Ne perdez pas de temps à lire ce texte, connectez-vous vite pour commenter les articles des CDF. Attention à ne pas confondre vos minuscules et vos majuscules.
Vous avez oublié votre mot de passe ?
Inscription
Vous avez oublié votre mot de passe ? Il reste un espoir ! Saisissez votre adresse e-mail ; nous vous enverrons un nouveau mot de passe. Cette procédure est quasiment gratuite : elle ne vous coûtera qu'un clic humiliant.
Nous vous avons envoyé un email sur votre adresse, merci d'y jeter un oeil !

CONDITIONS D'INSCRIPTION :

1. Vous devez nous adresser, via le formulaire ci-dessous, un texte (format .txt inférieur à 100 ko) en rapport avec le football, dont la forme est libre : explication de votre passion, anecdote, aventure, souvenir, essai, commentaire composé, portrait, autobiographie, apologie, réquisitoire, etc. Vous serez ensuite informés de la validation de votre inscription par mail. Les meilleurs textes seront mis en ligne sur le Forum.

2. Nous ne disposons pas d'assez de temps pour justifier les retards d'inscription ou les non-inscriptions, et ne pouvons pas nous engager à suivre une éventuelle correspondance à ce sujet. Merci de votre compréhension.

Nous avons bien reçu votre candidature, on y jette un oeil dès que possible. Merci !

Partager :

L’eldorado du football colombien

Entre 1946 et 1955, la Colombie a connu l’un des championnats les plus spectaculaires d’Amérique du Sud. En toute illégalité.

Auteur : Richard Coudrais le 21 Mars 2018

 

 

Longtemps, en matière de football, la Colombie est restée à la traîne derrière ses voisins d’Amérique du Sud. Alors que l’Uruguay avait déjà remporté Coupe du monde et médailles d’or olympiques, que l’Argentine voyait déjà partir ses meilleurs joueurs en Europe, que le Brésil montait en puissance, que d’autres comme le Pérou ou la Bolivie avaient déjà connu l’ivresse du Mondial, la Colombie n’avait toujours pas d’équipe nationale. Sa fédération, créée en 1924, a attendu plus de dix ans avant de s’affilier à la FIFA. Le foot restait toutefois amateur.

 

 

How to Be A Millionaire

Au début des années 1940, loin de la Guerre qui accapare l’Europe, quelques dirigeants colombiens cherchent à extirper leur football de sa médiocrité. L’Independiente Bogota, le club qu’ils ont créé en 1938, fait sensation en intégrant dès 1941 des joueurs argentins. On se doute bien que ces recrues ne sont pas venues pour la gloire et que quelques sommes officieuses circulent de mains en mains. Le club hérite même d’un surnom ironique qui fera date: Los Millonarios.

 

 

L’Independiente se distingue également en recevant régulièrement des équipes étrangères dans le cadre de matches amicaux de gala. En 1946, le club prend fermement la résolution de se professionnaliser. Il se procure un financement en vendant aux supporters des actions. Chaque titre valant 10 pesos, le club récolte plus de 30.000 pesos. Il change ses statuts et les dirigeants en profitent pour le renommer, non sans humour, la Sociedad Deportivo Club Los Millonarios.

 

L’exemple est donné et il décide les autres clubs à franchir le pas. Des actions sont émises, de l’argent entre dans les caisses ce qui permet d’attirer de bons joueurs étrangers. Une ligue professionnelle voit le jour en 1948, la Division Mayor de Futbol Colombiano, qui n’est pas du goût de la fédération de foot colombienne. Celle-ci condamne et met en garde, mais les clubs restent sur leurs positions. En 1949, la tension est telle que les clubs sont tout simplement exclus. Et quand on est exclu de la fédération, on l’est aussi de la FIFA. Toutes les équipes du monde ont donc interdiction de disputer le moindre match contre les parias.

 

 

Championnat pirate

La sanction censée anéantir ces clubs va au contraire les doper. Bien qu’hors du circuit, le championnat professionnel se joue dans des stades pleins. Les équipes pratiquent un football de qualité et donnent de bons salaires. De nombreux footballeurs font fi des menaces de radiation et rejoignent les clubs colombiens avec d’autant plus de facilité qu’ils n’ont même pas besoin d’autorisation. Les formations qu’ils rejoignent n’existant officiellement pas, il n’y a donc pas d’indemnité de transfert à payer!

 

Il se trouve qu’au même moment, le championnat argentin est confronté à des grèves de joueurs qui s’estiment trop mal payés. C’est lorsque le plus illustre d’entre eux, Adolfo Pedernera, membre de la fameuse Maquina de River Plate, rejoint les Millionarios de Bogota en 1949, que l’on évoque définitivement l’Eldorado du football colombien. Le Deportivo Cali, le Santa Fe Bogota, le Nacional Medellin et autres deviennent les destinations de nombreux joueurs argentins mais attirent aussi des Brésiliens, Uruguayens, Péruviens ou Paraguayens. Les Millonarios, qui ont toujours un temps d’avance, recrutent deux Argentins prometteurs: Nestor Rossi et Alfredo Di Stefano.

 

La situation est bien entendu loin de satisfaire les pays voisins et notamment les clubs qui voient partir leurs joueurs sans la moindre compensation financière. Ils demandent donc à la FIFA d’intervenir. Celle-ci, en 1949, envoie en Colombie trois dirigeants, un Brésilien, un Chilien et... un Italien. Les trois hommes réclament quatre millions de pesos à la Division Mayor de Futbol Colombiano pour dédommager les clubs. Les discussions ne vont pas plus loin.

 

 

Le pacte de Lima

En 1951, les principaux pays lésés affinent leur stratégie. Les représentants de chaque fédération se réunissent à Lima, d’où ils lancent une proposition aux clubs colombiens: vous gardez nos joueurs quelques saisons encore, puis vous les rendez à leurs clubs d’origine le 1er janvier 1955, sans demander la moindre compensation financière. Bien entendu, d'ici-là, les concernés ne peuvent être transférés ailleurs, sauf accord de la formation d’origine. Les clubs colombiens doivent s’engager en outre à n’attirer aucun nouveau joueur de manière illégale.

 

Ce que l’histoire a retenu sous le nom de "Pacte de Lima" est rapidement accepté par les formations colombiennes. Une bonne volonté qui leur permet d’être réintégrées dans le giron du foot international et d’affronter à nouveau les meilleurs clubs des pays voisins. Les Millonarios de Bogota sont même invités, en 1952, au tournoi du cinquantenaire du Real Madrid. Un hôte qu’ils corrigent 4-2 après avoir mené 4-0 à la mi-temps! Et un match qui sera à l’origine du transfert d’Alfredo Di Stefano au Real Madrid.

 

La Colombie profite donc encore quelques saisons d’un football d’excellente facture. Mais, inévitablement, le championnat s’appauvrit lorsque les joueurs regagnent leur club légitime. Le jeu se délite, les stades se vident et c’est la fin de l’Eldorado colombien. Cette aventure exceptionnelle aura toutefois un impact bénéfique. L’équipe nationale, réintégrée dans le giron de la FIFA, disputera sa première Coupe du monde en 1962.

 

Réactions

  • Hydresec le 21/03/2018 à 08h54
    Merci pour cet éclairage sur un épisode qui m'était totalement inconnu (comme tout ce qui touche au football sud americain, d'ailleurs).

  • Ba Zenga le 21/03/2018 à 09h50
    Merci Richard pour ce retour sur ce passage un peu spécial qui a fait un mal considérable au foot argentin, comme je l'avais déjà lu par ailleurs et comme tu le rappelles ici.

  • cachaco le 21/03/2018 à 11h28
    Excellent! Les fans de Millonarios rebattent d'ailleurs encore les oreilles avec cette période dorée, et de leur Ballet Azul qui avait humilié le Real. Heureusement, le 8-0 de 2012 les a fait redescendre un peu. (À noter que le Real avait initialement invité à son tournoi les premiers Millonarios de l'histoire, River Plate, avant que ceux-ci ne leur conseillent de plutôt s'adresser à ceux de Bogotá)

  • Daijinho le 21/03/2018 à 14h20
    Une précision toutefois, le football colombien ne s'est pas extirpé de sa médiocrité dans les années 40 pour la gloire, mais plutôt en réponse aux troubles sociaux qui touchent le pays. La Guerre a affecté l'économie, les bananeraies ferment, et les réformes agraires ne se matérialisent pas, au bénéfice des grands propriétaires terriens. En 1948 une révolte populaire éclate (dont les répercussion durent encore avec les FARC), le Bogotazo. Le peuple gronde, et la classe politique voit d'un bon oeil le proverbe "Panem et Circenses" pour maintenir un semblant de paix sociale.

  • Richard N le 21/03/2018 à 22h44
    Merci pour les retours sympathiques et aussi pour les informations complémentaires. Je n’ai en effet pas tenu compte du contexte politique dans mon récit. Mais la situation sociale de l’époque tant en Colombie qu’en Argentine, a certainement favorisé l’émergence de ce championnat.

  • O Gordinho le 22/03/2018 à 09h53
    Merci Richard pour cet article très intéressant.
    C'est cette forme de chaos institutionnel des années 40 et 50 qui explique aussi la naissance d'une réelle gouvernance continentale, et mondiale du football (avec toutes les dérives que l'on connait aujourd'hui).

La revue des Cahiers du football