Les vacances c'est l'enfer pour les joueurs en tournée… Le Real raquette l'Asie… À Monaco, les agents doublent… Johnny grille les pelouses… Les arbitres avalent leurs sifflets…
La rançon de la foire
Comme s'il avait voulu mériter du G14 dont il est le fier membre depuis quelques mois, et illustrer la campagne de ce lobby contre les sélections nationales qui multiplient les matches inutiles et blessent bêtement les internationaux au préjudice de leurs employeurs, Jean-Michel Aulas a rapporté de Corée — outre un titre de vice champion de la glorieuse Peace Cup (défaite 1-0 contre le PSV Eindhoven sous le déluge et sur un terrain détrempé) — une sévère entorse à la cheville de Sidney Govou, qui suivait les blessures de Jérémie Bréchet et Peguy Luyindula. On espère que disputer des matches tous les deux jours à l'autre bout du monde et en pleine mousson, à quelques jours de la reprise du championnat, lui a au moins rapporté assez de dollars pour améliorer le confort des loges de Gerland.
L'organisation de la Peace Cup fournissait même des supporters officiels. |
L'empire du million
Avec sa virée exotique, l'OL imite donc ses modèles de modernité footballistique, dans la division inférieure toutefois. Les tournées mégalomaniaques du Real en Asie ou de Manchester aux Etats-Unis (avec aussi Barcelone, la Juventus ou l'AC Milan) sont en effet d'une tout autre dimension. Après être passé par la Chine (Kunming et Pékin), le grand cirque madrilène débarque aujourd'hui au Japon (Tokyo), avant de rejoindre Hongkong puis Bangkok — soit 30.000 kilomètres et six transferts en avion.
La vente de maillots, nouvel horizon du joueur de football (photos realmadrid.com) |
Mais tout ne s'est pas déroulé comme sur des roulettes dans l'empire du milieu, où le caractère lucratif de la présence des all-stars merengue a un peu choqué: entraînements annulés, billets à des tarifs prohibitifs, déploiement militaire pour protéger des stars inaccessibles, incidents diplomatiques ont nourri la chronique locale (voir les reportages de Christophe Larcher dans France Football). À 2,5M€ le match, la fédération malaisienne a même préféré annuler la rencontre prévue à Kuala Lumpur. Le Real a aussi touché 700.000 euros pour avoir passé la semaine dans un centre d'entraînement financé par le cigarettier Hongta, organisateur du séjour en Chine (Le Monde, 30/07). Peter Velappan, secrétaire général de la Confédération asiatique a traité les Madrilènes de "suceurs de sang" et de "mercenaires"… On se prend à rêver que cette virée mercantile n'atteigne pas ses objectifs commerciaux et contribue à désenchanter un public asiatique seulement conçu comme une masse de consommateurs bêlants. Mais l'idolâtrie qui entoure un Beckham vite rentabilisé suffit à dissiper cet espoir…
Autrement plus classe que ta Spice Girl, non? |
Marche et crève
Ces Barnums médiatiques marquent le début de la saison pour l'élite des footballeurs, qui commencent donc par affronter décalages horaires, climats d'enfer et obligations promotionnelles. Sachant que cette saison s'achèvera en club, pour les plus "chanceux" d'entre eux, le 26 mai par la finale de la Ligue des champions, et que l'Euro 2004 débute seize jours plus tard, imaginez l'état physique des internationaux lors de la compétition au Portugal… si tant est qu'ils puissent même y participer.
La CM 2002 a montré que l'absurdité des calendriers faisait de la fraîcheur physique le premier critère de réussite… On ne saurait donc trop conseiller à Jacques Santini de passer la saison à travailler sur son équipe B, voire sur une équipe C, composée de joueurs évoluant dans des équipes de L2 ou de L1 (à condition que ces dernières n'aillent pas trop loin en coupes d'Europe).
Peut-être faudra-t-il un Euro bien pourri à la suite d'un Mondial médiocre pour que les choses changent. Pourquoi pas avec la suppression des équipes nationales, ces coûteux archaïsmes qui empêchent les clubs de maximiser leurs légitimes profits?
Agents doubles
À Monaco, le nouveau président Pierre Svara n'a pas l'expérience de son prédécesseur, en matière de football comme en matière de communication. On l'a vu sur Canal+, lors de Monaco-Bordeaux, à peu près aussi à l'aise que Dominique Baudis sur TF1 récemment, cherchant ses mots et sa respiration. Le gros œil noir des caméras est impressionnant, mais ça s'arrangera sans doute avec le temps. En revanche, cette inexpérience pose forcément problème dans la gestion immédiate, d'autant que contrairement à ce que nous écrivions récemment, Henri Biancheri ne semble pas appelé à élargir ses prérogatives. Le club a donc choisi de recourir à des expédients pour gérer les épineux dossiers transferts, en recrutant des consultants au statut incertain. Jeannot Werth et Fabrice Poullain, répertoriés comme agents de joueurs, ne sont en effet pas censés, d'après les règlements FIFA, travailler au profit d'un club.
Pierre Svara, président de Monaco un peu crispé (image Canal+). |
Au moment même où l'affaire était portée sur la place publique par L'Équipe le 28 juillet dernier, le club a hâtivement officialisé leur présence en nommant Poullain "coordinateur technique" et Werth "consultant auprès du président". Le premier, qui a signé un contrat de trois ans avec l'ASM, a déclaré qu'il allait rendre sa licence d'agent, mais le second, missionné pour la durée des périodes de transfert (jusqu'au 31 août 2003 puis en janvier 2004), prétend pouvoir redevenir agent de joueur dans l'intervalle (AFP 28/07). L'ambiguïté est donc loin d'être levée, puisqu'on comprend mal comment un agent peut ne pas représenter ses protégés lors des périodes où ceux-ci ont le plus besoin de lui. Mais bon, Christophe Bouchet n'ayant pas hurlé au scandale, c'est que cela ne doit pas être trop grave (on ne met pas de smiley mais le cœur y est).
La pelouse Johnny
Plus redoutable que le gel ou la sécheresse Johnny Hallyday (1) a massacré une bonne partie des pelouses de nos stades à l'occasion de sa tournée estivale. Nos précieux brins d'herbe n'ont pas été brûlés par le passage de sa Harley-Davidson, mais par les infrastructures de la scène et le piétinement de son nombreux public. Dans un pays qui interdit massivement l'accès des pelouses dans les jardins publics, il faudra penser à édicter une loi protégeant le gazon des terrains de sport au même titre que les réserves naturelles. La cause du déclin du foot français, si ça se trouve, ce sont les faux rebonds.
(1) Interprète de chanson française d'origine belge qui, après avoir dénaturé le Rock'n'Roll dans la niaiserie yéyé, a suivi toutes les modes musicales pendant quarante ans en recourant aux moins inventifs des auteurs-compositeurs en vogue, avant de devenir le symbole de la France raffarinienne d'en bas. Son footballeur préféré est Zazie, et sa chanson officielle des Bleus fut indubitablement une des causes du fiasco français au Mondial 2002.
Siffler n'est pas jouer
La guéguerre civile s'est poursuivie chez les arbitres de l'élite, malgré l'intervention de Thiriez et Simonet et quelques mesures d'apaisement. À la racine de la crise, une exigence croissante de la DTNA envers des arbitres professionnalisés, et des jalousies nées de revenus désormais très enviables qui se cristallisent dans l'opposition entre Bernard Saules (président de l'UNAF) et Michel Vautrot (président de la DTNA et de la CCA — voir
Du rififi chez les arbitres).
S'est ajoutée à cela une histoire rocambolesque de téléphones portables distribués à des prix imbattables et par lots entiers par Xavier Pettinato, le fils d'un dirigeant de la ligue régionale corse à des responsables de l'arbitrage, des présidents de club des arbitres assistants et des arbitres de L1 (Sars, Kalt, Bré, Ledentu et Lannoy selon les déclarations du complaisant fiston dans France Football).
Les dirigeants souhaitent ardemment qu'un calme au moins apparent revienne, mais la crise était visiblement trop profonde pour que ses protagonistes s'assoient sur leurs griefs. Le stage fédéral à Marcoussis n'a fait que confirmer la discorde, avec de nouvelles attaques contre un Michel Vautrot qui avait été pourtant été conforté par les instances à la tête de la DTNA. Stéphane Bré, Pascal Garibian, Claude Colombo ont été convoqués par la DTNA pour avoir ouvertement interpellé le président de la Fédération, et Stéphane Moulin pour s'être épanché dans la presse (en soutenant Vautrot contre "la poignée d'arbitres qui fout la merde" — FF 18/07). Bré et Moulin ont ainsi écopé d'un mois de suspension.
Frédéric Thiriez est ensuite allé rendre visite aux arbitres de Ligue 1, en stage de préparation aux Arcs. Ceux-ci se sont fendus d'un communiqué consensuel, très langue de bois:
"Dénonçant la campagne de dénigrement dont ils sont victimes depuis plus de deux mois, les arbitres d'élite, forts de leur sérénité, ne se laisseront pas ainsi déstabiliser". Sauf que là, les gars, vous vous êtes dénigrés et déstabilisés tous seuls…