Le syndrome croate
Les Bleus ont frôlé le mat sur l'échiquier rouge et blanc… Passons le match à la loupe dégrossissante.
le 18 Juin 2004
Les nombreuses commémorations du France-Croatie de 98 ont insisté sur le doublé de Thuram, mais moins sur le cauchemar éveillé qu'avait représenté ce match, et en particulier sa première mi-temps (avec des Bleus hors sujet) et le début de la seconde, marqué un brutal refroidissement du Stade de France sur le but de Suker. On donc retrouvé intacte la capacité des Croates à s'engouffrer dans les trous d'air que peut occasionnellement connaître l'équipe de France: ils ont cette fois brisé la belle assurance des Bleus dans les sept minutes suivant la reprise, au cours de ce que Thuram appela (au micro de France 2) un "moment de panique" — avant de dire, dans un lapsus révélateur de son énervement, que "c'est décevant de perdre les matches". Le match On annonçait les Croates joueurs, peu enclins à bétonner derrière. Ils ont en définitive mobilisé les deux registres, et leurs ambitions dans le jeu ont au moins eu le mérite de montrer à quel point les Anglais avaient été pleutres en évoluant à la niçoise… Ce n'est pourtant pas évident d'emblée, puisqu'ils subissent très vite les assauts français, menés par Wiltord, Trezeguet ou Zidane, qui obtiennent trois corners dans les dix premières minutes et offrent une occasion à Henry: contrôle et tir instantané en pivot, remake manqué d'un but célèbre contre Manchester United (7e). Les combinaisons françaises se multiplient sur le côté droit ou dans l'axe, sans réussir à percer le coffre, mais Zidane trouve la clé la 22e minute, même si son mérite est diminué par les images qui établissent la responsabilité de Tudor dans cette trajectoire victorieuse. Juste avant, un échange à l'entrée de la surface française a constitué la seule action notable côté croate. Le reste de la mi-temps sera à l'avenant: Wiltord est devancé de peu à l'issu d'un une-deux avec Trezeguet (29e), ce dernier voyant son propre tir du gauche contré (38e). On croit à l'exploit sur un corner que Zidane avancé prolonge en cloche d'une talonnade inattendue, mais la tête de Gallas rate de peu le cadre (43e). Dans la foulée, Simic consent à mettre un peu Barthez à contribution sur une frappe tendue. Au retour des vestiaires, Wiltord place un débordement à droite, mais Henry, dans une position idéale, est un peu trop court pour reprendre. Une minute plus tard, Dacourt et Silvestre se sortent très mal d'une prise à deux sur Kovac qui parvient à s'extirper et à servir Rosso dans la surface. Silvestre le tamponne en revenant sur lui… Rapaic transforme le penalty. Les flottements se poursuivent et après une première tentative de Bjelica, Prso sera à l'arrivée d'une succession d'erreurs — mauvaise passe de Trezeguet, retour trop tardif de Silvestre et dégagement raté de Desailly — pour placer un tir imparable (52e). Les Croates sont plus vifs, les Français plus fébriles et moins inspirés dans leurs répliques. Ils persistent quand même (frappes d'Henry, 56e et 63e, talonnade de Trezeguet dans la surface, 62e) avant de trouver une ouverture inattendue sur une vilaine passe en retrait qui permet au Juventino, en dépit d'une main involontaire, de tromper Butina (64e). Sokota développe quelques contres qui contrarient à peine la domination française, imité plus tard par Prso (78e). Thuram et Barthez se percutent violemment, comme pour signifier les doutes bleus, renforcés par des attaques infructueuses (Trezeguet, 72e, une-deux Pires-Zidane, 74e, combinaison Gallas-Vieira, 77e) et culminant avec deux frayeurs finales: Prso, très seul dans l'axe, est signalé hors-jeu (86e) et surtout Mornar, parfaitement servi par Olic au bout de son débordement, rate une énoooorme occasion dans les arrêts de jeu. Il pivote autour de Desailly avec un improbable contrôle du talon mais frappe inexplicablement au-dessus. "Le plus dur c'était de la mettre au-dessus", dira Barthez (AFP). Dans l'intervalle, Pires a conclu les derniers rushes français avec une frappe bien repoussée par Butina.
Thuram 2004 dans une mauvaise imitation de Thuram 1998. |
Marcel Desailly met le voile avant de mettre les voiles? |