Le football, prolongement du conflit israélo-palestinien
Alors que l'équipe de Palestine a obtenu une qualification historique pour la prochaine coupe d'Asie des nations, sa fédération a déposé une motion visant à exclure Israël de toute compétition internationale.
En Palestine, le football tient nécessairement du combat politique. Et le prolongement du conflit qui l'oppose à Israël sur les terrains de football ne date pas d'hier. En 2013 déjà, après une "descente" des Israéliens au siège de sa fédération, la Palestine avait réclamé l'exclusion d'Israël de toutes les compétitions internationales. Elle a renouvelé cette demande il y a quelques jours par l'intermédiaire de son président, Jibril Rajoub.
Un projet d'expulsion de la fédération israélienne devrait donc faire l'objet d'un vote au prochain congrès de la FIFA. Jibril Rajoub, en tout cas, assume le caractère politique de sa démarche: il veut "faire entendre sa cause, ses souffrances ou les restrictions auxquelles elle fait face sous l’occupation israélienne". En déposant une telle motion devant les instances dirigeantes du foot mondial, il espère ainsi "convaincre la communauté internationale de [les] soutenir pour défendre [leur] droit à l’autodétermination et à la liberté".
Que reproche la fédération palestinienne à Israël? De faire preuve d'un "comportement raciste à l'encontre des Arabes" et d'entraver la libre circulation de ses athlètes et employés, qui doivent passer outre d'innombrables contrôles et checkpoints entre la bande de Gaza et la Cisjordanie. En 2007, les joueurs palestiniens, privés de visas de sortie, n'avaient pas pu jouer un match de qualification pour la Coupe du monde 2010 contre Singapour et avaient dû s'incliner 3-0 sur tapis vert.
Israël impose aussi "pour raisons de sécurité" un contrôle strict sur le matériel qui entre en Palestine: Michel Platini avait même dû menacer la présence d'Israël à l'UEFA pour que le matériel envoyé par cette dernière passe la frontière. Les Palestiniens font également savoir que cinq clubs israéliens, qui ont été créés en territoires occupés, participent aujourd'hui aux championnats nationaux israéliens, "en violation du droit international". À cela, il faut ajouter le fait que de nombreuses infrastructures ont été bombardées pendant l'été 2014, notamment le siège de la fédération palestinienne, que la FIFA a promis de reconstruire. Plusieurs joueurs sont également morts ou ont été arrêtés au cours des différentes opérations militaires israéliennes en Palestine.
Miracle footballistique
La pauvreté et le bombardement de certains stades, accusés de servir de bases de lancement pour les roquettes du Hamas, ont longtemps privé le football palestinien d'un développement correct. Pourtant, ces dernières années, et en dépit des difficultés, les Lions de Canaan ont créé la surprise à plusieurs reprises, gagnant des matches importants et grimpant au classement FIFA: actuellement à la 140e place, ils sont montés jusqu'à la 94e après leur qualification historique à la Coupe d'Asie des nations 2015, qu'ils ont disputée en janvier dernier en Australie (seul État, en dehors des États-Unis, à avoir voté contre la résolution de l'ONU pour la création d'un État indépendant en 2017).
Composée de joueurs résidant en Palestine, de quelques membres de la diaspora et de trois ou quatre Arabes israéliens, la sélection nationale n'a vu le jour qu'en 1998, après son intronisation officielle à la FIFA. Cinq ans plus tôt, elle jouait son premier match "d'envergure" contre le Variétés Club de France. Aujourd'hui encore, elle est parfois contrainte de s'entraîner en Égypte, et d'organiser ses matches "à domicile" à Doha.
Les Palestiniens, aujourd'hui, jouent carte sur table: "À travers cette équipe, nous espérons atteindre un but politique, montrer que nous méritons un État et que nous avons construit nos institutions, malgré l'occupation, la séparation entre Gaza et la Cisjordanie et la guerre contre nous", a déclaré l'entraîneur Ahmed Al-Hassan, avant d'ajouter que son équipe était capable de "faire des miracles". Ce miracle footballistique, que permet l'incertitude du sport, doit ainsi servir de symbole pour une cause politique engluée dans un conflit qui, année après année, peut avoir fait disparaître tout espoir de solution pacifique.
C'est cette instrumentalisation assumée du foot, précisément, que fustigent les Israéliens: "La FIFA, Sepp Blatter et tous les dirigeants des fédérations n’accepteront pas une demande qui mélange sport et politique d’une manière contraire aux principes de l’organisation et aux règles du jeu." Blatter lui-même s’est opposé à une exclusion d’Israël, au motif que "la suspension d'une fédération, quelle que soit la raison, est toujours nuisible à l'organisation dans son ensemble". Il est vrai que football et politique n'ont pas toujours fait bon ménage. Les Palestiniens, de leur côté, tentent de poursuivre la lutte là où ils le peuvent.