Lyon et Paris, courses croisées
Une confrontation intense a laissé l'OL et le PSG ex-æquo au nombre de points, et avec des ambitions encore indécises dans ce championnat. Bilan à la trêve…
Auteur : Pierre Martini
le 22 Dec 2003
L'art du béton L'axe de la critique envers le PSG de Vahid Halilhodzic est vite trouvé, c'est celui du "béton" coulé par une équipe refusant le jeu, dressant une "muraille" devant son but, réalisant des "hold-up" à l'extérieur, etc. On peut effectivement s'arrêter là, mais il faut alors considérer que les dimensions tactiques du football représentent son côté obscur, éternellement opposé au "beau jeu" et au spectacle, et ne pouvant donc pas participer de celui-ci… Pourtant, le spectacle n'ayant pas été absent à Gerland vendredi soir, il faut bien admettre que les Parisiens y ont leur part, avec notamment une première mi-temps plutôt réussie, avec un avantage au nombre d'occasions. Les fans de coach Vahid ont sans nul doute pris un plaisir certain à voir son équipe neutraliser les talents lyonnais comme il l'a fait ces derniers temps face à d'autres adversaires. D'autre part, si l'entraîneur bosniaque compose avec un effectif pas aussi mauvais qu'on a bien voulu le dire (ou que lui-même s'est plus à l'affirmer, selon une tactique désormais rodée — voir Passeport Vahid), ce groupe est tout de même plus limité en qualité et en nombre d'options que celui de l'Olympique lyonnais de Le Guen. Vendredi soir, Halilhodzic a aussi dû se passer de Déhu et Cana, deux pierres de touche de son édifice… On a déjà eu l'occasion de le dire au moment où nous pressentions un retour en grâce des Parisiens (voir Paris pas si mal barré): après des années d'errements gestionnaires et tactiques, dont l'incohérence a culminé avec Luis Fernandez, il faudrait vraiment être d'une intransigeance folle pour ne pas créditer le tandem Graille-Halilhodzic d'un retour à la raison sportive qui était la condition sine qua non du "redressement" du PSG. D'autre part, cette cohérence tactique s'accompagne d'une combativité des joueurs et d'une solidarité entre ceux-ci qui n'avaient plus court à Paris depuis des années. Là encore, il s'agit d'une véritable embellie que les supporters sauront apprécier. Enfin, on est quand même surpris de voir le peu de cas fait de la qualité de certains mouvements offensifs parisiens (comme celui ayant abouti à l'occasion de Fiorèse à la 12e minute), de même qu'à la valeur de certaines de ses individualités en cours d'épanouissement, comme Branko Boskovic ou Modeste M'Bami (sans évoquer le prometteur Sorin). Le stade 2 des ambitions Inversement, les limites de ce PSG sont également apparues lors de cette rencontre. Comme contre Bordeaux, les Parisiens ont excessivement reculé après avoir pris l'avantage, au point de peiner même à placer des contres. Le paradoxe est bien que ce n'est peut-être pas dans le bétonnage ou la défense d'un avantage que cette équipe réussit le mieux, mais plutôt lorsque la rencontre n'a pas pris d'orientation. La fin de son match à Lyon, après l'égalisation, a d'ailleurs rappelé celle réalisée à Marseille. Alors que les Olympiens du Rhône espéraient doubler la mise, on a revu les Parisiens aux avant-postes, et sans la fatigue du combat ayant précédé, ils auraient sans doute pu se créer des situations dangereuses (cf. la faute d'Edmilson sur Pauleta aux dix-huit mètres). Paris est en progrès, mais n'est pas encore en mesure d'imposer son jeu dans toutes les circonstances. Ce sera le chantier de l'année à venir, celui qui permettrait à Vahid Halilhodzic de franchir un palier en prouvant qu'il n'est pas seulement capable de décliner une tactique "lilloise" partout où il passe… Restera, à plus long terme, à déterminer si le Bosniaque est capable de gérer une équipe explicitement taillée pour les premiers rôles. Un mercato judicieux pourrait d'ailleurs avancer légèrement cette échéance et ce PSG, qui a pris l'OM de la saison passée comme modèle, ne peut pas ignorer les pièges du passage au deuxième stade de la reconstruction… Lyon au bénéfice du doute Ce match de la dernière journée de 2003 a livré des enseignements implicites, ayant trait au ré-étalonnage des équipes de tête. Le premier tiers du championnat avait nettement dégagé un trio de formation présumées supérieures à leurs poursuivantes. Si Monaco a confirmé un ascendant qui a peu de chances de se déliter dans les mois à venir, l'OM, suivant un chemin inverse au PSG, a dû réévaluer à la baisse sa valeur sportive — même si la mauvaise passe actuelle est probablement aussi trompeuse qu'une entame de championnat excessivement flatteuse. Le cas de l'OL est plus incertain. Son irrégularité chronique a empêché de le créditer de la qualité constatée lors de grandes occasions (à Marseille ou à Munich par exemple), et nous avons souligné récemment que sa qualification en huitièmes de finale, pour émotionnelle qu'elle fut, n'a pas témoigné d'un réel franchissement de cap sur les plans tactique et psychologique (voir L'année du retour?). L'abondance de biens semble lui nuire un peu, et Paul Le Guen peine à résoudre ses problèmes de riche au moment de composer une équipe-type. Et si les schémas tactiques restent en plan, ce sont les individualités qui peuvent soulever des doutes. Ainsi, Juninho cristallise-t-il les contradictions. Les dernières semaines ont fait de lui, aux yeux des commentateurs, un incomparable "artiste brésilien". Sa science des coups de pied arrêtés est certes remarquable, mais, d'une part, il ne peut totalement convaincre dans le registre de milieu récupérateur, et d'autre part, il prend en définitive une part assez faible dans la définition du jeu. On peut d'ailleurs s'étonner qu'avec une telle gamme de techniciens (au rang desquels figurent Carrière et Dhorasoo), l'OL illustre à ce point la disparition des meneurs de jeu dans le foot moderne, se condamnant à une sorte d'impuissance tactique. Et c'est justement dans ce milieu de terrain aussi riche que les interrogations sont les plus marquées. Govou traîne les séquelles de sa blessure coréenne et ne retrouve pas son niveau des saisons précédentes — comme on avait pu le penser lors de OM-OL. Sur l'autre flanc, Malouda est très actif, mais il est ni un "duelliste", ni un finisseur… Enfin, faute de temps de jeu, Carrière et Dhorasoo restent en dessous de leur potentiel, tandis que Diarra et Essien n'ont pas vraiment le profil pour compenser les lacunes tactiques de leur équipe. On se gardera bien de conclure que l'Olympique lyonnais est en passe de réaliser une moins bonne saison que les précédentes, connaissant sa faculté de régénération dans la seconde mi-temps des championnats, et sachant la qualité de son effectif. De même, le classement figé par la trêve est-il probablement trompeur quand il place le PSG et l'OL sur le même rang. Si le club de la capitale a rehaussé ses ambitions et s'est rapproché de son adversaire de vendredi soir, le club de Jean-Michel Aulas bénéficie d'un vécu supérieur et sa marge de progression reste importante. Il devrait lui suffire de quelques réglages et d'un retour en forme d'Elber pour entamer dès janvier la poursuite derrière les Monégasques…