Pourquoi l'Allemagne va gagner à la fin
À peine favorite de "sa" Coupe du monde, la sélection allemande s'est peut-être déjà mise sur l'orbite idéale... La Nationalmannschaft se gave de certitudes dans le jeu, et évolue plus que jamais à domicile.
Auteur : Chronique germaine, épisode 3
le 26 Juin 2006
À l'orée de la compétition, nous n'aurions pas été très nombreux à miser sur les chances d'une victoire finale de l'Allemagne. Dans le pays lui-même, les doutes étaient de rigueur… Non seulement la sélection avait effectué un parcours assez médiocre depuis sa troisième place en Coupe des confédérations (soulignons le 4-1 encaissé en Italie en mars dernier), mais elle avait été perturbée par les habituels esclandres – duel Lehmann-Kahn, réflexions acerbes des anciens internationaux, éviction de Sepp Maier, critiques sur les options du sélectionneur, etc. Le crédit de Klinsmann était à peine meilleur que celui d'Eriksson en Angleterre, les médias lui reprochant pêle-mêle de vivre aux Etats-Unis, de ne pas expliquer ses choix ou encore, de façon plus anecdotique, d'avoir averti par mail Christian Wörns de sa non-sélection...
Une situation qui devait nous mettre la puce à l'oreille, à nous autres Français, tant elle rappelle celle qui avait prévalu en 1998 avec le onze tricolore. Comme à l'époque, les seuls à y croire semblaient même être les sponsors, à l'image de ce fameux fabricant de sucre liquide qui a tapissé les villes de bâches géantes annonçant à demi-mots le quatrième titre mondial.
Premiers sur toute la ligne
Si le soutien "de tout un peuple" ou la "vague" censés porter le pays organisateur appartiennent à la catégorie des clichés les plus éculés, l'équipe locale peut s'assurer un engouement croissant pour peu que son parcours s'y prête. Et c'est peu dire que celle de Klinsmann a parfaitement réussi son premier tour, en dépit de l'absence initiale de Michael Ballack et des deux buts inscrits par Wanchope à Munich. Un autre doublé de Klose encadré par les énormes frappes de Lahm (6e) et Frings (87e) mirent en effet les Blancs sur une trajectoire idéale (4-2 contre le Costa Rica).
Et pour n'en pas dévier, Klinsmann choisit – une fois Ballack revenu dans l'entrejeu – de reconduire ensuite quasiment la même équipe (1), y compris lors d'un troisième match qui devait lui assurer une importante première place. Récompensée de sa patience par un but du remplaçant Neuville dans les arrêts de jeu du match contre la Pologne (1-0 à Dortmund), elle put ensuite dérouler face à l'Équateur (3-0 à Berlin) et ainsi transformer en défilé triomphal sa tournée des plus grands stades de la compétition.
Une équipe bien balancée
Solidement ancré autour de Ballack et de Frings, large comme les épaules de Schneider et Schweinsteiger, le 4-4-2 du Nationalelf est un modèle d'équilibre – voire de symétrie tant il paraît homogène, quitte à ne pas briller au travers d'une constellation d'étoiles. Quoique dans ce rôle, le nouveau "Bomber" Klose, auteur d'une saison terrifiante avec Brême confirmée avec déjà deux doublés, se pose un peu là... Et que la montée en puissance de Ballack, à l'image de cette ouverture distillée pour son Torjäger contre l'Équateur, n'augure que de bonnes choses pour ses coéquipiers. Surtout si la réussite couronne enfin les belles frappes qu'il décoche immanquablement au cours des rencontres.
La jeune défense (à peine 25 ans de moyenne d'âge), malgré des flottements récurrents et la faiblesse relative de Friedrich, tient finalement beaucoup mieux la route qu'on ne l'attendait et à l'opposé du terrain, le duo "polonais" Klose-Podolski fait des merveilles et parvient même à sa partager la vedette: après son compère, et sur deux actions orchestrées par celui-ci, c'est Podolski qui a signé un doublé contre la Suède. Un huitièmes de finale au cours de la première demi-heure duquel l'Allemagne afficha une assurance qui exprima de manière éclatante sa confiance en elle.
Sur du velours
Voilà comment, en quelques jours, on efface les sarcasmes pour se retrouver dans la peau d'un favori et retourner l'opinion en sa faveur. Klinsmann est devenu Klinsi et ses apparitions sur les écrans géants des Biergarten de Berlin sont saluées par des clameurs. Les petits drapeaux accrochés aux fenêtres des voitures – élus produit de l'année – se multiplient, de même que leurs versions plus grandes aux fenêtres des immeubles. Le phénomène n'est pas encore massif, ne serait-ce que parce que les Allemands ont un rapport complexe avec leur chauvinisme, mais la ferveur croît sûrement, presque paisiblement. Dès lors, le cliché de la ferveur populaire qui environne l'équipe jouant à domicile acquiert une réalité plus tangible.
Dans ces conditions, "le groupe vit bien", forcément, s'épargne les tensions ou les spéculations, et respire le bonheur. Pour le staff technique, les prises de paroles sont devenues faciles et se partagent entre le sélectionneur et ses adjoints, dont Joachim Löw, maître tacticien, qui décharge ainsi Klinsmann d'une partie de ses responsabilités.
S'il reste du chemin à parcourir, c'est exactement en creusant ce genre de sillon qu'un pays organisateur se dirige vers "sa" finale. Vendredi à Berlin, L'Allemagne rencontrera la meilleure équipe que l'on aie vu évoluer lors de la première quinzaine. Pour autant, l'Argentine est-elle encore favorite de ce match?
(1) Huth remplaça Metzelder contre l'Équateur.