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Raffaele Poli : "Il faut mettre les inégalités au centre du débat politique dans le football"

Le responsable de l’Observatoire du football du CIES s’exprime sur les polémiques suscitées par le mercato du PSG. Selon lui, le fair-play financier est incapable de limiter la concentration inégalitaire des ressources dans le football.  

Auteur : Plumitif le 11 Sept 2017

 

 

Raffaele Poli est docteur en sciences humaines des universités de Neuchâtel et de Franche-Comté. Il est responsable de l’Observatoire du football du Centre international d'étude du sport (CIES), qui analyse le marché des transferts et les performances des joueurs.

 

 


Le fair-play financier (FPF), son principe, son application, sont au cœur des controverses à propos du Paris SG, du transfert de Neymar et du prêt de Mbappé… Quelle est votre appréciation de ce dispositif?

 

Il faut reconnaître qu'il a quand même atteint un certain nombre d’objectifs. Le FPF voulait répondre à la question de l’équilibre financier. Mais il y a celle de la concentration des ressources dans les meilleures ligues, voire dans LA ligue qui concentre de plus en plus d’intérêt et d’argent: la Premier League. Cette question, fondamentale, n’a pas été prise en compte, sauf à la marge, et n’a pas été considérée comme problématique. Cette régulation-ci n’a pas eu lieu.

 

Est-ce que, parmi les problèmes actuels du FPF, il n’y a pas le fait que son appellation est trompeuse et son "assiette" incomplète, à savoir le déficit mais pas l’endettement?

 

Il est vrai que les clubs espagnols, notamment, sont parvenus à ce niveau sportif et financier grâce à la dette. C’est une question de pouvoir, le résultat d’un certain nombre de choix politiques: il faut voir qui était dans les instances… Les Italiens aussi font aussi de la dette. Il y a eu le décret Salva calcio (prévoyant le remboursement des dettes sur dix ans et des déductions fiscales), et le même genre d’opération en Espagne. Le pouvoir des clubs italiens et espagnols – anglais aussi, mais dans une moindre mesure – a fait que, comme pour la dernière réforme de la Ligue des champions avec la prise en compte des résultats historiques des clubs, on a fait certains choix politiques. Il ne s’agissait pas tant de pénaliser les nouveaux entrants potentiels, même si ça l'a été en partie, que de ne pas précariser les intérêts des clubs dominants de l’époque.

 

« Les dirigeants du Bayern auraient dû, avec un minimum de vision, comprendre bien plus tôt qu’ils n’étaient plus les acteurs dominants. »

 

Sur cette question des "anciens" et des "nouveaux riches", vous avez fait état d’une ancienne déclaration de Karl-Heinz Rummenigge (dirigeant du Bayern Munich et alors président de l’ECA, association des clubs européens) demandant à ce que les transferts ne soient pas pris en compte pour le fair-play financier. En contradiction avec les propos actuels de ce défenseur du FPF, vent debout contre le Paris SG version Qatar…

 

En fait, je trouve Rummenigge plus incompétent qu’autre chose. Il n’a pas vu venir tout ce qui arrive maintenant. Il dit: "Ah, nous, au Bayern, on ne peut plus suivre", mais les dirigeants du club auraient dû, avec un minimum de vision, comprendre bien plus tôt qu’ils n’étaient plus les acteurs dominants. Et pourtant, ils ont agi comme s’ils l’étaient toujours.

 

Le fair-play financier n’a-t-il pas été de fait "pousse au crime" en incitant les clubs les plus riches à chercher encore plus de ressources afin de pouvoir continuer à dépenser toujours plus, tout en restant dans les clous financièrement?

 

En effet, on s’est rendu compte après coup de cet effet pervers, consistant à accélérer la concentration en empêchant des clubs de faire partie de ce cercle fermé, et ce au détriment de la compétitivité de la Ligue des champions, en particulier. Cet aspect n’a donc pas été suffisamment pris en compte, lui non plus. L’UEFA a eu l’intelligence, du point de vue de la compétitivité, de ne pas exclure Manchester City ou le Paris Saint Germain de ses compétitions, ce qui aurait tué la croissance de ces clubs. Mais elle n’avait pas non plus intérêt à le faire et s’est retrouvée dans l’embarras. Car le fair-play financier a produit des effets non escomptés qui allaient contre ses propres intérêts.

 

À propos de cet environnement "politique", que pensez-vous de l’élection d'Andrea Agnelli (président de la Juventus Turin) à la tête de l’ECA?

 

Cela traduit la volonté des Italiens d’aller dans les institutions. Ils essaient actuellement de se placer un peu partout, et ils y arrivent assez bien. Ils ont peur pour leur avenir, à raison, parce qu’ils sont en perte de vitesse et que les voyants ne sont pas au vert, bien au contraire. Ce qui est intéressant concernant l’ECA, c’est qu’elle rassemble les acteurs dominants du marché d’hier. Or on se rend compte aujourd’hui que c’est peut-être l’axe Angleterre-États-Unis qui devient prédominant. Les Anglais sont très peu actifs à l’ECA, mais beaucoup dans la World Leagues Forum (implantée à Zurich depuis 2016 et présidée par Richard Scudamore, DG de la Premier League), la nouvelle institution faîtière des ligues de football au niveau mondial.

 

Donc il y a les "anciens" à l’ECA et les "nouveaux" à la WLF?

 

La Premier League est très présente dans la WLF, plus représentative au niveau mondial que l’ECA, qui commence à dialoguer avec la FIFA. La Premier League et la MLS (Major League Soccer, États-Unis) sont très actives dans cette WLF qui, à mon avis, petit à petit, va plus représenter les clubs à l’échelle mondiale. L’ECA restera la représentante d’un certain nombre de clubs historiques comme la Juventus, le Bayern, des clubs non anglais dont elle défendra les intérêts. En revanche, la WLF va agir au niveau des ligues, ce qui pourrait être plus efficace et amener plus de changement.

 

« Les clubs dominants ont une tendance à vouloir l’être encore plus. Et face à cela, il faut un contrepouvoir, sinon le football est perdant. »

 

Dans ce contexte de mondialisation croissante, les déclarations belliqueuses actuelles témoignent-elles d’une réelle tension ou relèvent-elles de la gesticulation?

 

Non, il y a une véritable tension. Afin de l’atténuer, l’UEFA a eu l’intelligence stratégique – terme à prendre positivement ou négativement – d’édulcorer un peu les règles du fair-play financier, même si ses dirigeants s’en défendent, afin qu'en réalité ces règles ne touchent pas les nouveaux entrants qu’étaient le Paris SG et Manchester City, qui sont très dépensiers. Un rapport du CIES à paraître les met aux deux premières places du classement des coûts des effectifs. Je pense que l’UEFA sent aussi le vent tourner, et qu'elle n’a pas intérêt à s’avouer vaincue, en donnant l'impression qu'elle abandonne le fair-play financier. Mais elle n’a pas non plus intérêt à se mettre totalement du côté des clubs traditionnellement dominants, comme le Barça, la Juventus, le Bayern, qui aujourd’hui se plaignent, alors qu’ils ont mené le même jeu que les "nouveaux entrants" depuis des années. L’UEFA aura sans doute la sagesse de punir les nouveaux entrants afin de faire plaisir aux anciens et de donner l’impression au grand public que tout est sous contrôle, sans les exclure de la Ligue des champions, parce qu’ils en ont besoin.

 

Peut-on imaginer un effet paradoxal, qui ferait que les excès des "nouveaux", venus du Golfe en particulier, amèneraient l’UEFA à réguler de manière enfin plus égalitaire?

 

Le problème reste les différences de compétitivité liées aux écarts financiers entre clubs, à différentes échelles. Ce n’est pas le mécénat des pays du Golfe et la Chine qui provoque cela. Afin de compenser ces écarts, il faudrait une intervention de bien plus grande envergure. Mais l’UEFA, du fait d’un manque de vision et de prévoyance, est assez mal positionnée pour intervenir de manière efficace sur la question des inégalités. En revanche, ce que je souhaite, et ce que nous défendons depuis des années au CIES, c’est que même si ces écarts sont énormes, et vont vraisemblablement encore s’agrandir dans la Premier League, cela n’empêche pas de trouver des formules pour permettre aux autres, pas forcément de gagner des trophées, mais de continuer à travailler sur la formation de manière toujours aussi efficace. Il faudra donc de la régulation.

 

Quel type de régulation?

 

Je pense là plus à Manchester City qu’au Paris SG, mais il faut notamment intervenir sur le nombre de joueurs sous contrat, sur la question de la multipropriété des clubs, qui tue encore plus la concurrence, l’accès aux meilleurs joueurs, et qui casse la carrière de beaucoup de jeunes. Il faut augmenter les indemnités de formation, la contribution de solidarité. Si l'on veut intervenir de manière efficace et réaliste, il faut réformer les transferts et traiter la question des effectifs. Il y a une marge, non pas pour révolutionner, mais au moins pour rendre un peu plus durable le football pour un certain nombre de clubs. Ce qui se passe est assez dommageable pour le développement de ce sport en général. Le Barça s’est fait punir pour sa politique de recrutement de mineurs, il n’y a donc pas les bons et les méchants. Ces dominants ont une tendance à vouloir l’être encore plus. Et face à cela, il faut un contrepouvoir, sinon le football est perdant. On constate toutefois une prise de conscience à l’UEFA, exprimée par Andrea Traverso dans le dernier rapport de Benchmarking de l’UEFA (lire en bas de page).

 

« Ce qui est choquant, dans le système actuel des transferts, c’est qu'on ne récompense pas suffisamment tout le travail accompli en amont. »

 

Il faut donc écrire un nouveau fair-play financier, mais plus égalitaire?

 

Il y a clairement la nécessité de changer d’objectif prioritaire, ou en tout cas le compléter. Il faut mettre la question des inégalités au centre du débat politique dans le foot. Donc trouver des solutions qui soient acceptables pour tous, mais de nature à améliorer la condition de la majorité des clubs, et dans le monde entier.

 

Quelle serait selon vous la position du Tribunal arbitral du sport (TAS) si le Paris-SG, par exemple, établissait un recours en cas de sanctions de l’UEFA sur le fair-play financier?

 

Le TAS a déjà donné raison à l’UEFA à plusieurs reprises sur le fair-play financier. À mon avis, il n’y aurait même pas besoin d’aller au TAS. Il se passerait ce qui s’est déjà passé, à savoir un arbitrage par l’UEFA sous forme de sanctions considérées à la fois comme symboliques et acceptables, afin de contenter tous les parties.

 

La Commission européenne a également soutenu le fair-play financier…

 

Il a été établi de concert avec elle. Mais concernant la Commission, trop souvent les politiques s’offusquent des chiffres dans le football de manière hypocrite, comme payer 200 millions d'euros de transfert dans une industrie où des clubs vont bientôt avoir un milliard de budget. Qu’est ce qui est le plus choquant? Ces 200 millions ou la question de savoir où ils vont, où vont tous ces milliards de transferts, combien gagnent les agents, combien gagnent les clubs? Ce qui est choquant, dans le système actuel des transferts, c’est qu'on ne récompense pas suffisamment tout le travail accompli en amont par des acteurs non dominants du marché.

 

Dans le livre Slow Foot (éd. CIES), vous proposez une réforme du système des transferts de nature à répartir de manière plus égalitaire les produits de ces transactions…

 

Tout en préservant un certain niveau de libre circulation, selon nous, le système des transferts devrait mieux récompenser le travail de formation des clubs. Les grands clubs ont besoin des petits, parce pour l’essentiel, les premiers n’arrivent pas eux-mêmes à assurer ce travail de formation. Ils essayent donc d’avoir le contrôle sur un nombre croissant de jeunes joueurs afin de les obtenir à bon marché, pour ensuite les prêter. Ce procédé consiste à bloquer beaucoup de jeunes. Que faire? On peut imaginer des mesures concrètes. Par exemple une augmentation progressive de la solidarité pour les clubs formateurs, au fil des transferts des joueurs. Il s’agirait d’augmenter ce pourcentage, par exemple au prorata des matches ou au nombre de saisons. Quant aux indemnités de formation, elles ont été diminuées pour les joueurs entre douze et quinze ans, de même que le quota, sans raison véritable. Il faudrait au contraire les augmenter. Pas de manière automatique, ce qui pourrait avoir pour effet de diminuer la liberté de mouvement des joueurs, mais pourquoi pas en les réservant à ceux qui réussissent. Ce sont des mesures applicables. Mais pour les appliquer, il faut une volonté politique.

 

Aleksander Ceferin, président de l’UEFA, multiplie les déclarations pour plus d’égalité, et Gianni Infantino, avant de présider la FIFA, était un ardent défenseur du fair-play financier, en tant que secrétaire général de l’UEFA. De quoi espérer?

 

L'approche d'Alexander Ceferin n’est pas celle d’une redistribution, elle consiste à limiter les dépenses, comme avec l’idée du salary cap, et ne pourrait pas fonctionner. Il y a moyen de mettre la priorité ailleurs, sur les mécanismes. Si par exemple les Qataris mettent 500 millions sur un joueur la saison prochaine, il faut faire en sorte que cet argent reste dans le football et soit utilisé à bon escient, pour le développement de ce sport. Le vrai enjeu est là.  

 

Propos recueillis par Dominique Rousseau – Les Coulisses du foot business

 

Éditorial d'Andrea Traverso (responsable de l'octroi de licence aux clubs et du fair-play financier) dans le rapport Benchmarking 2015 de l'UEFA : "Pour les raisons exposées ci-avant, un écart qui se creuse rapidement sépare les premiers clubs des suivants ; ce sera là l’un des principaux défis du football à l’avenir. Au vu du nombre de personnes préoccupées par l’équilibre compétitif au sein d’un même championnat et entre les championnats, l’UEFA, consciente que les dépenses excessives et les modèles commerciaux non viables ne sont pas la seule explication aux inégalités financières, doit sans cesse revoir ses règlements et les adapter à un contexte en constante évolution. Dans ce cadre, il est essentiel de continuer à consulter toutes les parties prenantes et à collaborer avec elles aux fins de préserver les valeurs du football européen et de promouvoir le développement dans les associations membres de l’UEFA et à tous les niveaux de ce sport, des professionnels de l’élite jusqu’au football de base sur lequel repose le modèle du sport européen."

Réactions

  • osvaldo piazzolla le 11/09/2017 à 17h30
    Super intéressant, à la fois les réponses mais aussi les questions. J'aime bien l'idée que s'offusquer des montants est une attitude paresseuse. Ce n'est pas l'astronomie de la somme qui fait l'immoralité. C'était la même merde Roger Rocher. Proposer des mécanismes de redistribution, par contre, ça c'est pertinent.

  • José-Mickaël le 11/09/2017 à 21h27
    J'ai beaucoup aimé cette interview moi aussi et un peu pour les mêmes raisons. J'espère que les gens qui ont un certain pouvoir la liront.

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