La Gazette, numéro 24
Coupés de la Ligue
Il y a tout un tas de raisons de détester la Coupe de la Ligue. Par exemple, Charles Biétry en manque se retrouve devant un micro, il fait une overdose de deux matches en deux jours. Biétry, c'est Explicator: il explique tout, même l'inexplicable et surtout ce qui n'a pas à être expliqué. C'est maladif chez lui, il faut que sa science infuse, il faut qu'elle soit répandue auprès du bon peuple. À force de secouer la tête à chaque imbécillité professée par le souverain pontifiant, le téléspectateur contracte de graves lésions aux cervicales.
Une autre raison, c'est l'ignoble sponsor marron qui dégueulasse la tenue d'une des deux équipes avec une déjection rectangulaire de junk-food, véritable plaidoyer pour l'abolition de la publicité sur les maillots. Et ne parlons pas du "Point P" qui se trouve au bas du dos des joueurs (alors que chez les filles le point G n'est toujours pas précisément localisé).
Mais même sans ces deux calamités, la Coupe de la ligue ne pourrait masquer sa véritable nature, celle d'une compétition créée de toutes pièces pour distribuer quelques primes aux clubs professionnels, offrir une finale au Stade de France et surcharger un peu plus les calendriers. Elle doublonne avec la "vraie" Coupe de France, qu'elle dévalorise en diluant ses enjeux. Elle est plus "intéressante" pour les clubs pros, qui bénéficient de primes grasses et peuvent en cinq rencontres accéder à une place européenne. L'attribution de cette dernière au 5e de la D1 semblerait pourtant plus juste sportivement, et plus à même de relever l'intérêt du championnat. De plus, elle offrirait peut-être de meilleures garanties pour la représentation française en coupes d'Europe...
Morne Mercato
Le Mercato est un gros soufflé qui retombe un peu plus chaque année. Les rumeurs y ont encore moins de crédibilité qu'à l'intersaison. En dehors de Vairelles à Bordeaux, de Panucci à Monaco, rien de plus croustillant que Madar à Paris ("en attendant Ronaldinho", comme l'annonçait récemment une brève prémonitoire), Thétis qui va quitter Ipswich, Toulouse qui perd un Argentin mais retrouve un Colombien...
Le mercato semble être plus un moyen de régler quelques conflits entre employeurs et employés (Vairelles, Boffin, Schemmel, Leroy...), de solder les transferts ratés (Adriano, Cabrol, Belloso....), de réorganiser le staff (Metz, Paris) qu'une période de mouvements qui transformerait profondéments les effectifs. Les prolongations de contrats, plus discrètes, sont presque plus significatives que les transferts, et l'on assiste surtout à des ajustements. Comme le marché d'hiver ne se termine qu'à la fin du mois, on a encore le temps de voir quelques mouvements notables (peut-être à Monaco, où l'on semble préparer déjà la saison prochaine), mais pour le grand spectacle du marché des transferts, on s'en tiendra aux tableaux fantasmagoriques dressés par la presse avant son ouverture.
Il faut dire que pour cette édition, les incertitudes de la réforme des transferts pèsent lourdement. En dehors des recrutements d'urgence, les clubs hésitent évidemment à consentir des investissements qui pourraient être réduits à néant dans un futur proche.
La Commission de discipline et de l'impunité des clubs
Dans l'affaire du siège qui avait grièvement blessé un supporter marseillais au Parc des Princes, notre chère Commission d'appel et de l'éthique avait commué les 500 000 francs d'amende infligé au PSG en 300 000 francs de "provision" pour réaliser un audit sur la sécurité. Le match de suspension du terrain avec sursis ayant été maintenu, on se disait que le projectile fruitier du 21 décembre allait faire sauter le sursis d'un stade un peu trop agité depuis le début de saison. C'était sans compter sur la mansuétude de la commission de discipline, qui a dressé une petite contravention de 100 000 francs et fermé les yeux sur le reste.
Chaque saison ou presque, avec des clubs différents qui se reconnaîtront, le problème des sanctions consécutives à des troubles graves dans le stade se repose dans les mêmes termes. Il ne semble plus possible se suspendre un stade, seule mesure capable de produire une vraie dissuasion. Qu'un seul crétin porte préjudice à des milliers de spectateurs est certes injuste. Mais le prochain crétin qui lancera un objet sur le terrain sera perçu différemment par ses voisins, qui trouveront le geste moins drôle que la fois précédente.
La Ligue prend prétexte de l'impossibilité de déplacer les abonnés dans un autre stade lorsqu'il s'agit de Paris ou Marseille, comme si c'était son problème, et non celui des clubs qui devraient pourtant assumer leurs responsabilités jusqu'au bout (qu'ils se démerdent). La tolérance des instances est le complément du déni de responsabilité des clubs envers les agissements de leurs supporters. On a vu ces dernières années que les auteurs de ces gestes étaient plus souvent identifiés et condamnés, mais cela n'empêche pas le renouvellement des incidents. Ils restent en quelque sorte tolérés, et le resteront aussi longtemps que le club lui-même ne sera pas sanctionné, pour donner tout son sens à l'interdiction de jeter des projectiles sur les pelouses.
A Paris comme ailleurs, un audit sur la sécurité ne sera pas un luxe. On désespère surtout de la capacité de la Ligue à arbitrer ce type de problèmes, pour laquelle elle fait preuve du même laxisme que pour les sanctions disciplinaires sur les joueurs ou les entraîneurs, avec une Commission d'appel qui réduit toujours les peines jugées en première instance. Est-il bien raisonnable de laisser les clubs rendre la justice sportive pour leurs pairs, est-ce le meilleur moyen de garantir l'indépendance et l'intransigeance des commissions concernées? Avec le dossier des faux passeports, on a toutes les chances de voir de nouvelles largesses entre gens de bonne compagnie. Parmi toutes les résolutions de la nouvelle année, il faudrait inscrire la réforme des instances de discipline, dont la composition et les obligations auraient besoin d'être sérieusement redéfinies.