L'Italie au bout de ses rêves, ou des nôtres?
Si les clubs transalpins ont depuis longtemps abandonné les clichés de la défense à outrance, la Squadra maintient les usages: certes privée de Vieri, elle s'est dès le début de la compétition très naturellement repliée sur ses traditions, c'est-à-dire dans ses 40 mètres. Jeudi, le spectacle d'Inzaghi puis de Del Vecchio seuls en pointe, à des lieues de leurs partenaires, mais prêts à exploiter la moindre moitié d'occasion, symbolise ce retour du catenaccio, malgré les risibles dénégations de Zoff: "nous ne sommes pas une équipe défensive", lâche-t-il sans sourciller. "L'Italie EST la défense" serait-on plutôt tenté de dire. L'expulsion de Zambrotta a d'ailleurs très vite pris le sens d'une bénédiction et d'une excuse en or pour les éphèbes moulés de bleu, qui n'avaient dès lors plus à se soucier des apparences. Dix minutes après ce carton rouge, ils semblaient mieux armés que jamais pour remporter le match dans des circonstances tellement prévisibles. Avec une telle configuration, on a peine par exemple à considérer que Fiore est un meneur de jeu, tant son équipe abandonne toute idée de faire le jeu justement et reconvertit ses joueurs offensifs en récupérateurs acharnés, même quand elle n'est pas réduite à dix.
Alors, si le visage que présenteront les Italiens dimanche risque peu de nous surprendre, reste à savoir quel sort ils nous réservent. Partis de nulle part, privés de deux de leurs pièces maîtresses (Buffon et Vieri) quelques jours avant l'Euro, les Azzurri ont liquidé leurs doutes et réaffirmé leurs forces. Ont-ils les moyens de pousser le bouchon de la surprise plus loin encore, avec un moral tout neuf, ou bien l'inattendue consécration de cette arrivée en finale leur suffira-t-elle inconsciemment? On connaît leurs qualités morales et tactiques, mais aussi leurs limites collectives. Il s'agira pour les Bleus de ne pas tomber dans des pièges qu'ils connaissent bien (mais connaître ces pièges n'est malheureusement pas un moyen d'y échapper) et de bousculer une équipe du côté de laquelle se trouvent peut-être désormais les complexes…
Les internationaux français qui jouent ou ont joué dans le Calcio ne manqueront pas de motivation (remember 98) pour prendre le dessus contre la formation de Zoff. Ils connaissent tellement les données du problème…
Le mot d'ordre et de la fin revient à Aimé Jacquet et à son immortelle injonction: "Les Italiens, on va les niquer!". En toute amitié, bien sûr.