G14 : le loup dans la bergerie
Un seul pouvoir s'est véritablement renforcé ces derniers mois : celui du lobby des "grands" clubs, qui attend son heure pour mettre la main sur le football continental. Le G14 est devenu en un an un lobby avec une adresse, des statuts et une structure. Et une kyrielle de mauvaises intentions.
L'année écoulée a marqué quelques étapes importante dans la trajectoire du G14. Lors des discussions sur la réforme des transferts, il a ainsi été admis par l'UEFA (en difficulté face à la FIFA) à la table des négociations, bien que la confédération européenne ait auparavant toujours refusé tout dialogue officiel avec lui.
Le Medef du football s'était distingué en réclamant des contrats de cinq ans minimum (avec marquage des joueurs eu fer rouge). Ce premier compromis en appelant d'autres, il faut s'attendre à voir bientôt notre lobby siéger d'une manière ou d'une autre auprès de Johansson et Aigner, probablement au Comité exécutif. En attendant, c'est à Bruxelles, capitale des groupes de pression, que nos factieux se sont installés.
Les affranchis
Comme toute entreprise sectaire, le G14 fonctionne à la cooptation. L'arrivée de nouveaux membres sera soumise à l'approbation unanime des actuels. Si un minimum de logique prévalait, ce seraient pourtant au moins 20 autres clubs du continent qui pourraient se prétendre "grands". Où sont Arsenal, Chelsea, La Lazio, la Roma, le Benfica, Valence, Hambourg etc.? Ou à l'inverse, que foutent là Porto, Eindhoven et les deux clubs français?
Le plus confondant est peut-être le procédé profondément oligarchique qui consiste à calculer le nombre de voix de chaque club en fonction du nombre de Coupes européennes remportées. Nous militerons donc pour l'intégration immédiate du Dynamo Kiev, de Nottingham Forrest et de Mönchengladbach.
"Nous avons programmé l'élargissement", assure Thomas Kurth, directeur général (anciennement responsable de la réforme des compétitions à l'UEFA!). Le pari n'est pas gagné, puisque Arsenal, Chelsea et Leeds viennent de décliner l'offre avec une certaine condescendance. Depuis que les Anglais ont appris en août dernier que United et Liverpool faisaient clandestinement partie des "comploteurs", le G14 n'est pas en odeur de sainteté outre-tunnel sous la Manche.
La valse des pantins
Qu'attendent donc en effet le PSG et l'OM, sinon de se faire remarquer comme les seuls clubs du club à une seule ligne de palmarès européen? Leur appartenance au cénacle est pourtant menacée par un point de son règlement qui stipule qu'une non-qualification européenne trois saisons de suite (ou une relégation en division inférieure sans remontée dans l'année qui suit) vaut exclusion.
Les dirigeants français veulent à tout prix prendre le train du foot-biz à grande échelle, même si c'est pour poinçonner les billets ou porter les bagages.
Peu importe, Laurent Perpère y croit. En bon disciple, il résume l'escroquerie : "On a besoin que la voix des clubs se fasse entendre auprès des différentes organisations comme l'UEFA" (AFP). La voix de quels clubs, élus par quel collège au sein de quelle institution? L'élite veut se faire passer pour représentative de l'ensemble du football professionnel et faire croire aux gogos que ses intérêts sont les mêmes que ceux des centaines d'autres clubs, totalement majoritaires.
Casino
Aujourdhui, le G14 veut encore peser sur les instances sportives et les pouvoirs publics pour résister à la réforme des transferts, se mobiliser en faveur d'une modération salariale concertée (afin de freiner l'inflation prévisible), et faire évoluer la Ligue des champions vers une ligue européenne avec droit d'entrée. L'actuelle formule de la LdC ne saurait évidemment être remaniée.
L'argument massue opposé aux membres de l'UEFA qui souhaiterait un retour à une seule phase de poules, c'est leur archaïsme. "C'est de la nostalgie", a asséné Thomas Kurth, le porte-parole, de cette association de poètes. Sauf qu'on ne voit pas du tout où serait le "progrès" de leur "modernité" à eux pour le sport, les joueurs, les spectateurs et les clubs eux-mêmes.
De fait, le G14 représente moins les clubs que leurs actionnaires, qui ont noyé le continent de leurs capitaux. Devant les aléas anti-économiques du sport, ils entendent imposer des règles qui leur assurent des garanties suffisantes de rentabilité, sans aucune autre considération.
La couleur de l'argent
Si l'on prenait la hiérarchie européenne depuis vingt ou trente ans, il apparaîtrait clairement qu'aucune élite réduite et stable n'est restée constamment au plus haut niveau. Le but du G14 est d'y parvenir. Avant même sa fondation, beaucoup de ses membres avaient soutenu le projet de Superligue préparé par Media Partners (à l'été 98), agitant la menace d'une sécession qui avait abouti à la réforme ridicule de la Ligue des champions.
Le rêve à peine secret de ces dirigeants est cette ligue européenne fermée qu'ils veulent nous faire prendre pour une fatalité. Ces gestionnaires décérébrés ne savent pas qu'ils enterreraient ainsi le football, mais ils feront tout pour accélérer une fuite en avant déjà bien entamée.