FIFA : week-end à Rome
Les dividendes de la gloire
On peut déjà trouver assez stupide cette idée de désigner un "joueur du siècle", qui souscrit à l'obsession contemporaine des "tops", des palmarès et autres élections par sondage. Mais ce concours organisé par la FIFA a tourné au ridicule lorsque le mode de scrutin choisi a révélé des failles prévisibles. Car franchement, était-il besoin de consulter le monde entier pour cela, alors que le monde entier n'y comprend pas forcément grand-chose en football? Même s'il a ses travers (sens politique un peu trop développé, orgueil démesuré, hyper-sponsorisation), Pelé fait suffisamment l'unanimité pour qu'on ne soit pas obligé de se livrer à un simulacre de démocratie. La grosse erreur des membres de la FIFA a été de vouloir faire de cette élection un événement pseudo populaire en lançant une consultation sur son site Internet. En s'organisant un peu, quelques petits malins auraient réussi à faire figurer Youri Djorkaeff sur le podium (Baggio arrive bien en troisième position!). Alors dans le contexte de la rivalité entre Argentins et Brésiliens, il ne faut pas s'étonner que Diego Maradona ait largement pris la tête du concours en ligne, aidé aussi par le fait que la "génération Internet" n'a pas connu les exploits du triple champion du monde. Les deux autres collèges (les lecteurs du magazine de la FIFA et les membres de la commission du football) ayant logiquement désigné le Brésilien, la fédération internationale se retrouvait devant l'obligation de se dédire... Mais devant le scandale que Maradona menaçait de soulever en boycottant la cérémonie de Rome, il fut finalement décidé que deux prix seraient finalement remis, l'un "Internet", l'autre "famille du football".
Entre nos deux grandes puissances historiques, Sepp Blatter se trouve donc contraint à des manœuvres diplomatiques désespérées, dignes d'un secrétaire général de l'ONU. À la veille de la cérémonie, il est convoqué par Maradona qui joue le grand seigneur outragé et a fait mine de refuser de partager "son" prix. La presse argentine souffle sur les braises, soulignant que Pelé est l'homme de l'institution, Maradona jouant en comparaison le rôle du paria, maintes fois sanctionné par l'instance de Zurich. Mais quelles que soient les qualités du 10 argentin, il semblait difficile pour la FIFA de couronner l'un des cocaïnomanes les plus célèbres au monde. D'où l'énormité de son erreur...
Le problème de la très grande gloire footballistique, c'est qu'elle fait exploser l'ego des "élus" du ballon, et ce déjà à des niveaux bien moindres que ceux de Pelé ou Maradona. Ces deux-là n'ont plus que leur (énorme) capital-gloire à gérer, et l'enjeu de telles élections devient démesuré pour des hommes qui ne courent plus qu'après les honneurs.
Tout cela alors que l'on sait depuis trente ans que Pelé est le "joueur du siècle", et qu'il a été élu "sportif du siècle" par le CIO il y a quelques mois...
Tops étranges
La FIFA a décidément du mal avec les classements et les récompenses honorifiques qu'elle se croit en droit d'attribuer, et dans lesquelles elle se prend régulièrement les pieds. Il s'agit cette fois du classement des nations, qui désigne la sélection de l'année pour chaque continent. L'édition 2000 laisse perplexe, puisqu'elle consacre le Nigeria pour l'Afrique et les Pays-Bas pour l'Europe! S'agissait-il de récompenser les deux pays co-organisateurs (respectivement de la CAN et de l'Euro), ou de les consoler de leurs défaites? La Hollande bénéficie-t-elle d'une prime au penalty raté? Le Cameroun champion d'Afrique et champion olympique appréciera, de même que la France, championne d'Europe... La confédération précise que ces classements sont établis sur la base de résultats bruts entrés dans l'ordinateur qui fait le reste, comme pour son indice mondial qui laisse le Brésil devancer la France. Encore un bug de Windows 2000?
Le Mondial passera par l'Afrique
Mieux inspirée, la FIFA a fait avancer le principe de rotation de l'organisation de la Coupe du monde entre les différents continents. L'attribution scandaleuse de l'édition 2006 à l'Allemagne (voir La Coupe du monde ou presque, 7 juillet 2000) avait mis le doigt sur les tractations occultes qui avaient abouti à la mise à l'écart de l'Afrique du sud. Sepp Blatter, en lançant l'idée de la rotation continentale, avait clairement désigné les responsables des perversions constatées, affirmant qu'il fallait protéger le football des "nouvelles forces venant du milieu économique" et "garder la maîtrise" de ce sport (AFP 08/12)... La Commission des études stratégiques est en train de préciser les modalités d'application de cette mesure. En 2010, l'Afrique devrait donc être assurée d'organiser son premier Mondial... Il était temps.
Equipes nationales: bientôt votre publicité sur ce maillot
Nettement plus inquiétant, cette commission réfléchit aussi à la possibilité d'autoriser les publicités sur les maillots des équipes nationales. La pureté de notre sport préféré est depuis longtemps compromise, mais cette nouvelle souillure atteindra un de ses derniers espaces vierges. La vérole publicitaire, qui tend déjà à recouvrir chaque centimètre carré des maillots de club, qui repeint les pelouses, s'incruste sur des panneaux virtuels et au coin des écrans de télé, compte donc s'étendre aux maillots des arbitres (la FIFA doit aussi valider cette extension, sur le point d'être mise en œuvre en Espagne) et à ceux des internationaux. Bientôt, le Barça ou l'Athletic Bilbao seront obligés par le règlement de faire comme tout le monde et de mettre leurs couleurs au service d'une marque quelconque. C'est pourtant tellement beau une tunique vierge, et tellement plus approprié pour rentrer dans l'histoire... Rappelez-vous celles de l'OM et du PSG, lors de leurs finales européennes victorieuses, elles n'étaient pas belles?