Por la puerta Grande...
Antonio Puerta a définitivement quitté le terrain. Il ne sera pas remplacé.
Auteur : Antoine Faye
le 30 Août 2007
Le 28 août 2007 fut le jour de la disparition de deux personnalités médiatiques en Espagne. La première, celle d’Antonio Puerta, joueur du Sevilla FC, international espagnol, membre de cette génération des Sergio Ramos et Jesus Navas qui ont mené le club aux portes des grands d’Europe. Cette nouvelle a presque laissé dans l’oubli la disparition de Paco Umbral, écrivain et chroniqueur du quotidien El Mundo... un homme qui, à la première personne, décrivait les évènements, et sa vision des choses. Alors, pour rendre hommage à l’un sans oublier l’autre, et me libérer de la difficulté de chercher des mots neutres, je m’inspire d’Umbral pour évoquer Puerta…
Se relever cinq fois
Je ne connaissais pas Antonio Puerta. Pour moi, c’était juste un nom derrière un maillot, s’ingéniant avec talent à contrer les offensives de mes joueurs favoris, avec une réussite insolente. Je n’ai pas envie de rentrer dans ce consensus bête qui consiste à débiter, sur un ton compassionnel, des compliments larmoyants juste bons à créer autour d’un homme peu connu un vide supérieur à son aura.
Il est vrai que sa mort a quelque chose qui – paradoxalement – m’émeut plus que celle de Foé, de Feher ou de Di Tommaso. Peut être du fait de l'avoir vécue en direct, d’une part. Mais aussi – et surtout – parce que Puerta n’a pas quitté la scène comme ces deux autres victimes. Après un malaise, et une grosse frayeur, le latéral gauche sévillan s’était relevé, quittant la pelouse sur ses deux jambes, en titubant, comme un boxeur à peine remis d’un KO.
Après quoi, une fois dans le vestiaire, à l’abri du regard des caméras, il a rechuté. Une fois, deux fois... cinq fois, son cœur a cessé de battre le samedi soir. Arrivé à l’hôpital, on apprenait qu’il avait repris connaissance. Ce qui – finalement – semblait marquer la fin de l’inquiétude. Que peut il bien arriver à un homme qui, à cinq reprises, a frôlé la mort, et peut à nouveau s’exprimer?
Buteur dans l'histoire
C’est toujours pareil. Les médias finissent par avoir raison de notre résistance à la larme facile. Il faut dire que Puerta était un cas à part. Pour les supporters, il avait déjà acquis un statut à part, en marquant "El Gol", celui que Séville n’aurait jamais oublié de toute manière. Une volée du gauche, à la 100e minute d’une demi-finale de Coupe de l‘UEFA, disputée l’année du centenaire du Sevilla. Un symbole…
La saison dernière, c’est Puerta qui avait eu la charge de tirer le cinquième tir au but des siens en finale de la Coupe de l’UEFA. Ni la nervosité, ni le temps pourri de Glasgow n’avait empêché son cœur de tenir. Alors, non, franchement, il y a des morts qui surprennent et qui choquent. Il n’y a pas de mort juste, mais certaines sont malpolies, s’invitant au moment où on ne les attend pas.
Puerta n’était pas Maradona, n’avait même pas l’aura d’une star, mais il avait le respect de tous. Sa disparition a surpris tout le monde, et créé un sentiment d’unité dans Séville. Devant l’hôpital où il est mort, le stade où il avait percé, le verdiblanco des supporters du Betis se joignait au rouge et blanc des maillots sévillans. Cette communion peut sembler anecdotique, mais il faut se rappeler qu'en février dernier, Juande Ramos, l’entraîneur de Séville, fut grièvement blessé de la main d'un supporter du Betis (lire "Chronique d'un drame annoncé").
Alors, il reste des souvenirs. Un slalom presque parfait dans la défense du Barça en finale de Supercoupe d’Europe... Et cette éternelle soirée de mai 2006 au cours de laquelle Puerta avait quitté le Sanchez Pizjuan sur un air de triomphe, por la puerta grande.