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« Les Antilles risquent de devenir des centres secondaires du foot français »

Les footballeurs antillais ont marqué l'histoire des Bleus. En sera-t-il encore ainsi dans le futur? Entretien avec l'historien Paul Dietschy. 

Auteur : Assia Hamdi le 10 Juil 2020

 

 

Dans le dossier "France" du numéro 4 de la revue des Cahiers du football, nous évoquons la contribution des joueurs antillais au football français et à l'équipe de France depuis les années 50. Avec l'historien Paul Dietschy, revenons plus en profondeur sur le sujet.

 

Paul Dietschy est professeur d'histoire contemporaine à l'université de Franche-Comté. Il est notamment l'auteur de Histoire du football (éd. Perrin, 2010) et Le Sport et la Grande Guerre (éd. Chistera, 2018).

 

 

 

 

 

Pourquoi, après avoir "recruté" dans des pays où le foot était bien développé, l'équipe de France s'est-elle d'abord tournée, dans les années 1950, vers des joueurs originaires de ses colonies et, seulement ensuite, vers ceux des Antilles?

 

Dans les années 1920-1930, le football français avait besoin d'une main-d’œuvre qualifiée venant des pays d’Europe centrale ou d’Amérique latine. Il s’est tourné à partir de la fin des années 1930 et surtout dans les années 1950 vers l’Afrique du Nord pour des raisons de proximité et par l’intermédiaire des réseaux de la France coloniale. Les Antilles semblaient d’autant plus éloignées que le nombre de clubs officiels y était faible. Pendant la saison 1953/54, les ligues de Martinique et de Guadeloupe ne comptaient respectivement que 26 et 35 clubs, quand la seule ligue d’Alger en recensait 134, plus 36 corpos! 207 clubs étaient affiliés à la ligue d’Afrique occidentale française. Les joueurs des colonies africaines avaient fourni leurs premières vedettes comme Larbi ben Barek, puis Abderrahman Mahjoub ou Rachid Mekhloufi.

 


« Janvion et Trésor sont d’abord admirés pour leurs exploits et leurs gestes légendaires. »

 


La décolonisation change cette donne?

 

Les territoires qui étaient devenus les départements d’outre-mer en 1946 connaissent alors un développement sportif, notamment dans l’athlétisme et le football. Les clubs professionnels français, qui ne peuvent plus aligner que deux étrangers par match et voient se fermer le "marché" africain, se tournent alors vers les Antilles. On compte en 1966 dix joueurs antillais dans le championnat de France professionnel. Et, depuis 1962, les clubs guadeloupéens puis martiniquais participent à la Coupe de France et viennent affronter des équipes métropolitaines en 32e de finale. En ce sens, le sport et le football suivent le mouvement d’intégration, au moins pour la main-d’œuvre, des DOM à la France.

 

Dans les années 70 et 80, comment Gérard Janvion ou Marius Trésor, parmi les premiers Antillais à briller dans le football français métropolitain, étaient-ils perçus en France?

 

Dès 1931 avec Raoul Diagne, l’équipe de France a aligné des joueurs noirs, au contraire des autres pays européens. L’arrivée de ces joueurs n’est pas une nouveauté, même si certains stéréotypes postcoloniaux peuvent s’attacher à eux: Gérard Janvion est la "panthère" (par ailleurs symbole de son club l’ASSE). Marius Trésor forme la "garde noire" avec Jean-Pierre Adams, né à Dakar – une dénomination qui rappelle la "force noire" que théorisait le colonel Mangin à propos des tirailleurs sénégalais avant 1914. Toutefois, si Marius Trésor enregistre un 45 tours intitulé "Sacré Marius", qui retrace de manière caricaturale et rythmée son parcours d’Antillais, les deux joueurs sont d’abord admirés pour leurs exploits et leurs gestes légendaires – notamment Marius Trésor et ses buts contre le Brésil (1977) et la RFA (1982). Toutefois, en tant que défenseurs, ils ne bénéficient pas de la même aura que les idoles "blanches" de l’époque, Dominique Rocheteau et Michel Platini.

 

En 1998, Marius Trésor déclare qu'avoir porté le brassard de capitaine lui avait fait réaliser que "pour les Antillais et les Noirs en général, c’était important"…

 

Trésor vient d’une île où le passé colonial, et notamment le souvenir de la main-d’œuvre servile, est resté fort. Il est né en 1950, soit seulement 102 ans après l’abolition de l’esclavage. L’économie de la Guadeloupe et la Martinique est alors dans les mains des békés, les descendants des propriétaires d’esclaves. Il veut aussi parler des préjugés à l’égard des Noirs encore en cours en métropole: un Noir serait voué à obéir et non à commander. Le rôle du capitaine est alors symboliquement important, c’est la reconnaissance d’une autorité autant morale que technique.

 


« C’est en endossant le maillot de l’équipe de France que les Antillais peuvent rêver de remporter un titre majeur. »

 


Nombreux ont été les Antillais à jouer en équipe de France et pourtant, aux Antilles, le football souffre aujourd'hui du manque d’infrastructures, de moyens, comment peut-on expliquer ce paradoxe?

 

La situation du football aux Antilles est complexe, notamment comparée à celle de la Réunion, qui bénéficie sans doute d’une histoire et d’un environnement plus propices. Par ailleurs, le manque d’équipements est aussi le reflet des difficultés propres aux DOM, qui tiennent autant d’un manque certain de crédits publics, voire du désintérêt de la métropole, que du déficit de cadres. Sans parler, parfois, des insuffisances et du népotisme de certain(e)s représentant(e)s de la classe politique locale.

 

Au vu du passif entre les Antilles et la France, l'importance des Antillais parmi les Bleus des années 1990-2000 a-t-elle représenté un tournant?

 

Une sélection nationale constitue d’abord la reconnaissance d’une excellence sportive, avec la possibilité de jouer et même de remporter des grandes compétitions comme la Coupe du monde. En ce sens, pour les joueurs, l’équipe de France n’est plus seulement une reconnaissance de nationalité, comme ce fut le cas pour Gérard Janvion ou Marius Trésor, mais un moment important du parcours sportif. Certes, les équipes de Martinique et de Guadeloupe peuvent désormais participer aux compétitions de la Concacaf et réaliser des exploits comme les Gwada Boys en 2007 – éliminés de justesse en demi-finale de la Gold Cup par le Mexique –, mais c’est en endossant le maillot de l’équipe de France qu’ils peuvent rêver de remporter un titre majeur. Pour les supporters, c’est sans doute la même chose, d’autant que les Antilles sont encore bien représentées avec Varane, Coman ou Lemar.

 

Contrairement aux années 50-60-70, les joueurs de l'équipe de France ne sont plus des "immigrés" antillais, ils naissent en métropole. Est-ce inquiétant pour le développement du football aux Antilles?

 

Sans doute, oui. Des départements comme la Seine-Saint-Denis sont devenus des zones de recrutement majeures pour les meilleures formations européennes. Leurs clubs amateurs sont généralement bien structurés et cherchent à bénéficier de la réglementation FIFA sur la redistribution du montant des transferts vers les clubs formateurs. Il est évident que les Antilles risquent de devenir ou de rester des centres secondaires du football français, d’autant que le recrutement de jeunes joueurs se fait aussi très largement en Afrique subsaharienne. Autant que le reflet des relations entre ce que l’on appelle aujourd’hui les Drom [départements et régions d'outre-mer] et la métropole, il s’agit aussi d’un effet de la mondialisation du football.

 


« Leurs conseillers financiers trouvent peut-être que les niches fiscales des Drom ne sont pas assez attractives… »

 


Les joueurs originaires des Antilles se réclament de leurs origines, mais ils sont peu nombreux à "réinvestir" dans l'avenir du football dans leurs îles. Pourquoi?

 

Des joueurs comme Marius Trésor ou Gérard Janvion ont fait leur vie en métropole, se sont mariés à des métropolitaines. Les générations suivantes sont davantage des banlieusards, cosmopolites lorsqu’ils jouent à l’étranger, que des Antillais. Leurs conseillers financiers trouvent peut-être que les niches fiscales des Drom ne sont pas assez attractives…

 

Pourquoi a-t-il fallu attendre 2005 pour qu’un match de l’équipe de France soit organisé aux Antilles (en Martinique, face au Costa Rica, à la suite d'un crash aérien)?

 

Il y a plusieurs facteurs. D’abord, le calendrier international de plus en plus dense et les clubs qui rechignent à mettre à disposition leurs joueurs trop longtemps. Ensuite, les conditions économiques et matérielles qui ne semblent pas favorables (stades trop petits, décalage horaire). Par ailleurs, le temps des tournées de fin de saison en Amérique du Sud est révolu – même si l’on ne s’arrêtait pas pour autant dans les DOM quand elles existaient.

 

C'est seulement dans les années 2000, avec Laura Georges et Wendie Renard, que des joueuses antillaises intègrent les Bleues. Pourquoi ce retard?

 

Là aussi, les explications sont multiples. En premier lieu, la sociologie du football féminin, qui a d’abord été un sport de classe moyenne en métropole. Ensuite, le "syndrome Marie-José Pérec" a peut-être joué: les filles d’origine antillaise montrant des dispositions athlétiques étaient plutôt dirigées vers les pistes et les sautoirs. Enfin, pour les joueuses issues de la diaspora, le manque de clubs alignant des équipes de filles à proximité des quartiers populaires. Une situation aujourd’hui révolue, d’autant que le football féminin a crevé le plafond de verre médiatique.

 

Propos recueillis par Assia Hamdi

 


 

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