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Leçon 3 : l'interview miné

L'Académie de journalisme sportif des Cahiers du football poursuit sa mission éducative, avec la troisième session du "Journalisme sportif en 12 leçons" pour apprendre sans peine une des professions les plus exaltantes de notre époque. Aujourd'hui, l'insinuation-déstabilisation.
Auteur : Le journalisme sportif en 12 leçons le 2 Mai 2001

 

Les difficultés relatives à l'interview d'un joueur de football sont multiples, nous les aborderons les unes après les autres. La première n'est pas d'ordre technique et ne tient pas à la difficulté à trouver des questions à poser (il suffit pour cela de s'inspirer des questions déjà posées), mais insiste sur le fait que le journaliste doit lui-même produire de l'information, quitte à la mettre de force dans la bouche de son interlocuteur. Si une situation ne présente aucun caractère polémique ou conflictuel, il est important de semer des graines pour l'avenir, afin de favoriser à terme l'éclatement d'un scandale ou d'une controverse. Et vous serez là le jour de la récolte.
En clair :
Appuyez là où ça fait mal, même si ça ne fait pas mal, parce qu'à force ça fera mal.
Insinuez, insinuez, il en restera toujours quelque chose.

Etude de cas
Un exemple tout récent illustre à merveille cette précieuse méthode. L'Equipe Magazine du 28 avril, à Clairefontaine s'en allant promener, a trouvé l'eau si claire qu'elle a voulu la troubler un peu, en interrogeant Vincent Candela.
Sur 47 questions, 24 n'ont porté que sur un seul sujet : le statut de remplaçant en équipe de France du joueur romain. Il est clair que ce dernier semble s'accommoder assez bien de ce statut, qu'il n'a jamais exprimé sa frustration ou son mécontentement. C'est anormal. Il y avait donc un sillon à creuser, un clou à enfoncer.
Nous avons effectué une sélection de ces questions, avec entre parenthèses leur sens décrypté :
- "Vous semblez voué au rôle de remplaçant en équipe de France. A Rome, personne ne doit comprendre votre situation?" (en Italie, pays du football, ils doivent bien rigoler).
- "Et vous, vous le comprenez? Vous vous êtes fait à l'idée?" (vous trouvez ça normal, vous vous laissez faire? ).
- "A force de vous voir toujours avec le sourire, on pourrait finir par croire qu'il est facile d'être remplaçant chez les Bleus?" (vous êtes un peu con? ).
- "L'étiquette de "remplaçant idéal" vous agace? (il faut dire que ce doit être humiliant).
- "Etre remplaçant n'est pas naturel pour un compétiteur" (c'est pas normal, vous avez un problème? ).
- "A chaque fois que le sélectionneur annonce la composition de son équipe, c'est une déception?" (ça fait mal, hein…).
- "Est-ce plus difficile lorsqu'on vit une saison aussi exaltante avec son club?" (vous êtes en pleine bourre, c'est un gâchis énorme pour votre carrière).
- "Dans votre parcours en bleu, votre polyvalence vous a servi ou desservi?" (bonne à tout faire, c'est sûr que c'est pas bon pour l'image).
- "Pourquoi ne revendiquez-vous pas d'avantage" (réagissez bon sang, ruez dans les brancards, je vous écoute).
- "Votre entourage partage cette sagesse?" (ta femme doit être furieuse).
- "Votre comportement révèle-t-il un manque d'ambition?" ( en somme, vous êtes un gagne-petit ).
Une autre excellente illustration de la technique d'insinuation-déstabilisation est disponible à cette adresse, avec l'interview fictif d'un joueur nommé Ramsès II pour les besoins de l'exemple.

Commentaire
La paix des équipes ne sied point aux journalistes et le consensus ne convient pas aux scores d'audience. En excitant les inimitiés, en allumant les mèches et en jetant de l'huile sur le feu, vous vous assurez un fonds de commerce au chiffre d'affaires constant, quels que soient les résultats des équipes nationales. La presse populaire allemande, par exemple, peut abondamment nourrir ses colonnes des scandales de la Mannschaft sans pâtir de ses médiocres résultats.
Cette méthode est particulièrement employée auprès des clubs très médiatisés, et l'a été de façon très significative auprès de l'équipe de France dans la période précédant le Mondial 98. C'est une des rares situation où notre stratégie a produit un résultat totalement inverse, avec la consolidation de l'harmonie et de la protection du groupe. En temps ordinaire, les stimulations du genre "mais enfin, votre entraîneur est un abruti total, ce doit être terrible pour vous" obtiennent d'excellents résultats. Pour des exemples plus récents, voir Presse qui coule, 01/12/2000.

Conseil pratique : l'insinuation s'insinuera d'autant mieux dans l'esprit du joueur si vous avez préalablement arrosé le terrain avec un flot d'éloges.
Niveau avancé : le travail hors-micro est au journaliste ce que le jeu sans ballon est au footballeur. Il lui permettra d'être démarqué pour recevoir les meilleures passes (les meilleures confidences) le moment venu.

ATTENTION : cet acharnement doit suffire à faire croire au journaliste qu'il fait bien son métier, qu'il ne caresse pas dans le sens du poil, qu'il va chercher la vérité aux risques d'une dangereuse investigation. Mais en aucun cas le journaliste sportif ne doit appliquer la même intransigeance aux dossiers politiques, économiques ou médicaux du sport de haut niveau (sauf s'il fait partie d'un organe à l'avant-garde de la critique sociale, comme Capital). S'il est accusé de malveillance et de tentative de foutre la merde, le journaliste sportif peut évoquer la liberté de la presse et nier son pouvoir de nuisance.

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Le journalisme sportif en 12 leçons
Leçon 1 : les transferts
Leçon 2 : recopier la dépêche AFP
Leçon 3 : l'interview minée
Leçons 4&5 : l'autopromotion et l'éloge du patron.
Leçon 6 : titres et légendes.
Leçon 7 : pomper les articles des Cahiers
Leçon 8 : interviewer un footballeur
Leçon 9 : le consultant télé

Réactions

  • CELTIC BHOY le 02/05/2001 à 00h43
    Autre exemple : Vahirua et son statut de joker !

  • splash-la-tomate le 02/05/2001 à 18h57
    Oui !!!! Ca me rappelle pourquoi les journalises aiment bien arroser PSG. C'est super pratique, c'est à côté du bureau, pas besoin d'aller loin. Et oui, malgré la saison au moins aussi pourrie de Monaco (qui ne s'est même pas qualifié pour la 2ème poule de LDC), on n'en entend à peine parler. Ben Monaco, faut prendre l'avion quand même, et puis les allumer constamment c'est pas drôle, ça n'intéresse personne, donc le 'scoop' n'est pas relayé.

    Cette remarque est valable pour tous les clubs médiatisés bien sûr. D'ailleurs, c'est marrant, j'ai un collègue qui se plaint qu'on ne parle pas assez de Lille. Après tous les patacaisses sur Lille, il trouve que c'était mieux avant finalement. Bref, ras le bol des mecs qui cherchent des sujets sur des trucs qui relèvent plus de négociations privées plutôt que de chercher des vrais sujets.

  • Amère du Nord le 06/05/2001 à 08h17
    Il y a un autre truc. Il consiste à poser une question auquelle l'interviewé ne peut répondre que par oui ou par non. Exemple:

    Journaliste: Alors XYZ, as-tu l'impression d'avoir laissé tomber le club ce soir?

    XYZ: Heu... oui (dit-il timidement, pas convaincu)

    Lendemain, dans le journal, on lit (peut-être même en titre). "J'ai laissé tomber le club" , a déclaré XYZ au terme de la rencontre.

La revue des Cahiers du football