La responsabilité du jeu
On a pu constater depuis plusieurs années que le 4/4/2 avec deux milieux offensifs excentrés s'était imposé un peu partout, cette option ayant été en quelque sorte couronnée par le titre des Girondins de Bordeaux en 99. Il s'est depuis étendu, et cette saison il est ainsi adopté systématiquement ou très régulièrement par Baup, Dupont, Bergeroo, Lacombe, Santini, Nouzaret, Denoueix, Puel, Le Guen et Perrin. Autant dire qu'il est plébiscité... Quelques entraîneurs en difficulté (Toshack, Le Roy, Braga...) se sont repliés vers la formule alternative de la défense à cinq avec deux latéraux qui occupent les couloirs, dispositif qui est justement le mieux à même de contrer le 4/4/2 d'en face. Antonetti et Muller ont fait plus délibérément ce choix, probablement mieux adapté à leurs effectifs, alors que Perrin et Courbis modulent des formules moins discernables.
Ce qui surprend dans cette domination, c'est que des équipes aux effectifs et surtout aux ambitions très diverses évoluent de façon similaire. Comment ce système pourrait-il avoir la même efficacité partout et être aussi adéquat pour un club qui joue le maintien que pour un autre qui vise le titre?
Au départ de la vogue actuelle, il y a le constat qu'il est de plus en plus difficile de passer dans l'axe des défenses renforcées, et qu'il convient donc d'écarter le jeu sur les ailes pour les contourner. La présence de deux leaders techniques sur les côtés tend à faire disparaître le meneur de jeu axial placé derrière les attaquants (Zidane, Figo, Benarbia à Monaco etc.). Mais comme ils doivent aussi assurer leur replacement défensif, la construction du jeu repose grandement sur les deux milieux "récupérateurs", qui ont souvent autre chose à faire ou dont le bagage technique est plus limité. Ce recul de la construction du jeu a cependant permis à d'excellents techniciens de s'affirmer au poste de récupérateur-orienteur, (dont le modèle pourrait être Guardiola ou Vieira) comme Lamouchi et Okocha la saison passée, Saïb à Auxerre. Mais si ces rampes de lancement sont neutralisées, les liaisons entre les lignes apparaissent nettement plus problématiques.
Le refus de construire le jeu à partir de l'axe pose un problème aux équipes a priori supérieurs qui sont censées prendre leurs responsabilités. Si elle sont mises en échec tactiquement (par une bonne occupation du terrain, un pressing sur le porteur et de l'agressivité dans les duels), l'animation du jeu devient presque impossible et les attaquants ont peu de chances d'être servis dans de bonnes conditions. Dans une telle situation, il est effectivement moins aisé de faire valoir sa supériorité technique.
Le PSG de cette saison illustre parfaitement ce débat, tant l'absence d'un meneur semble parfois criante chez les Parisiens (où la solution du milieu "en losange" peine à s'imposer), mais on trouverait beaucoup d'exemples de milieux offensifs déportés contre leur gré le long de la ligne de touche, où ils n'expriment qu'une partie de leurs qualités. Ce 4/4/2 n'est-il finalement pas nettement plus rentable pour les challengers qui ne cherchent pas nécessairement la possession de la balle, mais sont disposés de sorte à offrir une bonne solidité défensive et à profiter de toutes les opportunités d'attaque?
Les équipes qui opèrent avec des moyens conséquents devraient, elles, assumer plus clairement leur statut de favoris sur le terrain, objectivement fondé, et prendre le jeu à leur compte en refusant de l'abandonner trop facilement à l'adversaire. Mais les numéros 10 sont-ils définitivement passés de mode?