La Landrenka
"Les mots du foot", inédit - Épisode d'actualité de la célèbre série du journal, consacré à un néologisme nantais…
Mickaël Landreau aimerait qu'on arrête de lui tirer dessus.
Au travers des époques, sur le coin d’un zinc ou au bord d’un carton de pizza, le dialecte du footeux ne cesse de se réinventer. Sous l’effet de l’alcool ou d’anchois rances, apparaissent des mots éphémères qui griffent l’histoire comme un tacle de Francis lacère les tibias.
Lors de la finale de la Coupe de la ligue 2004, la Landrenka fut l’œuvre du gardien nantais alors en poste. Dernière œuvre significative d’un éternel espoir, elle précéda sa chute dans l’anonymat. Il ne se remit jamais de l’échec de son transfert à la Juventus de Turin suite aux examens médicaux qui détectèrent une hypertrophie de cucurbitacée non compatible avec les normes italiennes.
Ce geste unique reposait sur une grossière erreur de jugement: "Sur les 80.000 personnes qui étaient au stade de France seul Richert a imaginé que je pouvais tenter une Panenka". Hélas, c’est lui qui gardait les buts ce soir-là. Pourtant, "cette Panenka, cela faisait plusieurs jours qu'[il] y pensait". Et ce ne fut pas vain, puisque la Landrenka décrit désormais une forme très élaborée de Panenka.
Le geste, particulièrement difficile, se décompose ainsi. Après quelques grimaces de Garcimore mal rasé, la course d’élan se confond avec le début de sprint d’un chien fou s’apprêtant à traverser l’autoroute dans un art mortifère inspiré de la tradition des chihuahuas kamikazes. Elle se poursuit par un geste technique longuement travaillé à l’entraînement: l’amorti de glissade. Pour cela, le joueur doit planter son pied d’appui dans le sol tout en gardant le déséquilibre, feinter la chute et amorcer le démarrage d’une course auto-célébratrice de victoire.
Le tir ainsi décoché mérite qu’on s’y attarde. Un sniper des surfaces aura les plus grandes difficultés à l’exécuter comme en atteste Roberto Carlos: "À la vue de ces images, je sais pourquoi je ne jouerai jamais en France, je n’ai pas un niveau scolaire suffisant pour comprendre le jeu à la nantaise". Peu de joueurs morphologiquement aboutis sont capables de donner au ballon une trajectoire aussi lente, sans effet et parfaitement cadrée dans les bras du gardien adverse.
Définition dans le petit bob illustré
n.f du celtic ancien sous la forme de "Pan’n’drauhp". À l’origine, il illustrait le geste trop tendre du pêcheur débutant qui ne savait pas lancer les filets — geste généralement suivi d’un violent coup de pied au cul dudit pêcheur. C’est cette signification qui a d’abord été popularisée dans le rugby quand pour marquer les points de pénalité les rugbymen s’encouragent ainsi: "Pan and Drop". Mickaël Landreau a désormais remis au goût du jour le caractère initiatique et douloureux du sens originel du mot.
Synonyme : frappe de poussin hydrocéphale.