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Mbappé allait changer le monde

Dans un bar, rencontre fantasmée (?) entre un journaliste et l'attaquant que le monde s'arrache. Et s'il n'avait pas les ambitions qu'on lui prête et voyait la suite de sa carrière autrement?

Auteur : Antoine Seignez le 13 Août 2017

 

 

J’ai donc pris le premier train pour Monaco, toutes affaires cessantes. Les affaires, on n’en manquait pas, ni nous à la rédaction, ni les clubs, dans ce mercato fou, où Neymar était passé sous l’Arc de Triomphe pour trois deux et six zéro. À la rédaction, nous étions contents, ça donnait du travail et ça promettait de bonnes ventes pour toute l’année. Un bonheur ne venant jamais seul, Mbappé allait peut-être prendre la même direction.

 

Attablé, lisant la carte, Kylian m’attendait. C’était un bar tout à fait quelconque... drôle de choix... mais il paraissait bien l’aimer. Ça ne donnait même pas sur la mer, mais je suppose que la mer le blasait désormais et qu’il recherchait la discrétion. À deux, nous représentions la moitié des clients à cette heure-là, et nous pûmes discuter de tout sans nous gêner. Je fus attendri de revoir sa bouille, qui n’a pas changé depuis les foots sur les terrains de béton (vous n’avez qu’à regarder les photos d’époque), son sourire de mioche. Je ne l’avais pas vu depuis une bonne année et, dans ses yeux, je décelais un peu de tristesse. Était-ce le sujet dont il voulait m’entretenir?

 

 

 

Mercato be, or not to be

Il me demanda si j’avais fait bon voyage. Je répondis que j’avais travaillé sur mon ordinateur pendant tout le trajet, restant en contact avec la rédaction. Il me demanda si j’aimais mon travail. Je réfléchis et lui répondis que nous vivions tous les deux de notre passion, quoique différemment. Il hocha la tête. Et confia qu’il allait peut-être me donner du travail supplémentaire pour le trajet retour. Peut-être pas tout de suite, dit-il en baissant la tête, pénétré d’une idée mystérieuse.

 

"Te rappelles-tu nos foots à Bondy?, dit-il en relevant les yeux.
- La dernière fois que j’y ai pensé, c’était il y a dix minutes en revoyant ta frimousse. Tu as pris du muscle mais le reste n’a pas changé!
- J’espère avoir progressé un peu.
- Oui, un petit peu! Peut-être que tu arriverais à me marquer quelques pions maintenant. Mais je croyais que tu m’avais donné rendez-vous pour me parler mercato.
- Oui, mais pas comme à un journaliste, comme au gardien de but de dix ans qui souffrait de sciatique à force de ramasser le ballon dans ses filets.
"

 

 

Passion du foot

Nous nous remémorâmes nos plus belles parties et nos plus folles. Une fois où il y avait goal volant, j’avais dribblé tout le terrain et marqué d’une pichenette; Kylian m’avait applaudi. C’était la seule fois où j’avais vu de l’admiration pour moi dans ses yeux. Ç’avait été mon Monaco-Manchester City à moi. À cet âge, Kylian portait souvent le maillot du Real Madrid, reçu pour ses onze ans je crois, et on lui promettait tous un contrat en or signé par lui et Florentino Perez.

 

"C’est ce que je veux revivre", lança-t-il avec un regard profond.
Hébété une seconde par la fermeté de sa parole, je rétorquai:
"D’après nos informations, tu as été en contact avec le Real..."
Il rit. Il pouffa.
"Réfléchis à ce que je viens de te dire."
Je pris une minute pour faire le point sur notre causerie.
"Revivre ta passion d’enfant pour le football?
- Oui.
"

 

 

Préoccupations

Il serait trop fort de dire que le foot d’adultes le dégoûtait, mais il le décevait. Il se confia longuement, amèrement. Il aimait la compétition, pas la pression. Il aimait l’entraînement, pas la discipline. Il aimait les supporters, pas les consommateurs. Il aimait les maillots, pas les sponsors. Il aimait les clubs, pas les entreprises. Il parlait de partir au Brésil, en Argentine ou je ne sais où pour retrouver le plaisir de jouer au ballon. Il prétendait que là-bas les gens vibraient vraiment pour ce sport, que les stades étaient jolis; il arguait que le marché, implacablement logique, y déracinait des espoirs pour les larguer dans des clubs européens, voire asiatiques, et que son arrivée pouvait, peut-être, par chance, tout remettre en cause: être salvatrice. Son discours était confus. Sidéré, j’imaginais les réactions de ceux qui font le football.

 

Pierre Ménès: "Ce gosse vient de jeter sa carrière à la poubelle. Les bras m'en tombent."
Leonardo Jardim: "C’est une grande perte pour nous, mais nous venons d’acheter pour douze millions un Marocain de dix-neuf ans très prometteur pour le remplacer."
Pascal Dupraz: "Il s’est dégonflé, ça arrive dans le foot même si cette fois c’est spectaculaire."
Didier Drogba: "Êtes-vous sûrs qu’il ne s’est pas trompé d’avion et ne devait pas signer en Chine?"
Arsène Wenger: "C’est absolument incompréhensible. Il se faisait un peu vieux mais il lui restait des challenges plus relevés."
Zinédine Zidane: "S’il est content, c’est bieng."
Cristiano Ronaldo: "Il veut être la grande star de son équipe, et c’est assurément plus facile là où il va qu’au Real Madrid."
Pep Guardiola: "Les Corinthians ne jouent pas la Ligue des champions, rassurez-moi?"
Didier Deschamps: "C’est dommage de ne pas se confronter au plus haut niveau en prenant part aux joutes européennes, quand on a son potentiel. Bon, nous allons continuer d’explorer l’Amérique latine. Pouvez-vous me donner le temps de vol entre Mexico et Buenos Aires?"
Nasser al-Khelaïfi: "Il faut respecter son choix. Sa décision n’est pas bonne puisqu’il ne vient pas chez nous, mais elle n’est pas non plus mauvaise puisqu’il ne va pas à Barcelone."
Noël le Graet: "Il reste sélectionnable. Autant que Benzema."
José Mourinho: "Kylian qui?"
Lucien Favre: "Il faut s’interroger sur ce qui pousse ce garçon à fuir notre football."

 

 

Conviction

Pour ne pas aller sur le terrain de la passion du foot, je lui représentai immédiatement qu’aucun club brésilien, argentin ou guatémaltèque ne pouvait se le payer. Et même s’ils se cotisaient. Il répliqua qu’il y avait une solution, sans en dire plus. Je repris:
"Tu te fais du cinéma. Tu t’ennuieras sur le terrain et mourras d’embarras quand il s’agira de dire aux journalistes ce qui te plaît tant dans cette contrée. Tu vaux mieux que ça. N’as-tu pas envie de porter le maillot d’un grand club, d’être entouré des meilleurs joueurs? De marquer d’une reprise de volée en finale de Ligue des champions, comme Zizou? N’as-tu pas envie de porter le maillot de l’équipe de France? et d’être élu meilleur joueur de la Coupe du monde? N’est-ce pas de cela que tu rêvais, enfant? Tu rendrais fiers toute ta famille, tous tes amis, et tout ton quartier! Imagine leur déception, à tous, si tu..."

 

Je m’interrompis, frappé par le vide que je lus dans les yeux de Kylian, par l’inexpressivité de son visage. Je me tus. Je finis lentement mon verre tandis que Kylian restait silencieux, immobile jusqu’à ses yeux. Puis enfin, il émergea de sa sorte de torpeur, fit un timide oui de la tête avec une moue vaincue et finit son verre à son tour.

 

Réactions

  • Redalert le 14/08/2017 à 11h58
    Pas mal, pas très crédible (malheureusement) mais pas mal.

    L'auteur a réellement joué contre M'Bappé quand il était plus jeune ?

  • fabraf le 14/08/2017 à 17h28
    Article très sympa et qui reflète à vrai dire bien mon sentiment quand arrivent les mercatos. Je reste continuellement navré de la façon dont sont traités les footballeurs:

    - Entre les joueurs, pourtant sous contrat, mis dans un loft, qu'on interdit de s'entraîner avec l'équipe première (!). Leur seul tort ? Ne pas faire partie des plans de l'entraîneur ou du club.

    - Entre les joueurs qu'on oblige de signer ailleurs sans trop lui demander son avis pour... quoi au juste ? Ah oui, il faut prétendument sauver le club !

    - Entre les joueurs en fin de contrat auxquels on fait miroiter une prolongation durant la saison puis à qui on ne donne plus de nouvelles après le dernier match.

    - Entre les joueurs à qui on fait littéralement du chantage : ou tu prolonges ou tu pars dans tel club.

    - Entre les joueurs sur lesquels les clubs ne comptent plus mais refusent de les laisser partir libre.

    - Entre les joueurs qu'on pousse à partir à cause d'une offre jugée astronomique

    - Entre des Monaco, Juve ou ManCity qui empilent les joueurs sans aucun but sportif ( lien)

    Et ces supporters qui, en idiot utile du système, préfèrent pourrir les rares joueurs qui ont un peu de pouvoir face aux clubs plutôt que de s'insurger de ces méthodes.

    Pour que le montant du transfert de Neymar, je suis choqué par les situations de ces centaines, milliers de joueurs qui ne font pas la première page, qu'on n'entend / lit pas dans les journaux pour ne pas être "encore un millionnaire en short courant derrière la baballe en train de pleurnicher".

    Moi, simple observateur, j'ai déjà du mal devant cette foire au bétail quand viennent les périodes de transfert. Alors je tire mon chapeau bien bas aux joueurs (footballeurs mais aussi basketteurs, rugbyman) qui, malgré tout cela, arrivent à continuer à aimer leur sport.

    N'empêche que j'aimerai beaucoup que la justice ordinaire se penche sur ces abus voire interdisent les indemnités de transfert. Peut-être, peut-être hein, est-ce le seul moyen de redonner ce sourire enfantin sur les visages de tous les Mbappé du monde.

  • José-Mickaël le 15/08/2017 à 05h26
    fabraf
    14/08/2017 à 17h28
    > N'empêche que j'aimerai beaucoup que la justice ordinaire se penche sur ces abus voire interdisent les indemnités de transfert.

    Ah, que les dieux du football t'entendent !

    On est tellement habitué à ces indemnités de transfert qu'on pourrait les croire évidentes. Pourtant elles n'existent pas dans les sports américains.

  • Hyoga le 17/08/2017 à 01h17
    lien

    Tu traduis ça comment, "cash considerations" ?

    De plus je suis pas certain que les joueurs aient plus leur mot à dire dans les échanges de joueurs, donc ce n'est pas beaucoup mieux. Et pour la draft?

  • La Metz Est Dite le 19/08/2017 à 00h20
    Fabraf, malgré toute ma bonne volonté j'ai beaucoup de mal à plaindre des mecs qui palpent a minima 15k, 20k ou 30k par mois. Même s'ils sont victimes d'un système ils font partie de la frange de la population qui s'en sort le mieux. On parle du smicard qui se lève à 6h tous les matins pour pointer à 7h ? Lui a une situation nettement moins favorable que le pauvre chouchou qu'on oblige à s'entraîner avec la réserve pour l'obliger à partir du club pour retrouver un contrat à seulement 45k mensuels.

    En revanche j'ai bcp plus d'empathie pour les footeux pro qui jouent en D3/D4, qui voient leur club ne pas pouvoir leur proposer un renouvellement de leur contrat fédéral, qui touchent 2500€/mois, qui doivent déménager tous les 12 mois, qui écument les clubs de National 1 et qui doivent se demmerder tout seul pour leur reconversion post sport pro.

  • Radek Bejbl le 19/08/2017 à 15h03
    Même si les mecs de D3/D4 peuvent être à plaindre par certains aspects (sur les déménagements je ne suis pas, je bosse régulièrement sur le CFA depuis une décennie et quasiment tous les joueurs ne quittent un club que pour le voisin), j'ai du mal avec l'argument : on te paye alors te plains pas. C'est même assez étonnant de lire un dérivé de "l'argent fait le bonheur" ici.

    Parce qu'au-delà du très fort pourcentage de footballeurs souffrant d'états dépressifs liés à un milieu bien plus concurrentiel et traumatisant que celui du Smicard, on peut retourner l'argument. Et dire (je caricature volontairement) que le pauvre chouchou qui doit se lever à 6h du matin n'avait qu'à s'entraîner tous les jours depuis sa petite enfance, accepter de quitter sa famille et sacrifier sa jeunesse s'il voulait avoir le salaire d'un footballeur pro.

  • fabraf le 19/08/2017 à 17h38
    Tout simplement merci Radek!

    Quand même pour La Metz:

    "j'ai beaucoup de mal à plaindre des mecs qui palpent a minima 15k, 20k ou 30k par mois"

    1) Ce relativisme ambiant est pour moi similaire au point Godwin car il tue toute discussion. En effet, on trouvera toujours une situation moins enviable. Tu parles du smicard qui se lève à 6h qui, avec ton raisonnement, est aussi un privilégié comparé au travailleur sans-papier qui bosse sur des chantiers. Et ainsi de suite. Selon moi, on peut tout autant dénoncer cette situation et celle de 95% des footballeurs.

    2) A présent, combien de joueurs sont concernés par ton ire ? A Metz, ton club de cœur j'imagine, combien émargent à plus de 10k ? Combien ont atterri dans ce club ces 3 dernières années par le jeu d'agents ?

    Pour prendre l'exemple du club que je suis l'OM, combien de joueurs le club a fait partir en usant de chantages, de menaces directes ou indirectes sur les joueurs et leur famille ?

    Quand tu parles de pauvres "chouchous", j'imagine que tu penses aux Ben Arfa... Quoique je ne sais pas pourquoi j'en parle au pluriel: combien de joueurs ont la chance de savoir qu'ils peuvent trouver un club du jour au lendemain? Par exemple, Cheik Diabaté qui se retrouve sans contrat à date. Combien de jeunes, qui n'ont pas l'exposition de Kimpembe auxquels on "propose" le deal suivant : ou tu prolonges ou tu ne joues pas de la saison ?

    3) As-tu seulement idée des sacrifices demandés pour passer pro ? Et pour le rester ? Perso j'aurais été strictement incapable de m'y conformer :
    - aucune liberté d'organiser ta vie car tu peux partir au vert à tout moment
    - aucune capacité de se projeter sur l'avenir car on peut te demander de quitter ton club à tout moment
    - aucune garantie de pouvoir seulement t'exprimer sur un terrain
    - aucune liberté dans ta vie quotidienne: pas le droit de se coucher après telle heure, de sortir faire la fête...
    - aucune sécurité professionnelle : une blessure et ta carrière peut s'arrêter net

    Je ne comprends pas comment un suiveur du foot, puisque tu es sur ce site, peut en fait tenir ce type de propos assez démagogique: la situation des Neymar, Messi ou Pogba est bien une exception à la situation de 99% des footballeurs pro.

  • fabraf le 19/08/2017 à 17h43
    J'oublie comme tu le soulignes Radek le nombre de cas de joueurs présents ou passés qui souffrent de dépression et d'autres problèmes. Ci-joint un article intéressant sur le sujet: lien. Leboeuf, entre autre, avait évoqué son cas.

    Mais j'imagine que tu me répondras : "Oui mais les personnes enfermées en prison souffrent de pathologie encore plus importantes".

La revue des Cahiers du football