Merci Paris
En défiant les probabilités avec une deuxième élimination, le PSG s'est fait du mal, mais il a fait du bien au football.
On m'accusera d'être anti PSG pour écrire un truc comme ça, mais c'est faux et ce n'est pas la question: je pense sincèrement qu'il faut remercier Paris. Le remercier d'avoir servi une cause plus noble que le football français: le football tout court.
À l'ère où le goût bien légitime pour la statistique se fourvoie (coucou Geoffroy Garétier) trop souvent dans l'idée que les chiffres puissent être "prédictifs", le PSG n'a pas fait que déjouer les pronostics, il a contrarié pour toujours le plus assuré d'entre eux, une deuxième fois, dans un nouveau cas de figure plus certain encore que l'autre (retour à domicile).
Tout est (presque) possible
Quelle œuvre de pédagogie! On ne peut pas mieux expliquer que 100% de réussite dans le passé (à se qualifier après un 4-0 ou un 0-2 à l'aller en Ligue des champions [1]) ne signifie pas 100% de chance de réussite à l'avenir. En prime, le PSG a ridiculisé Pierre Ménès qui avait insulté, dans une vidéo méprisante et sponsorisée, les "blaireaux de France" qui parlaient remontada. Merci.
Épistémologie mise à part, on doit observer que le PSG (pas le Barça ou Manchester, non, le PSG), grâce à la qualité de son effectif, aux promesses de son jeu lors des matches aller, à l'envie qu'il a d'aller au bout, et à la crédibilité de la perspective, a su donner le plus grand retentissement à son désastre. Et servir de modèle. Ainsi, une chose a définitivement changé. Une chose amorcée il y a deux ans, conclue cette semaine. L'idée que tout est possible.
Surtout entre clubs aux budgets équivalents, bien sûr. Mais l'idée que rien n'est jamais joué dans le football quand les équipes jouent dans la même cour – ce poncif éculé, cet argument pour défendre la singularité de ce sport – a regagné sa consistance et sa noblesse. Si seulement davantage d'équipes pouvaient jouer dans la même cour… Combien chaque match retour serait palpitant!
La loi du détail
Oh bien sûr, il y en a eu d'autres, auparavant, des remontadas. Mais en ayant connu les deux nuances du pire, et de manière si rapprochée, alors qu'il pouvait être le vainqueur final du tournoi, le PSG a fait passer les renversements du statut d'exception à celui de possibilité. Le PSG est l'allégorie de cette éventualité, il a porté à son plus haut niveau de crédibilité l'idée qu'une qualification se joue en 180 minutes. Toutes les équipes vont pouvoir y croire.
Par les circonstances du match retour, il a même réussi à redonner du sens à la plus fade des répliques, la plus creuse des remarques, la plus facile des analyses – et pourtant, la plus essentielle, la plus vraie, la plus caractéristique du sport de haut niveau, ainsi que le PSG, et lui seul, l'a rappelé: un match, ça se joue à des détails.
Bien sûr, on n'oublie pas que Manchester a miraculeusement bénéficié des détails, et obtenu plus de buts que d'occasions créées, mais comme la dernière doit tout à la VAR et rien à l'esprit du match en particulier ni du jeu en général, on se prend même à rêver plus grand: et si l'on devait remercier aussi le PSG d'avoir contribué à la fin de la VAR?
[1] Si on ne se contente pas de la Ligue des champions et que l'on va chercher l'ensemble des doubles confrontations dans toutes les Coupes d'Europe depuis 1980, c'est arrivé 11 fois sur 377 précédents: Manchester avait 3% de "chances" de qualification.