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« Les milieux deviennent talentueux »

Après le WM et le 4-2-4, le football se tourne vers des tactiques moins romantiques: mais du catenaccio au 4-3-3, l'intelligence règne. Seconde partie de l'interview de l'historien Pascal Charroin.

Auteur : Propos recueillis par Grégory Charbonnier le 26 Mars 2012

 

 

L'invention du béton

D’où proviennent les tactiques ultra-défensives ?
L’invention naît en Suisse vers la toute fin des années 1930, à Berne. L’idée est reprise en Italie et popularisée au sein de l’Inter d’Herrera dans les années 1960.

 

L’une des réponses au 4-2-4 est le catenaccio...
Le 4-2-4 est système le plus offensif qui ait existé. Ensuite, l’enjeu a tué le jeu. L’idée du catenaccio est claire : on renforce la défense. Un milieu de terrain décroche et un joueur "libre" – le libero – se met derrière la défense. On joue ainsi en 1-4-3-2 ou en 5-3-2.

 

On revient au principe du WM, s’agissant du marquage individuel ?
Oui, à l'exception du libero : chacun a son bonhomme, sauf lui. D’une manière générale, le catenaccio est l’antithèse du 4-2-4. Là où, auparavant, l’important était de garder le ballon, ici, le principe est d’attendre ou de provoquer l’erreur, la perte de balle, et de contre-attaquer. Pourquoi en Italie? Peut-être pour des raisons politiques et financières. Le foot était un sport majeur et l’enjeu a primé sur le jeu.

 


Helenio Herrera.

 

En gros, quel est le principe du catenaccio ?
Il implique une récupération basse du ballon et une contre-attaque rapide en peu de passes. Il faut des défenseurs de talent. On attire l’adversaire, on joue bas. Il faut accepter d’être dominé. Surtout, l’équipe doit avoir la capacité de se transformer au cours d’un match. D’assiégé, on passe très vite à assaillant.

 

Quelles sont les conséquences sur le gardien de but ?
Son rôle est plus classique que dans le 4-2-4, car il est protégé par son libero. Ce n’est pas un grand footballeur.

 

La nouveauté, c’est le libero…
Il ne marque personne et n’a aucune vocation offensive. D’ailleurs, même maintenant, ces joueurs montent peu, sauf sur coups de pied arrêtés – à l'exception de joueurs comme Beckenbauer ou Blanc. Latéralement, il couvre ses défenseurs, il "flotte" côté ballon.

 

Comment réagit la ligne arrière ?
La dimension du marquage individuel est importante. La transmission de la balle doit être propre. Ce ne sont pas que des "bourricots".

 

Les latéraux ont-il enfin un rôle offensif, à l’image de Facchetti à l’Inter Milan ?
C’est plus vrai que dans le 4-2-4. Les latéraux compensent le potentiel offensif amoindri de l’équipe. On ne parle pas encore de couloir, mais d’aile.

 

Les milieux de terrain ont-ils un rôle plus important qu’auparavant ?
Ils incarnent la capacité de transformation de l’équipe. Ils doivent être adroits car, comme l’équipe n’a pas souvent le ballon, il ne faut pas se rater. Ce sont eux qui déclenchent les contre-attaques.

 

Et les attaquants ?
Le jeu de contre-attaque les oblige à être rapides. Et opportunistes, parce qu’il y a beaucoup de temps faibles pour peu de temps forts : il faut aller vite et être efficace.

 


Giacinto Facchetti.

 

On parle toujours d’ailiers ?
Oui, cela ne change pas : ils débordent et centrent.

 

Le catenaccio s’est-il importé partout ?
C’est quand même une spécialité italienne. À défaut du système de jeu, c’est plus l’état d’esprit, la culture de ne pas perdre, qui se sont étendus ailleurs.

 

L’avantage de ce système de jeu n'est-il pas qu'il ne nécessite pas de grands joueurs ?
Oui, à l’exception de l’avant-centre. Il faut quand même de bons défenseurs. Mais il est vrai que la rigueur est peut-être plus importante que le talent.

 

L'exigence physique s'accroît ?
Pour les avants, oui, mais le catenaccio ne demande pas spécialement une dépense physique supérieure. C’est plus épuisant psychologiquement, puisqu'il faut se laisser dominer, que physiquement.

 

Le jeu de contre-attaque se traduit-il par plus de jeu long ?
C’est utile pour déclencher une contre-attaque rapide, mais ce n’est pas du kick and rush.

 

Quelles sont les faiblesses du système ?
On ne perd pas beaucoup, mais on ne gagne pas beaucoup. La valeur technique et physique de certains grands joueurs l’a rendu obsolète. Si ceux-là cassent le cadenas, l’équipe a de grosses difficultés pour revenir car elle n’est pas faite pour attaquer!

 


Vers le 4-3-3

La clé pour dépasser le catenaccio est le 4-3-3. Qui l’a mis au point ?
L’Ajax et l’équipe nationale des Pays-Bas dans les années 1971-1974.

 

Plus qu’un changement tactique, c’est un autre état d’esprit...
La notion de polyvalence apparaît. Kovacs avance l’idée de football total. Les arrières latéraux savent attaquer, les milieux créent. Le milieu offensif peut-être considéré comme un grand joueur: Cruyff, par exemple, alors que la star du 4-2-4, Pelé, était sur la ligne d’attaque.

 

La dimension physique prend encore plus d'importance.
Les joueurs doivent posséder plusieurs qualités dans leur registre technique : passe, dribble, débordement. C’est la grande période des combinaisons. Les arrières sont disponibles physiquement car, en face, les milieux sont devenus talentueux. On défend sur l’homme et pas en zone, donc il faut le suivre et en avoir les moyens physiques. Le stoppeur prend l’avant-centre, les latéraux s’occupent des ailiers. Le libero est libre.

 


Et les deux hommes de la charnière centrale développent leurs caractéristiques propres.
L'ASSE des années 1970 est un bon exemple. Le stoppeur stoppe l’avant-centre. Herbin a copié le modèle. On a toujours dit que ses Verts n’étaient pas techniques, mais c’était surtout le fait des journalistes extérieurs: "une équipe de la mine", etc. Mais il y a Bathenay, Larqué! Ils mouillent le maillot mais c’est aussi parce qu’il sont mieux préparés que les autres. Le milieu est technique. La faiblesse serait plutôt devant avec Sarramagna et Patrick Revelli, qui étaient des travailleurs et qui, paradoxalement, n’étaient pas les plus aimés. Pour en revenir à la charnière centrale, Piazza, qui était stoppeur, était au marquage... sauf quand il montait. Ce n’était pas un dribbleur mais il avait une telle masse physique! Seul Lopez était véritablement défensif car Janvion était un ancien attaquant et Farizon était irréprochable physiquement. C’est une défense en ligne avec marquage individuel. Dans la presse apparaît la notion de duel: Janvion contre Chiesa, Janvion contre Blokhine.

 

Le 4-3-3 et le foot total, n’est-ce pas aussi l’obsession de la supériorité numérique dans les différentes zones du terrain ?
Ce principe a toujours existé, je ne sais pas s'il est vraiment propre au 4-3-3.

 

Passons aux postes. Le gardien, par exemple.
Il participe cette fois à la construction, relance vers les latéraux. Comme il y a de grands joueurs par la taille en face, il sort de sa ligne sur les centres.

 

Qui est l’aboyeur de l’équipe ? Le gardien, justement, par son recul et sa vision du jeu?
Sur les coups de pied arrêtés, c’est le cas. Sinon, c’est plus le libero ou le stoppeur. Le libero doit être rigoureux, à l’écoute de la consigne, c’est lui qui commande le hors-jeu.

 

Le libero est donc le patron. A-t-il un rôle offensif ?
Il peut monter, mais ce n’est pas sa priorité car ils ne sont que quatre derrière. S’il est grand, il monte sur les coups de pied arrêtés. On commence à voir des morphotypes de poste. Le libero a un physique plutôt quelconque à côté du stoppeur, qui est plus costaud. La révolution arrive par les latéraux. Ce sont des arrières de débordement, à l’origine d’anciens attaquants comme Janvion.

 

Les milieux de terrain ?
On a un numéro 10 créatif. C’est le joueur clé. Toutes les grandes équipes ont un grand numéro 10: Cruyff, Larqué, Michel... jusqu’à Zidane, d’ailleurs. Il est axial, a du recul pour voir ce qui se passe devant et il est plus libre qu’avant. Ce sont souvent de bons tireurs de coups francs.

 

Et les autres milieux ?
Le numéro 8 est plutôt offensif, comme Bathenay ou Giresse à côté de Platini, en équipe de France. Son acolyte a une vocation défensive, comme Synaeghel: un travailleur obscur, un milieu récupérateur. À l'époque, il y en a un seul.

 


Gérard Janvion (via Foot Nostalgie).

 

Devant, on voit deux ailiers et un avant-centre.
C’est l’époque des grands avants-centres : Carlos Bianchi, Gerd Müller, Hervé Revelli. Ils touchent peu la balle mais sont efficaces. On voit de nouveaux gestes techniques: contrôle dos à la cage et tir en pivot, alors qu’avant, le joueur courait dans le sens du match. L’image est celle du "renard des surfaces".

 

Quelles sont les faiblesses du 4-3-3 ?
Pour l’exploiter, il faut une grosse capacité physique. Je pointe aussi l’importance capitale des milieux de terrain comme Larqué, ou Platini qui a caché la misère lorsqu’il était à Saint-Étienne. Il faut aussi de vrais ailiers de débordement qui n’ont "qu’un pied".

 

Peut-on dater la fin du 4-3-3 ?
Au début des années 1980, avec l’avènement du 4-4-2, on retourne à la prudence. L’enjeu redevient dominant. De nouveaux patrons (Bez, Tapie, Borelli) arrivent et veulent des résultats. On fait reculer un attaquant. La ligne arrière est peu modifiée, mais on défend en zone. Dans l'entrejeu, on assiste à une séparation entre milieux défensifs et offensifs, avec l’avantage aux premiers. On se spécialise dans la tâche, on supprime les joueurs les moins importants. Les ailiers ne concrétisaient pas, les milieux sont passeurs, donc ils les remplacent. Les ailiers débordaient et centraient, mais les latéraux peuvent désormais le faire! Devant, on met souvent un pivot et un gars qui tourne autour. On revient à l’état d’esprit du catenaccio: le but est de marquer une fois.

 

PREMIÈRE PARTIE : « Le 4-2-4, un foot de justice »

Réactions

  • chapoto le 26/03/2012 à 03h46
    Ça s'arrête pas la, dites, il y aura une troisième partie? Vite!

  • José-Mickaël le 26/03/2012 à 04h09
    Toujours aussi passionnant ! Je ne sais pas comment ça va finir (oui, hé, il y a bien une troisième partie n'est-ce pas ? s'te plaît ?) mais je note que le nombre d'attaquants ne cesse de diminuer : 4 du temps des Hongrois, 3 du temps des Néerlandais, 2 à la fin de l'article. Si ça continue il ne restera plus qu'1 attaquant. Voire pas d'attaquant du tout, mouarf !

    Suspense...

    (Quoi Barcelone ?)

La revue des Cahiers du football