La balkanisation du foot français
Ligue : l'OPA se poursuit
La guérilla fait rage entre les différentes familles du foot pro. La Ligue, dans la droite de son comportement hautement démocratique, envisagerait (voir l'article d'Etienne Moatti dans L'Equipe du 06/12) de réduire la représentation des joueurs et des entraîneurs dans son Conseil d'administration. L'autocratie qui caractérise nos dirigeants majoritaires trouve un nouveau débouché, comme s'il ne suffisait pas d'avoir restreint l'exécutif de la Ligue à un "bureau" qui ne compte que des fidèles du pool Aulas-Martel-Campora. De telles mesures feraient définitivement de la LNF un instrument aux mains du patronat du football, débarrassé de toute forme d'opposition.
Le tollé soulevé a permis à l'UNFP dont nous parlions récemment (voir Joueurs de tous pays… ) de menacer d'une grève en rappelant que les joueurs pouvaient rappeler qu'ils ont du pouvoir. Le syndicat de Philippe Piat a aussi annoncé qu'il pourrait s'impliquer dans les dossiers chauds comme le décret Buffet ou l'introduction des clubs en bourse.
Les entraîneurs leur ont emboîté le pas, par la voix de l'UNECATEF et de Joel Muller qui a également stigmatisé l'appropriation du pouvoir par quelques uns. Cette fois la fronde réunit tous les corps de métiers qui foulent les pelouses, puisqu'il faut ajouter le conflit latent entre les arbitres et la Ligue. Fragilisés par la crédibilité en faillite de Gérard Bourgoin et par des pratiques oligarchiques qui finissent par inquiéter et réveiller les "petits" et les "moyens", les ligués prêtent le flanc à une réprobation générale, compromettant l'avenir de leur majorité.
Pierre Blayau, éternel opposant mais pas franchement la figure de l'anarcho-syndicaliste, a annoncé sa démission du Conseil d'administration, livrant des commentaires peu amènes à l'égard de ses opposants. Comme à l'accoutumé venant de lui, le geste du vice-président du Stade rennais est spectaculaire mais inoffensif. Il libère cependant une place au CA, et l'élection pourrait témoigner de la tendance actuelle, sans toutefois mettre en danger l'actuel "gouvernement".
Power to the federation
L'offensive de Marie-George Buffet, avec le décret d'application de sa loi sur le sport, pouvait sembler hasardeuse au moment où elle était lancée, en réponse à un lobbying intensif de nos ultra-libéraux qui faisaient la promotion de l'introduction en bourse sans douleur et des vertus miraculeuses de la propriété des droits de diffusion. Ils pronostiquent vraisemblablement un changement de majorité en 2002 et font mine d'ignorer cette embarrassante collectiviste qui résiste comme à Stalingrad.
La cause du conflit réside dans les dispositions du décret qui réaffirment la prééminence des fédérations sur les droits de diffusion, dont elles délèguent seulement la gestion aux Ligues professionnelles, sous leur contrôle. Une mesure qui va à contre-courant de l'évolution actuelle et des desseins de nos putschistes permanents, et qui constitue une véritable motion de défiance à l'égard des associations professionnelles. Il faut dire que celles-ci ne montrent plus que leur avidité, sans l'ombre d'un intérêt pour le sport amateur, la logique sportive ou la lutte contre le dopage. Prise entre différents feux, la Fédération n'en demandait peut-être pas tant, et tâche de préserver ses intérêts économiques et politiques en évitant de trop secouer le panier de crabes.
Difficile de croire que les efforts ministériels l'emporteront à court terme. Il faudra plutôt attendre le krach final pour que nos patrons modèles prouvent qu'ils peuvent tuer le football. Allez, tous en bourse, ça changera pas beaucoup du loto sportif : il n'y aura que des perdants, ou des vainqueurs à 20 francs.