en l'air et des onomatopées simiesques, mais avant tout machos ibéricos et respectueux du drapeau espagnol. Dociles consommateurs, certes, mais qui par l'octroi du droit de vote se savent sûrs de leur force, aiment afficher leur mécontentement, et agitent facilement leurs mouchoirs immaculés si on a le malheur de leur caresser les poils du ventre à rebours. La comparaison est forcément biaisée, mais c'est un peu comme si Nicolas Anelka était devenu le symbole de l'Île-de-France centralisatrice sur les terrains de Bourgogne ou de Provence. Le football est en effet un peu plus identitaire en Espagne qu'ailleurs, une image grotesque dans quelques clubs des revendications "nationales" de certaines régions, qui ont conduit à l'organisation politique du pays en "Communautés autonomiques" lors de la répartition des pouvoirs approuvée par la Constitution de 1978. Les exemples sont nombreux: le niño Torres à l'Atletico, le lion Pujol critallisant le catalanisme bidon de Joan Laporta (qui utilise finalement les mêmes ficelles que Pérez), le racisme basque aménagé de l'Athletic, le dribbleur fou Joaquín au Betis, ou encore le Fran du SuperDepor. Une quête identitaire reprise sans trop de nuances d'ailleurs par les joueurs eux-mêmes, et qui fait dire à certaines langues malveillantes que le manque de caractère de la Selección vient de la mauvaise cohabitation des "Catalans", "Basques", ou "Madrilènes", ces derniers devenant les porte-drapeau de la Castille historique. C'est dans la même logique que certains affirment que le sélectionneur est forcé d'opérer ses choix en fonction des sensibilités de chacun, mettant en place, en quelque sorte, des quotas "ethniques", encore que cela semble plus relever du fantasme que de pratiques objectives (tout juste peut-être une certaine forme de solidarité des vascos Iñaki Sáez ou de Clemente, en leurs temps, envers les joueurs basques genre Extebarria). Quiches et jambons L'emblème Raúl, c'est de la pure propagande consciente ou inconsciente, relayée comme il se doit par Marca ou AS, qui nous font trois pages sur le retour du fils prodigue lors de son but bimensuel du genou (4), et un entrefilet pour les six parties suivantes durant lesquelles le González ne produit que ses belles courses à contretemps, ses déviations ratées, et ses jaillissements désespérés la jambe en avant, alors que le ballon file déjà en sortie de but. Depuis le départ du boucher Hierro, spécimen de l'enflé du bulbe, violent mais bon de la tête et doté de superbes cordes vocales, Raúl a pris le brassard de l'équipe tout comme il a hérité de la bannière du galactique bien de chez nous, né à Madrid (mais élevé au bon grain de l'Atletico, un détail...), chargé de mener à la bataille une équipe où les Castillans sont rares, et toujours au second plan. La relève régionale, ici les natifs d'une capitale complexée, ceux qui peuplent la "cantera", les "pavones", sont des enfants gâtés sans âme ni talents, de belles quiches en somme qui s'occupent plus de leur style vestimentaire que d'apprendre à tacler ou à marquer (Portillo, Raúl Bravo, Mejía). Donc, faute de mieux à l'heure actuelle, et eu égard aux anciens états de service, c'est donc Raúl, comme l'a pu être Muñoz au temps de Bernabeu, qui regardait alors, admiratif, Puskas et Di Stefano faire leurs entrechats. Cela aurait pu être Guti, au passage, mais il est vraiment trop efféminé pour tout gourmet de jamón iberico qui se respecte, et Pérez a bien compris qu'il valait mieux s'offrir le vrai Beckham plutôt que de promotionner démesurément un blond doué mais dilettante et fragile, qui malgré les notes de coiffeur ne ressemblera jamais qu'à un Fiorèse neurasthénique. Bref, Raúl ne sortira du onze de départ que si il se brise les deux jambes. Raúl est mort, vive Raúl! (alias Michel, ou Muñoz, ou, etc.). (1) En attendant qu'Anelka signe à Chelsea un lendemain de cuite d'Abramovitch et de suspension de Mourinho. (2) Les deux principaux quotidiens sportifs pro-madrilènes, les plus vendus, devant el Mundo Deportivo et Sport, pro-Barça (voir aussi La quête raulienne de Thierry Henry). (3) Sauf dix petits buts en 97/98. (4) Voir la dernière "portada" des deux quotidiens sportifs, et même certains autres généralistes comme El País, montrant le capitaine hurlant après son but, l'arcade en sang, son petit poing levé, pour célébrer la victoire lors du clasico. Sans remercier Valdés pour son Arconada, c'est tout de même mesquin.