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Le seuil de l'indifférence

When Saturday Comes – Chaque supporteur en arrive un jour à ne plus ressentir la moindre colère lors d'un match de son équipe. L'envie de passer ses nerfs doit-elle fatalement passer?

Auteur : Harry Pearson le 9 Dec 2014

 


Extrait du numéro 334 de
When Saturday Comes. Titre original : "Minimum Rage". Traduction: Toto le zéro.

* * *

Quelques rangées devant la tribune de presse du Riverside Stadium de Middlesbrough, une mère avait l'habitude de venir aux matches accompagnée de son fils. Elle était de petite taille et avait les cheveux blancs. Lui était énorme et, avec son survêtement, il ressemblait à une chaudière à enveloppe. En première mi-temps de chaque match, il se levait, pointait le terrain d'un index crochu et, de sa voix qui réverbérait comme l'explosion d'une bombe atomique dans un cave sibérienne, se mettait à mugir: "Bon sang, Boro!" À chaque brame, son visage devenait tellement rouge que l'on pensait voir la chaleur de ses joues faire transpirer ses sourcils.

 

Il le faisait à chaque match, saison après saison. Parfois au bout de deux minutes seulement, plus rarement il fallait en attendre une dizaine. Le jour où nous avions planté huit buts à Manchester City, il avait dû laisser s'écouler un bon quart d'heure avant que ne déborde sa frustration contenue. On pouvait toujours compter sur sa clameur. C'était le fidèle parmi les fidèles de Middlehaven.

 

 

 

 

Comme Jack Nicholson

Par la suite, je n'avais plus fréquenté cette partie du stade pendant quelques temps. Quand je finis par y retourner, j'attendis impatiemment que ce grondement retentisse dans toute l'enceinte. Le cri ne vint jamais. "Qu'est-ce qui est arrivé au gars qui criait: 'Bon sang, Boro'?", demandai-je à un ami qui avait un abonnement à l'année dans la tribune Ouest. Il me répondit:
"Il est toujours là.
– Mais je l'ai pas entendu.
– Je sais, mais il ne crie plus. Il a arrêté l'année dernière. Il reste simplement assis. C'est assez triste et inquiétant, un peu comme Jack Nicholson dans sa dernière scène de Vol au-dessus d'un nid de coucou."

 

"Qu'est-ce qui lui est arrivé?" Mon ami haussa les épaules: "La même chose qu'à nous tous, j'imagine. Moi c'est pareil. Tu sais parfois les gens parlent 'd'usure de la compassion'. Et bien moi c'est de l'usure de la frustration. Je présume que tout le monde naît avec un réservoir limité de colère amère et pendant ces dix-huit derniers mois, le mien n'a fait que charrier de l'eau de cale. Il y avait une époque où je pouvais passer quatre-vingt dix minutes à m'énerver et à brailler rien que contre Andy Dibble. Maintenant je n'arrive même plus à être vexé par Tomas Mejias, alors que c'est un gardien dix fois plus mauvais. Je n'arrive plus à me mettre dans une colère noire. Je suis blasé. On devrait appeler ça le Trouble du déficit de la colère. Pelé en fera peut-être une pilule."

 

Mon ami me révéla que son père avait arrêté d'aller à Ayresome Park, l'ancien stade du club, à l'âge de quarante-sept ans et que, lui-même ayant atteint cet âge, il se demandait s'il devait l'imiter. Il ajouta :"Quand on ne peut même plus se mettre en rogne à propos d'un gardien espagnol surpayé et inutile mais qui joue les starlettes, c'est peut-être que la nature veut nous faire comprendre qu'il est temps de partir, sous peine de devenir comme ceux qui n'ouvrent la bouche pendant un match que pour enfiler des Haribos ou dire à la personne en face d'eux de se rasseoir. Est-ce vraiment ce à quoi mon existence est réduite?"

 


À décrocher les bernacles de la quille d'un bateau

À l'image d'un Enzo Bearzot se demandant: "Où est l'envie?" à propos d'une équipe d'Angleterre faiblarde dans les années 1970, je comprends très bien ce que mon ami ressent. Au mois d'août dernier je suis allé au stade. J'ai dû faire la queue pendant une demi-heure pour avoir un ticket, tout en me plaignant avec mon voisin des frais de réservation en ligne. J'arrivai en retard à mon siège, énervé et en nage à cause de l'impitoyable soleil de la région.

 

Middlesbrough s'inclina 3 à 0 grâce à une défense d'une confondante apathie. Tout autour de moi, les fans passaient leur colère. Le type derrière moi s'égosillait dans ma nuque avec une telle férocité que j'avais l'impression d'être dans une soufflerie. À côté, une jeune femme dont la voix aurait décroché tous les bernacles de la quille d'un bateau utilisait une telle quantité d'insultes que j'avais l'impression qu'elle jurait pour deux. Son partenaire était manifestement un homme lettré car il fustigeait l'arbitre en utilisant le terme "tatillon" en compagnie de verbes et de noms un peu plus anglo-saxons. Devant, un type avec un sparadrap sur le bout du nez masquant ce qui semblait être une morsure, emplit l'air de prédictions funestes sur le futur de l'équipe auprès desquelles le Livre d'Ezéchiel ressemblait à l'horoscope de l'Observer. Moi? Je restais muet à ma place, souffrant en silence, non pas furieux mais renfrogné.

 

Je ne comprenais plus rien. En vieillissant, les gens sont censés devenir plus intolérants et irascibles, et pourtant il y a une grande différence entre marmonner: "Pourquoi les ailiers repiquent tout le temps vers le centre? Pourquoi ils vont pas vers l'extérieur? Stuart Ripley serait allé vers l'extérieur..." – jusqu'à ce que la personne assise près de vous change de rangée –, et réagir à une énième transversale ratée en beuglant tellement fort dans le ciel nocturne que la cire vous ressort des oreilles. J'admets qu'il y a bien des moments où si j'entendais encore un auditeur de l'émission 6.06 à la radio se plaindre que Wayne Rooney paraît "désintéressé" en équipe d'Angleterre alors qu'il veut dire "indifférent", je crierais tellement fort que Robbie Savage en perdrait son bronzage, mais ce n'est pas la même chose. C'est juste de l'aigreur. Se lamenter de la grandiloquence du football moderne ou bien frapper le siège devant soi tellement fort que la personne assise dessus retombe sur le dos, ce sont deux choses complètement différentes.

Et honnêtement, je ne peux plus le faire. J'aimerais vraiment, mais je suis vieux, je suis fatigué. Ce sont d'autres choses qui me préoccupent. Je suis vraiment désolé. Ce n'est pas leur faute, c'est la mienne.

 

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Réactions

  • ULF le 09/12/2014 à 01h04
    En moins de mots qu'il ne m'en faudrait, mieux agencés, et plus clairs, c'est vraiment l'expression d'un sentiment que je ressens. Et pas spécialement pour le sport, pour la vie sociale en général et politique en particulier. Fatigue, désenchantement, usure... tout ça
    pèle mêle. Et passer en quelques années de la révolte "écraser l'infâme" à l'inerte "bof, à quoi bon".

    c'est marrant qu'il faille un article sur l'indifférence pour donner envie de réagir ^^






  • Lionel Joserien le 09/12/2014 à 13h08
    Je ne partage pas du tout l'avis de l'auteur mais très intéressant article, comme à peu près tout ce qui vient de WSC.

    J'ai beaucoup de mal à comprendre la colère envers le club de son aorte. Mon club de cœur a subi les pires outrages (Tapie, Bernès, Bouchet, Dassier, Courbis, Deruda, Alou Diarra...) mais il m'a toujours amusé dans les pires moments, je ne comprends pas le supporterisme "négatif". Ma colère / haine ne se porte que sur quelques personnes qui l'ont bien méritée, mais jamais l'institution n'a pu m'inspirer la moindre colère / indifférence, et je doute que cela arrive un jour.

    Après, c'est assez cruel amha d'associer supporterisme et sentiments, les lyonnais doivent se sentir exclus.

  • Tricky le 09/12/2014 à 14h19
    Chouette, un article sur le FC Metz dans WSC.

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