Le PSG, le silence et les agneaux
L'ambiance au Parc des Princes suscite les moqueries, à l'instar de celle de PSG-Ajaccio et de ses longues phases de silence. Que l'on peut pourtant expliquer...
Interrogé avant le coup d'envoi, Fabrizio Ravanelli, l'actuel entraîneur ajaccien exposait sa joie de retrouver le Parc des Princes. Ce stade réputé pour son ambiance lui avait semble-t-il laissé des souvenirs, bons, à défaut d'être toujours d'actualité. L'Italien a eu de quoi s'occuper sur son banc, et sans n'a-t-il pu remarquer qu'au long de la partie s'étiraient quelques bordées d'insultes, une poignée d'échanges entre virages, de vagues chants et... d'interminables plages de silence. Le public du Parc serait donc à ce point lamentable? Pas forcément... Car différents facteurs peuvent expliquer le marasme sonore qui entoure les matches du Paris Saint-Germain, sans que l'on n'ait à invoquer l'équation supporter parisien = lynx aphone.
Brouillon de reprise
Tout d'abord, pour cette rencontre PSG-ACA, il faut noter qu'il s'agissait d'un match de reprise, et que cela a toujours eu une incidence sur les prestations des supporters. Même avant le plan Leproux, les rencontres estivales donnaient lieu à des chants ratés, mal repris, et surtout, chantés sur un rythme bien trop rapide. Manque de repères après une longue interruption, et envie de trop bien faire ont toujours nui au rendu final. Malgré les "capos" qui tâchaient de canaliser un peu l'excitation de la rentrée des classes, le public d'août produisait des ambiances que l'on jugeait alors brouillonnes, voire mauvaises. Mais jamais de manière comparable à ce dernier match.
Il faut dire que depuis, le plan Leproux a fait son œuvre: ces fameux capos, et leur cortège de membres d'associations de supporters ont disparu. Les sources d'ambiance étaient expérimentées, mais aussi clairement identifiées, et localisées. Au delà de la perte de personnalités charismatiques, la dissolution des associations a entraîné une tragique perte d'expérience pour les tribunes parisiennes. Expérience en terme d'organisation de ces immenses et splendides tifos, bien entendu, mais aussi pour des choses moins spectaculaires, quoique sans doute plus importantes encore. Aujourd'hui, au Parc des Princes, malgré toute la bonne volonté de certains, plus personne ne sait lancer un chant. Or, cela n'a rien d'évident: proposer le bon chant, au bon moment, cela s'apprend.
Le capo d'un bout à l'autre
En se coupant de supporters qui avaient vécu l'âge d'or des tribunes, c'est plus de vingt ans de sélection des capos, de formation, d'expérimentations qui sont jetés aux orties. Sans ces hommes capables de débuter un chant de manière cohérente, qui sera instantanément repris par un groupe rompu à cet exercice, les supporters actuels se retrouvent désaccordés, et donc inefficaces. D'autant plus que ces meneurs disposaient de conditions matérielles qui facilitaient grandement l'unification d'une tribune entière. Les sonos, installées au Kop de Boulogne et dans le Virage Auteuil, portaient sur l'ensemble de la tribune. Un virage du Parc des Princes, mesuré d'un supporter posté près d'un poteau de corner jusqu'à son acolyte posté tout en haut de la même tribune, à l'opposé, doit bien compter près d'une centaine de mètres. Même si c'était possible, un chant entonné à un bout ne s'entendrait à l'autre bout qu'avec un décalage de près d'une demi-seconde.
Caler un chant sur tout un virage sans sono relève donc de la gageure. Les finales au Stade de France disputées par le PSG avant le départ de toutes les entités de supporters voyaient une ambiance cacophonique, connaissant quelques trous, et ce malgré la motivation des associations et le caractère exceptionnel de ces rencontres. Là, sans meneurs, et avec un public en partie renouvelé, le résultat est encore pire : les différents chants lancés de ci de là se recouvrent, se décalent, puis disparaissent, inaudibles pour le téléspectateur.
Esprit Leproux
Dernier point pour expliquer le relatif silence du Parc sans recourir à l'hypothèse "le nouveau public du Parc est juste mauvais": le manque de repères. En effet, le public parisien compte encore de nombreux anciens dans ses rangs. Le nouveau public est donc un leurre, ou une demi-vérité. Mais, et c'est là l'esprit même du plan Leproux, chaque nouvelle saison même ces supporters qui connaissent les rythmes et les paroles des chants sont dispersés dans des tribunes très compartimentées. Il leur est donc alors impossible de savoir qui chantera, qui a tourné la page et ne vient plus que pour voir le match, qui n'y connaît rien, ou encore qui est susceptible d'impulser une ambiance et surtout où il tentera de le faire.
Cette localisation des infimes noyaux de supporters expérimentés et motivés prendra plusieurs rencontres. D'ici là, impossible de rassembler ces voix, et donc impossible d'attendre mieux que ce que le Parc a pu fournir contre Ajaccio. Surtout si le scénario du match ne se prête pas à une forte émotion en tribunes. En empêchant les supporters de se placer par affinités, et en redistribuant le placement des abonnés, chaque nouvelle saison Paris perdra les groupuscules ayant mis un an à se former, transformant l'acquisition de nouveaux repères en un éternel recommencement.
Le fameux chant "il est mort le Parc des Princes" contient donc une indubitable part de vérité, puisque les ambiances que l'on connaissait ont effectivement disparu, avec leurs bons et leurs mauvais côtés. Mais la population du stade n'est pas forcément à jeter pour autant. Des tribunes populaires aussi composées d'adolescents, pas très différents de leurs aînés des saisons 1985 ou 1992... mais malheureusement placés dans l'incapacité de s'unir et d'apprendre leur boulot de supporter. Des virages accueillant encore des anciens, qui ont choisi de rester pour chanter, mais placés dans des conditions matérielles très défavorables. L'hypothèse d'un embourgeoisement global du Parc des Princes ne tient pas. Au vu des mesures prises par le club, et sans le retour de noyaux charismatiques, il est juste impossible de faire mieux. Sans que la valeur des supporters du Paris SG soit forcément à remettre en cause.