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«Le seul endroit où la police n'était plus toute puissante, c'était le virage»

Interview - Entre quête de liberté et retour aux réalités d'après la révolution, I.K., ultra du Club Africain, raconte l'émergence du mouvement ultra tunisien et son influence sur le soulèvement.

Auteur : Fauto Graffie et Samia Kidari le 17 Jan 2014

 

 

I.K. est membre des African Winners. Ce groupe ultra du Club Africain, crée en 1995, est le plus vieux du continent. Il compte environ 800 membres et a été un élément moteur de la révolution tunisienne. Actif depuis maintenant sept ans dans le groupe, il était parmi les citoyens luttant dans la rue contre le gouvernement Ben Ali. Il expose sa vision de la révolution et de la société tunisienne à travers son regard d’ultra. 
 

* * *
 

 
Comment as-tu intégré le groupe et que représente-t-il?

C'était en 1995, j'avais à peine huit ans. Cette année-là, une nouvelle façon de supporter l'équipe est apparue avec la notion de viragiste. C'était quelque chose de neuf dans toute l'Afrique. Petit à petit, le groupe a évolué et pris une autre dimension. Il a une vraie histoire puisque les African Winners sont la continuité de la Curva Nord, avec les mêmes principes et membres fondateurs. En Afrique, les ultras tunisiens ont lancé le mouvement, qui a ensuite été exporté chez nos voisins.
 

 


 

 

Qu’est-ce qui fait la singularité des ultras tunisiens?

Il faut d’abord comprendre que la société tunisienne a des points communs avec l'Europe, suite au passé colonial, mais aussi avec le tiers-monde. La Tunisie est très proche de l'Italie: durant le Protectorat, les Italiens se mélangeaient avec les Tunisiens, contrairement aux Français qui vivaient en vase clos dans les beaux quartiers. À l’Indépendance, il n'y avait, à la télévision, que la chaîne italienne Rai Uno. Les Tunisiens se sentent proche de ce pays, il y a beaucoup de mots italiens dans le dialecte tunisien et les jeunes imitent le style vestimentaire local. Il est donc logique que la Tunisie soit le premier pays arabe et africain à avoir eu une scène ultra. Mais ici, c'est le tiers-monde. Il y a la pauvreté, la corruption et la dictature. La seule distraction pour les gens, c'est le football. Le bowling est cher, le cinéma joue des films dépassés en coupant les scènes un peu osées... Il n'y a que le foot!

 


Quelle place occupent les ultras dans la société tunisienne?

Ils ont d'abord débarqué dans le stade plein d'ambition et de créativité. Les jeunes connaissaient par cœur les chants des stades, il y a des tags à l’effigie des groupes partout... À l'entrée de la meilleure boîte de nuit de Tunisie, il y a un panneau « chant de stade interdit »! Dans un pays où on finit en prison pour avoir consulté le site internet d'un média français, cela fait tache qu'une bande de jeunes incontrôlés et incontrôlables commencent à avoir une trop grande influence. La répression s’est alors accentuée et les ultras sont devenus encore plus anti-police qu'avant. Ils se disaient: "Ok, élections truquées on s'en fout, presse censurée on s'en fout, police violente et impunie on s'en fout, mais si on me casse les c... quand je suis au stade, non ça ne va plus!" Les ultras sont donc entrés en guerre contre la police, ce qui a conduit à une grande répression à partir de 2009: aucune bâche, aucun tifo, certains se faisaient interpeller à la sortie du lycée, d'autres arrêter le matin d'un match sans aucune raison... Il y a eu des arrestations arbitraires et des ultras ont fini en prison sans aucune preuve à cause de fumigènes.

 


Quel rôle ont joué ces événements dans la révolution ?

Dans le virage, c'était le bordel. Il y avait des bagarres avec la police, des fumigènes à chaque match malgré les sept contrôles de police à l'entrée des stades, des chants ouvertement anti-gouvernement. C'est en cela que les ultras tunisiens ont joué un rôle dans la révolution, parce que c'était une première en Tunisie de voir des gens résister à la police et critiquer ouvertement le gouvernement. Le seul endroit où la police n'était plus toute puissante, c'était dans le virage. Cela a eu un réel impact sur la population, surtout sur les jeunes, qui en représentent une grosse partie. C’est quand les gens ont vu les ultras aller chaque samedi au stade avec l'objectif d'en découdre avec la police, et que celle-ci était impuissante, qu'une sorte de fatalité a disparu. Ce constat est surtout valable pour les jeunes car, avec la propagande du régime, les vieux considèrent les ultras comme des bandits.

 


Pendant la révolution, quel était le mot d'ordre au sein du groupe?

Les membres participaient aux affrontements de leur propre intiative, il n’y avait pas de mot d'ordre. C'était naturel d’agir et de défendre nos libertés aux côtés du peuple. Lors de la révolte, on a joué seulement deux matches. Lors de celui contre le Club Athlétique de Bizerte, il y a eu des affrontements violents et une solidarité s’est formée entre les groupes de supporters clubistes et les gens des régions intérieures. Dans le centre de Tunis c'était dur de bouger car la police technique nous traquait.

 


Aviez-vous un rôle précis?

Je protestais dans la rue et dans le quartier général de l'Union général des travailleurs tunisiens (UGTT), la structure qui nous a encadré dès le jour où les protestations ont commencé dans le grand Tunis. Mais nous n’avions pas de pouvoir pour jouer un rôle précis. Nous étions en première ligne lors des protestations et des affrontements.
 

 


 

 

Y a-t-il eu des rapprochements entre club rivaux comme le Club Africain et l’Espérance de Tunis?

Comment s'allier à eux alors que leur ancien président faisait partie de la famille de Ben Ali, et qu'il a tout fait pour détruire notre club? Il y a sans doute eu quelques actes de solidarité entre groupes dans les régions et les quartiers car on reste des amis dans la vie et que notre objectif en tant qu'ultras est la liberté. Mais il n'y avait rien d'organisé avec l’ennemi.

 


Est-ce que le regard des gens a changé depuis la révolution?

Rien du tout, et on est sûr que rien ne changera! Les enjeux politiques règnent. Les prémices d’une nouvelle révolution des ultras tunisiens se ressentent: on joue à huis-clos, on confisque nos tifos, on interdit l'accès au stade aux moins de vingt ans... Ils font les mêmes erreurs que Ben Ali, qui n'a jamais voulu nous entendre ou essayer d'étudier le phénomène. Les nouveaux dirigeants font la même chose. On a peut-être une marge de liberté mais elle diminue chaque jour tandis que l'appareil répressif reprend petit à petit. Ils ne comprendront jamais que la liberté est un combat de tous les jours et que nous sommes prêts à combattre.

 


Dans la vie de tous les jours, qu'avez-vous éprouvé après la révolution?

Notre peuple s'est révolté pour sa liberté, sa dignité, pour plus d’emplois, pour déraciner la corruption et juger les coupables. Rien n'a été fait. Ben Ali est en Arabie Saoudite, bien tranquille, et on ne récupérera jamais notre argent. La révolution n'a rien apporté au peuple, mais on prie pour que l'avenir soit meilleur grâce aux jeunes de ce pays.

 


Les politiques voient que les ultras représentent une force en nombre, est-ce qu'il y a une tentative de récupération des tribunes?

Oui, il y eu des tentatives de récupération de nos votes en exploitant les figures connues des ultras à des fins politiques avant les élections d'octobre. Mais ils n'ont trouvé que des sourds. La politique est un choix personnel, on ne veut pas de la politisation du foot! Tout ce qui nous intéresse, c'est notre club. Actuellement, comme avant la révolution, les groupes tunisiens sont en général apolitiques. Ils sont simplement anti-police et ils réclament leurs droits, sans avoir une affiliation politique particulière. Ils sont en général très méfiants vis-à-vis du gouvernement car la répression n'est pas vraiment finie. Mais au sein de chaque groupe, il y aura toujours un pro-charia, un ivrogne, des gens très pratiquants et d'autres qui ne jurent que par la cocaïne...

 


Pas trop déçu de ne pas participer à la Coupe du monde?

Oui et non. Tous les Tunisiens voudrait y être car c'est l’événement le plus marquant au monde, mais l'équipe ne le méritait pas sur le plan sportif.

 

Réactions

  • matthias le 17/01/2014 à 10h15
    Simplement merci pour cet entretien.

  • Kireg le 17/01/2014 à 13h13
    Merci pour cet entretien qui dévoile une autre facette de la révolution tunisienne.

    J'ai partagé cet article. Je vous livre le commentaire d'un ami tunisien, fan du Club Africain.

    "Je trouve le rôle des Ultras un peu exagéré. Il fallait voir les gens dans la rue : des syndicalistes, des avocats, des médecins, des chômeurs et des jeunes de quartiers populaires. Il y avait de tout.

    De plus, dire que la révolution n'a rien apporté, économiquement peut-être, mais sur le plan des libertés (d'expression surtout), c'est sans commune mesure. Je reconnais là le discours type du tunisien éternellement insatisfait et c'est tant mieux ! Il y a encore tellement de choses à accomplir.

    Enfin, il y a au moins deux clubs qui sont présidés par des hommes politiques : Mehdi Ben Gharbia, député et président du CAB (Club Athlétique Bizertin) et Selim Riahi, chef de parti et président du Club Africain."

  • Carlos Alberto Riera Pas le 17/01/2014 à 22h54
    C'est gentil comme interview mais elle exagère le rôle des ultras. La même fable a été racontée pour les ultras d'Al Ahly en Egypte.

    Par contre ce qui aurait été intéressant approfondir, c'était l'infulence de la famille Ben Ali dont le gendre, Slim Chiboub a été longtempes le président de l'Espérance Sportive de Tunis.

    Récemment l'actuel président tunisien Moncef Marzouki, a écris un livre noir dans lequel il évoque le favoritisme de l'EST, ce qui a provoqué des heurs entre ultras.

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