Lama, les travers de la médaille
Un grand joueur dans un petit homme? Bernard Lama est expert en manipulation de journalistes, et parvient toujours à présenter les événements (comme son départ forcé du PSG) sous un jour qui lui est favorable...
Auteur : Pierre Martini
le 21 Dec 1999
Les journalistes sportifs tiennent la 24ème "crise" du PSG depuis le début de la saison: le vrai-faux licenciement de Bernard Lama, qui a réussi à donner les couleurs du scandale au non-renouvellement de son contrat en fin de saison. Même le public en partie hostile du Parc des Princes en est tout retourné, embrayant sur le thème "salauds de dirigeants, ils n'ont aucun égard pour un joueur qui a tant apporté au club". Et Lama d'en rajouter avec son "à une demi-heure près, j'apprenais la nouvelle à la radio", alors que les rencontres avec Casagrande et la proche décision des dirigeants étaient annoncées depuis plus d'une semaine. Pourtant, le portier parisien n'a pas toujours eu les plus grands égards envers sa propre équipe, et ses mots d'aujourd'hui ("le PSG méritait mieux") semblent bien démagogiques. Déjà en 1997/98, la valse-hésitation de son départ censément "dans un plus grand club que le PSG" (qui d'ailleurs n'était "pas un grand club"), après six mois de fausse concurrence avec un Revault qui ne s'en remettra pas, s'était finalement conclue par une position de remplaçant à Westham, puis un retour pas exactement glorieux (organisé par Biétry, alors acharné à faire systématiquement tout le contraire de son prédécesseur). Et lorsque Lama affirme que s'il trouve ailleurs un "challenge sportif intéressant" à relever, il pourrait s'en aller au mercato, il montre bien tout le respect qu'il a pour un club deuxième du championnat de France au moment des faits. Lama est un immense gardien de but, toute la difficulté est de rester un être humain à peu près digne lorsque l'on est devenu un grand joueur. Et malheureusement, les attitudes successives qu'il a eues envers Revault, Barthez puis Casagrande ne sont pas vraiment à son honneur. Comme de nombreuses autres vedettes dont l'ego s'est surdimensionné en cours de carrière, Lama est un redoutable pourrisseur de situation, toujours prêt à retourner les faits à son avantage : ce leader n'était ressuscité la saison dernière que bien après le crash de son équipe (notamment pour attaquer Simone). Le plus dommage est cette incapacité à quitter dignement un club avec lequel il a écrit des pages marquantes de leurs histoires respectives, comme l'a fait par exemple Schmeichel à Manchester. En fait, Lama se cache derrière un scandale sur "la forme" de l'annonce (un coup de téléphone à la suite d'un rendez-vous raté) pour masquer une décision qui n'a rien de scandaleux : on a là un gardien en fin de contrat qui aura 38 ans au cours de la saison prochaine mais qui ne supporte pas la concurrence, un deuxième gardien à qui des promesses avaient été faites et qui veut des assurances pour l'avenir, et des décisionnaires qui choisissent de clarifier la situation très tôt… Mais l'homme sait très bien que le troupeau médiatique viendra lui manger dans la main pour un peu de grain à moudre sur la dernière "crise" parisienne et que les supporters le rejoindront pour casser du dirigeant. Incapable de faire abstraction de cette péripétie pour quitter le PSG avec le panache que sa propre carrière méritait, il préfère s'horrifier du traitement infligé à sa royale personne. Alors qu'il est assuré d'être titulaire jusqu'en fin de saison, il prétend même qu'on l'empêche de jouer et qu'on le met quasiment à la porte en ce début de trêve. Réactions d'immaturité et d'orgueil pas très surprenantes, de la part d'un joueur qui prendrait le risque d'un déclin sur ses propres terres plutôt que d'admettre la légitimité d'un départ qui pourrait pourtant lui épargner la saison de trop.