Foot et réalisation télé: une révolution de retard
Vouée au culte du ralenti et au voyeurisme de caméras multipliées, la réalisation télévisuelle des matches sombre dans ses tics et finit par cacher le jeu.
Auteur : JulieGrémillon
le 4 Avr 2000
Il y a quelque temps (CdF 25), nous nous irritions de la propension des télés à abuser des ralentis et à commenter indéfiniment des images complètement déréalisées. Le culte du ralenti (qui trouve son apogée avec la "loupe") masque des évidences, comme l'intérêt de repasser les actions, certes, mais à vitesse réelle.
Mille mercis donc au réalisateur écossais qui a eu la bonne idée de remontrer toute l'action ayant abouti au premier but de l'équipe de France, action splendide que l'on a pu pour une fois apprécier dans sa continuité. Une bonne idée qui devrait inspirer nos professionnels nationaux, dont le travail est certes reconnu mais qui poussent un peu loin l'esthétisation du football en abusant de leur arsenal technique. La multiplication des caméras n'a en effet pas beaucoup diversifié et enrichi la vision du jeu, mais a surtout consisté à accumuler les gros plans, supposés retransmettre l'intensité physique et émotionnelle mais qui n'apportent rien à la compréhension des phases de jeu. Les cameramen devraient plus souvent élargir le cadre pour saisir le placement des équipes et la vision des joueurs, et les réalisateurs sélectionner et rallonger la durée des extraits plutôt que de revoir le même fragment sous tous les angles (comme s'il fallait amortir le matériel). Les ralentis du direct —comme les résumés— ne montrent que la conclusion des actions en ignorant totalement leur origine et leur construction. Parfois, même le contrôle du buteur est coupé, et le passeur décisif passe plus souvent encore aux oubliettes.
Evidemment il faudrait faire le choix de la lisibilité et de la simplicité, aux dépens du spectacle. On risque d'attendre longtemps une "nouvelle vague" de la réalisation télévisuelle des rencontres de football, figée (comme les commentaires) dans les standards que lui a donné Canal+ il y a quinze ans.