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Nicolas et les journalistes

Dans une actualité qui mélange allègrement scandales sportifs et faits divers, la gifle de Nicolas Anelka est venu mettre sa touche tragi-comique. L'occasion, sérieuse, de reparler des rapports de dépendance entre joueurs et journalistes…
Auteur : Pierre Campari le 22 Jan 2001

 

Dans le droit-fil de son propre mythe, Nicolas Anelka, très discret depuis de début de la saison (certains diront: "surtout devant les buts"), a ajouté un épisode cantonesque à sa jeune biographie. Une altercation verbale qui dégénère avec un journaliste à la sortie des vestiaires, une gifle, et Nico est rentré à la maison pour tout expliquer sur son site Internet.
Les journalistes sportifs sont une espèce humaine particulièrement irritante, et il y a quelques supporters qui peuvent s'imaginer, à la lecture d'un article, en venir aux mains avec son auteur, mais bien entendu rien ne justifie qu'un joueur en arrive à de telles extrémités, si l'on ose dire. Par contre, s'il a l'obligation professionnelle de ne pas gifler un journaliste, a-t-il celle de répondre à leurs questions et de devenir familiers avec eux? C'est de cela qu'il est permis de douter, car à l'origine de cette anecdote, il y a le refus de l'attaquant parisien d'entretenir la moindre relation avec nos confrères, notamment ceux qui sont délégués en permanence auprès du club. Anelka l'explique dans son "journal", avec ses mots à lui: "Je fais ce que je veux et si je parle pas ou si je dis pas bonjour aux journalistes ou aux autres, c’est mon problème. Qu’ils n’aient pas d’info sur moi dans leur journal, je m’en fous! (…) Tous les jours, je sors des vestiaires je ne calcule personne et je pars".
Les journalistes ont vite fait de penser que les footballeurs sont tenus de leur fournir la matière de leurs articles, au nom du droit du public à l'information (alors que c'est surtout dans leur propre intérêt). Le boycott de Lemerre et certains internationaux durant l'Euro avait souligné ce sentiment très développé chez certains professionnels ulcérés (voir Le silence de Lemerre et le bruit des médias et Lemerre et les médias: rupture de faisceau).
Pourtant, quel est l'intérêt absolu de lire des interviewes répétitives, d'entendre de la langue de bois des joueurs, de subir des questions idiotes et des réponses au diapason? Il nous pardonnera, mais en plus, Anelka n'est pas franchement passionnant devant les micros. D'autre part, les rédacteurs de la presse spécialisée manquent-ils à ce point d'imagination pour ne pas pouvoir se passer de ces rituelles déclarations? Ce qui en ressort c'est surtout la frustration de journalistes qui pensent que les pros doivent constamment leur fournir du grain à moudre. L'épisode est d'autant plus significatif qu'il se produit avec un joueur qui utilise son site comme unique moyen de communication, en court-circuitant les relais traditionnels de l'information. Si elle comporte des dangers, cette stratégie de plus en plus souvent adoptée a surtout pour effet de couper l'herbe sous le pied des médias traditionnels, ce qui n'est pas sans les énerver.

Bien sûr, on aura beau jeu d'affirmer que nos vedettes surpayées ont le devoir de s'exprimer et de commenter publiquement les aléas de leur vie professionnelle, qui est largement exposée. Le concept de cette dette envers les "consommateurs" de football semble pourtant assez peu fondé, si l'on considère que l'expression des sportifs est surtout attendue sur le terrain. Ensuite, il y a bien assez de joueurs qui jouent le jeu des micros pour que certains autres puissent s'en abstenir, sans compromettre gravement l'activité des médias sportifs.
Cette évolution sera vraisemblablement celle d'une génération de footballeurs qui se laissent de moins en moins imposer des contraintes de la part de leurs employeurs, comme celle d'entretenir des relations aussi cordiales (ou hypocrites) que possible avec la presse. Il est vrai que retrouver ses déclarations déformées ou coupées de leur contexte pour en faire un titre accrocheur (comme dans les brèves des Cahiers!), ce n'est pas non plus très motivant. L'expérience d'Anelka avec les médias anglais puis espagnols ne l'a pas vraiment disposé à se prêter à l'exercice en toute liberté. Et cette mésaventure française indique qu'il n'est pas près de se réformer. Les journalistes se consoleront en constatant que de la matière, il leur en fournit quand même.

Le mot de la fin pour Nicolas : "Ca fait deux ans qu’ils écrivent des conneries sur moi, deux ans que je les vois tous les jours et je n’ai jamais bougé. Si j’avais voulu en attraper un, y’a bien longtemps que je l’aurais fait et sûrement pas pour des histoires de «bonjour» mais pour des trucs autrement plus graves écrits à mon propos".

Réactions

  • ZZ le 22/01/2001 à 00h00
    Cette histoire glisse un peu d'humour dans le foot d'aujourd'hui mais vous avez occulté l'explication de l'incident par nico himself sur son site. Un vrai régal... Il dit en substance : "Un mec s'approche de moi en disant bonjour style aggression... La grosse embrouille quoi... Je lui dit: " Je te connais pas, je ne t'aime pas, casses toi ou je t'en met une... " . J'voudrais juste dire à Nico que "bonjour" c'est pas une insulte même si parfois, c'est vrai, les journaleux dépassent un peu les bornes, c'est même une valeur qui se perd... Au lieu de filer des baffes, il ferait bien de prendre exemple sur Madar... et de faire taire les rumeurs en faisant vibrer le parc.

  • skonto le 22/01/2001 à 00h00
    ZZ, dans le fond, tu as raison mais je pense que tu as un peu oublié la dimension humaine. Et oui, les footballeurs, les stars du football, ont comme nous des réactions "humaines", pas forcément très intelligentes, comme nous. Tu dis: "il ferait mieux de faire vibrer le parc comme Madar". Ce que tu lui repproche donc est de ne plus marquer. Tu donnes donc la réponse, je pense, à son geste. Ne penses tu pas que ça le fasse chier de ne pas marquer? Etant d'un caractère un peu impulsif, limite parano (mais est-ce sa faute, ne le serait-on pas à sa place?), le fait qu'on l'emmerde à une période où le club auquel il est sincèrement attaché est en difficulté et que lui, en ne marquant pas, ne particpe pas au redressement, peut entraîner ce genre de réactions même si elle est condamnable. Il faut avouer que les journalistes et principalement les journalistes sportifs ne font pas preuve d'un grand tact ni d'une grande finesse.

  • Amazigh le 22/01/2001 à 00h00
    C'est la enième fois que j'envoie ce message sur un forum j'ai donc décider de faire un copier/coller le voici:
    Tout d'abord, je tiens à préciser que je ne cautionne la violence, ni sur le terrain, ni en dehors du terrain. Mais avouez que lorsqu'on vous pousse à bout, une petite gifle ne fait pas de mal! On connait bien Anelka. On sait qu'il n'est pas violent du tout. Pourtant, il est souvent maltraité à tort ou à raison sur le terrain, mais surtout en dehors. Il n'a jamais répliqué mais, là, je crois qu'il y a eu un abus. M. Sébastien Tarrago pense que sa carte de journaliste lui permet tout et n'importe quoi. Et notamment le harcèlement moral sur un jeune de 21 ans qui n'aime pas s'exprimer devant les médias. C'est son droit le plus absolu! Alors, messieurs les journalistes (surtout ceux de l'Equipe!) remettez vous en cause. Certes, vous avez une arme absolue, mais n'en abusez pas: vous risquez, non seulement de vous mettre à dos les sportifs professionnels*, mais aussi certains lecteurs!

    * Jacquet, Zidane, Petit, Dugarry... et j'en oublie!


    Mais je voulais aussi ajouter à ce copier/coller que l'on oublie souvent d'ou Anelka vient c'est à dire de la banlieue, qu'il représente une tranche de la population souvent mal aimée des Français (rappeurs...) et qui ont souvent un vocabulaire limité ce qui ne veut pas dire qu'ils soient moins intelligents que les autres amis qui les empêchent d'être à leur aise devant des médias!
    quand on aime pas une personne on l'ignore tout simplement!!!

  • houbahouba le 22/01/2001 à 00h00
    Pas d'accord avec Anelka car j'estime que mettre une baffe à quelqu'un qui essaie de faire son boulot c'est pas très cool. C'est comme celui qui tape une contractuelle parce qu'elle veut lui mettre une contravention.... Même si les journalistes abusent de leur statut parfois en voulant des infos et en ne les retranscrivant pas toujours fidèlement. La question est de savoir comment faire un métier public en ne voulant pas communiquer avec ce public? Et même si les joueurs veulent de plus en plus maîtriser leur image et leur communication (via Internet par exemple) faut-il pour cela négliger les autres médias. En fait, les journalistes paient un peu leurs excès du passé (ex l'Equipe avec Jacquet) et apprécient la perte d'un certain monopole puisqu'ils ne seront plus les seuls moyens de toucher le public. Petite parenthèse: est-ce qu'il existe un footballeur qui boycotte téléfoot, émission spécialiste de la brosse à reluire et du cirage de pompes??

  • Vicky le 22/01/2001 à 00h00
    Les joueurs veulent le beurre et l'argent du beurre. Ils prétendent que seul le foot et le terrain comptent, mais ils ne crachent pas sur les revenus publicitaires que leur popularité leur permet d'obtenir. Tout métier a ses contraintes, et rien n'excuse d'envoyer une baffe à un journaliste, si pressant soit-il. Moi, je lis les interviews des joueurs et je ne trouve pas qu'elles soient si inintéressantes que cela... Il faut d'ailleurs distinguer les conférences de presse d'avant ou d'après match, où la langue de bois est souvent de mise, des grands entretiens, plus intéressants, que proposent certains journaux.

    Aujourd'hui, les joueurs se réfugient derrière leur site internet, qui leur permet de dire ce qu'ils veulent bien dire tout en occultant les questions gênantes, et boudent la presse. Personnellement, je le regrette, même si dans le cas précis d'Anelka ça m'est égal (je préfère de loin l'attitude de son pote Thierry Henry, plus sympathique, disponible et surtout moins parano!).

  • apartirdela le 22/01/2001 à 00h00
    Il est clair que les journalistes footbaliens finissent pas être aussi chiants que les questions qu'ils posent aux joueurs voir aux reponses qu'ils obtiennent. A force de vouloir remplir l'espace avec des interviews à chaud, on finit par être gavé de tombereaux de conneries du genre "oui ce but nous a fait tres mal", "ce match vas nous servir de reference", "l'important c'est les 3 points" sans oublier le mythique "à partir de la" etc, etc ...

    Sans vouloir abaisser le QI des joueurs de foot, n'oublions pas qu'on leur demande avant tout d'être performants sur le terrain balle au pied et pas forcement au micro des journalistes. Et puis comment répondre autres choses que des banalités à des questions à la con?

    Donc, j'approuve sans limitations la reserve d'Anelka par rapport à la presse. Par contre, de la à claquer le beignet d'un journaliste, je suis moins d'accord même si l'idée m'amuse. Mais Anelka est un type à part. Sa courte histoire demontre qu'il est plutot "rude" et ses reactions plutot "sanguines".

  • pmt le 22/01/2001 à 00h00
    Alors là, pas du tout, du tout, du tout d'accord. Parfois, certains sportifs peuvent être légitimement défendus quand ils sont énervés par les médias; mais, pour Anelka, c'est autre chose. Il a été et est encore un produit de mass-média; il s'en est servi et s'en sert encore... Quand il est parti de Paris, il avait tout un scandale du fait qu'il ne jouait pas; il a poussé dans le même sens en Angleterre en faisant dire aux médias étrangers que les journaleux anglais était "très vilains"... Il est revenu au PSG comme une belle opération de marketing où la presse à aussi travaillé dans son sens... Son image publique lui rapporte énormément et il en joue sur les murs et à la télé. Alors, qu'il assume, s'il ne veut pas être emmerdé par la presse qu'il reste tranquille dans un club et qu'il prouve son prix dans la régularité de ses prestations et dans son tempérament irréprochable (au Réal, il avait posé sur la place publique son différend avec les journalistes). Que les journalistes de la presse sportive ne soit pas les meilleurs du monde, certes; mais on n'a pas à cautionner la stupidité d'Anelka qui ne refuse pas ce système mais ne l'accepte que quand ça arrange ses intérêts (ou ceux de ses proches).

  • amazigh! le 22/01/2001 à 00h00
    PMT a tout compris! Comment peux-tu affirmer que Anelka se sert des médias alors qu'il ne donne jamais d'interview c'est plutôt eux qui se servent de lui combien de fois on a vu des périodiques mettre sa photo à la une alors qu'à l'intérieur il n'y avait rien à dire sur lui c'est juste pour en vendre plus parce que oui Anelka fait vendre il le sait il en profite et il a raison n'importe qui aurait fait la même chose et les journalistes le savent aussi d'ou l'excitation de Mr Tarrago qui n'a plus rien à se mettre sous la dent! A l'avenir il tournera sa langue ou plutôt son stylo 2 fois avant de sortir des conneries sur un joueur!

  • olivier le 22/01/2001 à 00h00
    On devrait lui donner une médaille à Anelka! Gifler un journaliste de l'Equipe, il y a longtemps que quelqu'un aurait du le faire!
    Plus sérieusement, je pense (tiens je parle comme un footballeur) que le métier des joueurs ... c'est de jouer! Point final. Ce n'est pas de raconter toujours les mêmes réponses aux même questions débiles!

  • pmt le 22/01/2001 à 00h00
    Amazigh, je maintiens que lorsqu'il a voulu quitter Arsenal, il s'est répandu dans la presse étrangère (non anglaise) pour dire que les journaliste anglais l'énervaient. Et, quand il a voulu rentrer à Paris, il a été très heureux d'en parler un peu partout pour que ça se sache. Il a même fait une interview exclusive à la télé française pour expliquer et régler ses problèmes quand il était à Barcelone. Je ne dis pas que les journalistes ne sont pas lourds ou que se sont des saints, mais je pense qu'Anelka les aurait mieux traités s'il en avait eu besoin. En revanche, je comprends que Jacquet, Lemerre ou Dugarry soient aigris vis-à-vis des journalistes dont ils ont subi les diatribes; ce qui n'est pas le cas d'Anelka me semble-t-il; en plus, ils savent ne pas répondre sans frapper. Enfin, il ne me semble pas qu'Anelka ait été agressé par les journalistes dans sa vie privé comme ce fut le cas pour Pérec ou Björk qui étaient en lousedé dans un aéroport... Il était à la sortie de son entraînement... On ne va pas interdire aux journalistes d'essayer de parler aux joueurs à la sortie des entraînements quand même !

La revue des Cahiers du football