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"Pseudo supporter" et pseudo débats

Les réactions à l'agression verbale dont a été victime Abdeslam Ouaddou démontrent une nouvelle fois que l'indignation convenue et la bonne conscience ne servent pas à grand chose contre le racisme.
Auteur : Pierre Martini le 18 Fev 2008

 

Si elle n'était liée à des phénomènes aussi tristes, l'expression pourrait avoir les honneurs de notre rubrique "Les Mots du foot", tant elle a de succès chez les journalistes sportifs qui l'emploient systématiquement en pareille circonstance: ce ne sont que de "pseudo supporters" (variante: "soi-disant supporters") qui se rendent coupables de violences ou d'expressions racistes. On ne va évidemment pas éprouver la moindre sympathie pour ceux qui sont ainsi étiquetés, mais il est quand même permis d'interroger une façon de parler qui recèle son lot d'hypocrisie.

L'humanité, dimanche
L'incident dont a été victime (et partiellement acteur) Abdeslam Ouaddou (1) a donc automatiquement suscité l'emploi de l'expression sur toutes les ondes, en même temps que le "débat" sur le racisme dans les tribunes. Revenons d'abord à ce vocable de "pseudo supporter". Ce qui frappe, à la réflexion, c'est cette façon de considérer implicitement qu'un "vrai supporter" ne saurait être raciste. Première nouvelle... Il serait pourtant beaucoup plus honnête de reconnaître que, partout et de tout temps, des fractions de supporters (authentifiés par leur fréquentation du stade, leur attachement à leur club ou leurs accessoires homologués) profitent de l'anonymat relatif des tribunes pour laisser suinter leur lamentable conception de l'humanité.

Sans accepter cet état de fait, il serait plus constructif d'en prendre la juste mesure au lieu de criailler parce que, cette fois, un imbécile s'est fait attraper par la patrouille – sans oublier de noter que si Ouaddou n'avait pas gravi les gradins, l'incident serait resté inaperçu. Indéniablement, la bêtise est consubstantielle du football, comme elle l'est de l'humanité. Cela ne l'excuse en rien, mais personne ne semble percevoir la contradiction qu'il y a à prononcer l'excommunication du coupable (qu'il s'agit d'exclure du stade, mais aussi du genre humain), alors que cette attitude procède de la même logique que la pensée raciste... et surtout qu'elle procure un bien trop grand confort moral.

ouaddou_metz.jpg


"Racisme imbécile"
L'emphase que suscitent ces incidents met en effet en relief l'hypocrisie de ceux qui, tout à coup, se lancent dans des diatribes terriblement convenues (souvent, après avoir été d'une immense indifférence à l'égard d'incidents moins médiatisés). On ne dira pas qu'il est de ceux-là, mais Guy Carlier, dans sa chronique de France 2 Foot, y va de son évocation d'un "officier SS" et d'un "esclavagiste faisant avancer à coups de fouet un homme enlevé à sa tribu"... Comme s'il fallait constituer une figure du mal tellement hideuse qu'elle ne saurait être aussi banale que celle d'un voisin de travée. Cette façon de vouloir redoubler l'horreur lui fait se prendre les pieds dans le malencontreux pléonasme "racisme imbécile", qui suggère qu'il y aurait un racisme intelligent.

Le chroniqueur pointe aussi la passivité des spectateurs entourant le contrevenant. Il a raison, du moins dans la mesure où, même "bouleversé", il ne qualifie pas de "collabos" les autres spectateurs et n'accuse pas, sur la foi d'images ambiguës, une "gamine qui doit avoir une dizaine d'années" que l'on voit furtivement s'adresser à Ouaddou (2). Il y va aussi de la crédibilité de la dénonciation.


L'arbitre encore coupable
Il semble toutefois que le haro (justifié) sur ce coupable ne suffisait pas, puisque l'arbitre a lui aussi fait les frais de réprimandes des uns et des autres, pour avoir mis un carton au joueur, et pour n'avoir pas interrompu le match. Pour ce qui est du premier reproche, on peut effectivement regretter la sanction dans de telles circonstances (3), à condition de remarquer que si l'autorité arbitrale donne l'impression qu'elle autorise les joueurs à aller se faire justice eux-mêmes dans les gradins, il va falloir tourner les stadiers dans l'autre sens et en affecter plusieurs à la surveillance de Frédéric Piquionne.

Quant à la non-interruption du match, s'il y a lieu de la regretter, la reprocher à M. Ledentu est risible. Les arbitres, qui subissent actuellement une pression décuplée quant à la gestion de ce qui se passe sur la pelouse, devraient aussi être les garants de l'ordre en tribune et constituer un bouclier contre le racisme... Hypocrite, le règlement qui leur confie cette responsabilité l'est diantrement, lui aussi. Que la Ligue ou les autorités prenne leurs propres responsabilités au lieu de laisser tirer une nouvelle foi sur le maillon faible.


Faits-divers
Ainsi, à l'examen, l'indignation a pour effet paradoxal de circonscrire le problème et de le minimiser, en réduisant son auteur à un stéréotype et son expression à une exception (4). Guy Carlier, encore, raconte qu'il a assisté à Auxerre-Toulouse et affirme: "Il n'y avait pas de con à Auxerre pour insulter Mansaré, Sissoko et Traoré..." Or, à moins d'être omniscient ou d'avoir passé la nuit à dépouiller les enregistrements des Renseignements généraux, c'est une affirmation impossible à prouver.
La seule formulation possible est: "Aucun incident du même genre n'a été remarqué à l'Abbé-Deschamps". Et, loin de cette fâcheuse tendance consistant à laisser les faits-divers dicter l'actualité et orienter la représentation de la réalité, la seule façon utile de poser le problème serait: "Que faisons-nous, au quotidien, pour lutter contre les formes les plus banalisées du racisme?" Personne ne s'est soucié d'y répondre au lendemain de cette agression verbale. Dont on se réjouira, évidemment, qu'elle fasse l'objet de poursuites judiciaires. En contribuant plus à une vraie prise de conscience qu'à l'expression des bonnes consciences.


Addenda
Le bal des Tartuffe n'aurait pas été complet sans l'arrivée sur la piste de L'Équipe et de son inénarrable éditorial moralisant, qui consacre la moitié de son espace à qualifier "d'affligeante" l'attitude des officiels qui n'ont pas interrompu le match. Le texte est flanqué d'un article qui se livre à une sorte d'enquête de moralité sur M. Ledentu, en rappelant ses antécédents, et qui pose cette intelligente question: "Metz a-t-il le pire public de France?" Le même article fait cependant état de la position de l'arbitre du match, qui affirme n'avoir pas été alerté explicitement, lors d'un arrêt de jeu, par Ouaddou...
Pour faire bonne mesure et finir sur une note comique, la chronique de Joël Quiniou critique aussi l'homme en noir, regrettant que les circonstances ne lui aient pas permis de "procéder à l'exclusion du sauvageon auteur des propos racistes".


(1) Entré dans l'histoire en des circonstances moins dramatiques, lorsqu'il avait déclaré "On ne va pas brûler la peau de l'ours avant de l'avoir vendue" (c'était en septembre 2005).

(2) Autre procédé discutable : utilisant une image arrêtée qui montre "le voisin du con" les yeux baissés, Carlier en déduit une théorie à la Charles Biétry sur ce qui se passe dans sa tête (concluant "N'oublions jamais que la lâcheté c'est aussi grave que la connerie").

(3) L'indignation de Ouaddou, aussi spontanée que saine, elle, souligne la dignité de ses excuses ultérieures.

(4) Dans le registre mesuré et réaliste, on attendait Don Frédéric Thiriez-Quichotte, qui annonce rien moins que la répression et l'élimination des indésirables: "Face à des comportements absolument inadmissibles, la seule réponse est la plus extrême fermeté dans la répression. On ne veut plus de ces individus racistes ou violents dans nos stades" (communiqué du 17 février). La LFP a annoncé sa volonté de porter plainte aux côtés du joueur et du FC Metz.

Réactions

  • suppdebastille le 18/02/2008 à 01h59
    "(2) Autre procédé discutable : utilisant une image arrêtée qui montre "le voisin du con" les yeux baissés, Carlier en déduit une théorie à la Charles Biétry sur ce qui se passe dans sa tête (concluant "N'oublions jamais que la lâcheté c'est aussi grave que la connerie")."

    Je pense même que "le voisin du con" en question reconnaissable par tous les gens qui le connaissent pourrait porter plainte contre Carlier.

  • Teddy le fondu le 18/02/2008 à 02h00
    Toujours aussi juste, bravo!

  • Toni Turek le 18/02/2008 à 02h48
    "Il semble toutefois que le haro (justifié) sur ce coupable ne suffisait pas, puisque l'arbitre a lui aussi fait les frais de réprimandes des uns et des autres, pour avoir mis un carton au joueur [...]".

    ----> Et encore, l'arbitre aurait pu en prendre davantage pour son grade si le carton en question avait ete le deuxieme pour Ouaddou.

  • chapoto le 18/02/2008 à 03h14
    A voir aussi le récit de palinodie sur l'observatoire du journalisme sportif.

  • José-Mickaël le 18/02/2008 à 05h06
    Je suis tout à fait d'accord avec Frédéric Thiriez : il faut faire un exemple, frapper fort, sanctionner avec la plus extrême sévérité.

    C'est pourquoi je propose que Metz soit rétrogradé l'an prochain en deuxième division. Carrément. Pour l'exemple. Là, ça en fera réfléchir plus d'un, hein ? Non ? Ben quoi ?

  • Francis Dolarhyde le 18/02/2008 à 08h48
    J'adore cette phrase "ces individus n'ont rien à faire dans un stade"... ce qui sous-entend, qu'ailleurs que dans un stade, les propos racistes, c'est pas gênant. Que le gars ailler railler Ouaddou dans le troquet du coin qui diffuse le match, et tout le monde sera content.

    Pour en remettre une couche sur l'arbitre, j'ai entendu, ce matin, la "présidente" (ou un truc comme ça) de la Licra s'en prendre à lui, puisque aujourd'hui, Mr Ledentu dit qu'il aurait arrêté le match si Ouaddou lui avait relaté l'incident. Selon la Licra, l'attitude Mr Ledentu avait déjà posé problème par le passé dans l'affaire du match de Bastia... ça commence à sentir mauvais pour lui.

  • frenchwill le 18/02/2008 à 08h53
    Pour Bastia, je ne sais pas, en tous cas, il a arbitré un match de Coupe de France Corte / Rennes en 2005/2006 pendant lequel les rennais ont subis moultes insultes racistes et cris de singe sans que ces faits soient présents dans le rapport de Mr Ledentu. troublant...

  • piOceLle le 18/02/2008 à 10h43
    Merci les cahiers, excellent article, bien calibre et tres juste.
    Idee comme cela, ca vous dirait pas de le proposer au Monde, pour ses pages horizons-debat? Le probleme, c'est que tout le monde est d'accord sur ce site, c'est le principe. Mais j'aimerai que votre raisonnement ait un impact plus fort, plus global et donc plus profond.
    Idee en passant.

  • carolus le 18/02/2008 à 10h58
    Bravo.

  • Bourrinos le 18/02/2008 à 11h05
    J'en ai rêvé, les cahiers l'ont fait. Pour ma part, je ne trouve rien de plus hypocrite que cette appellation de "pseudo-supporter". Cette expression est lancé comme si cela pouvait exonérer de tout, tout le reste. Le stade devrait être un sanctuaire, un endroit où le racisme n'existe pas. Dans un stade, le raciste est un imbécile. Par contre, dans le café du coin, il est un électeur qu'il faut prendre en considération et qui a tout à fait le droit de s'exprimer. Le racisme est un fléau partout, point.

    Par contre, je me pose une question, sans doute déplacée, mais comment Ouaddou a-t-il pu entendre le supporter crier? Il était juste à côté du terrain? Et dans ce cas, aucun officiel présent à côté ne l'a entendu et réagi?

La revue des Cahiers du football