FAREWELL BUT NOT GOODBYE
Hommage – Sélectionneur, manager de belles équipes, parfois critiqué mais souvent regretté, Bobby Robson demeurera l’un des coaches les plus populaires des Iles Britanniques.
Auteur : Richard N.
le 5 Août 2009
La fidélité n’a jamais été un vain mot chez Bobby Robson. Il a passé onze saisons à diriger Ipswich Town, puis fut sélectionneur de l’équipe d’Angleterre durant les huit années qui ont suivi. Et s’il est devenu par la suite un globe-trotter du coaching, c’est parce que l’époque l’a voulu ainsi. Robson fait partie des entraîneurs qui comptent dans l’histoire du foot anglais. Non pas pour son palmarès finalement maigrelet, mais parce qu’il s’est toujours appliqué à faire en sorte que ses joueurs pratiquent un football agréable et offensif. Personnage entier, Robson aime recevoir la confiance de ses joueurs et dirigeants. Le moindre doute est, en revanche, vécu comme une trahison. Même si la perspective de se faire virer un jour fait partie du quotidien des entraîneurs, Robson a toujours vécu cette mesure comme une vexation suprême. Et ce fut bien souvent son orgueil qui dicta ses choix de carrière.
De Sacriston à Vancouver
Robert William Robson (appelons-le Bobby, comme le préconise le titre de sa première autobiographie) est né le 18 février 1933 à Sacriston, dans le comté de Durham. Fils de mineur et mineur lui-même, il montre très tôt, au sein des équipes jeunes de Langley Park, des dispositions au beautiful game. À tel point qu’à l’âge de quinze ans, il est contacté par Middlesbrough. Mais c’est finalement à Fulham qu’il débute sa carrière, en 1950. Six ans plus tard, il rejoint West Bromwich Albion. Sélectionné à vingt reprises en équipe d’Angleterre, il y fait des débuts tonitruants le 27 novembre 1957 à Wembley, signant deux des quatre buts contre la France (4-0). Il participe également à trois rencontres de la Coupe du monde 1958 en Suède.
En 1962, il revient à Fulham, où il reste cinq ans, avant de traverser l’Atlantique, comme nombre de joueurs à l’époque, pour y terminer sa carrière. Et c’est au sein des Vancouver Whitecaps, au Canada, qu’il débute le métier qui le rendra célèbre, celui d’entraîneur. Rapidement, il est contacté par son club, Fulham, alors en deuxième division. Et tout aussi rapidement, il se fait virer au bout de dix mois. Bobby Robson a vite appris le métier.
Les années Ipswich
Son statut, Bobby Robson va le forger à Ipswich, où il est appelé en 1969. Dans un club sans le sou ou presque, Robson mise sur de jeunes joueurs, politique déjà initiée par son prédécesseur Jackie Milburn. En treize années passées dans l’East Anglia, Robson peut se vanter de n’avoir recruté que quatorze joueurs et de n’avoir pas dépensé plus d’un million de livres en transferts. Il a pourtant su donner une nouvelle dimension aux Tractor Boys. Après des débuts laborieux où il est bien prêt de rejoindre la D2, Ipswich atteint la quatrième place en 1973 et occupe une bonne décennie durant les six premières places de la D1. Il remporte même la FA Cup en 1978 au terme d’une saison pourtant ratée (les Blues terminent le championnat à la... dix-huitième place). Comme un symbole, l’équipe de Wembley 1978 n’avait pas moins de huit joueurs formés au club. En 1981, l’équipe remporte la Coupe UEFA et manque de peu d’accéder au titre.
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Arrêté par la main de Dieu
En juillet 1982, après un Mundial espagnol pas vraiment réussi par l’équipe nationale anglaise, Bobby Robson est appelé à la succession de Ron Greenwood comme sélectionneur national. Il manque le championnat d’Europe 1984 en France, mais parvient à qualifier son équipe pour la Coupe du monde mexicaine. À Monterrey, le début de tournoi se passe mal: défaite face au Portugal, match nul devant le Maroc, expulsion de Ray Wilkins et, pour arranger le tout, forfait du capitaine homonyme Bryan Robson après une rechute de son épaule luxée. Tout semble perdu.
Pour le match de la dernière chance face à la Pologne, le sélectionneur modifie complètement le dispositif de son équipe. Résultat, une magnifique victoire 3-0 et un hat-trick d’un attaquant jusqu’alors peu épargné par les tabloïds, Gary Lineker. Tout d’un coup, l’équipe anglaise passe du statut de loser à celui de possible champion du monde. Un huitième de finale frisant la perfection face au Paraguay, battu 3-0, confirme l’impression. Mais en quart de finale contre l’Argentine, une main divine et une chevauchée qui ne le fut pas moins mettront fin au parcours de Robson et de ses Boys.
1990, l'échappée italienne
L’échec consommé, Robson poursuit sa mission à la tête de l’équipe nationale. Mais le championnat d’Europe 1988, disputé en Allemagne, est pitoyable: trois matches, trois défaites, dont une plutôt mal digérée contre l’Eire. Bobby Robson est alors dans le collimateur de la presse britannique, ce qui n’est pas grave, mais aussi des dirigeants de la FA, ce qui l’est un peu plus. Les éliminatoires de la Coupe du monde 1990 sont très délicates. Dans un groupe pourtant light (Suède, Pologne, Albanie), les Anglais ne parviennent à se qualifier qu’au titre de "meilleur deuxième". Avant même que ne débute la phase finale, la Fédération a la délicatesse d’indiquer à Bobby Robson qu’elle ne prolongera pas son contrat à l’issue du tournoi.
Et pourtant, l’Angleterre va réaliser en Italie sa meilleure Coupe du monde depuis le triomphe de 1966. Le premier tour est certes un peu laborieux (deux matches nuls, une victoire), les manches suivantes marquées par le sceau de dame Chance (Belgique et Cameroun éliminés en prolongation après avoir dominé les Anglais), mais en demi-finale face à la RFA, la bande des Lineker, Waddle et autre Gascoigne fait jeu égal avec les futurs champions du monde, au point que la décision se fera aux tirs aux buts. Les joueurs anglais reviennent finalement au pays en héros, et Robson se voit proposer une prolongation de contrat. L’intéressé, qui a bonne mémoire, refuse.
De Ronaldo à Mourinho
Dédaigné dans son pays, Robson entame dès lors un petit périple à travers l’Europe. D’abord au PSV Eindhoven pour deux saisons, et autant de titres de champions des Pays-Bas. Puis au Portugal. Ensuite au Sporting qui le vire au bout d’un an et demi, puis au FC Porto qui l’embauche aussitôt. En fin de saison d’ailleurs, Porto remporte la Coupe nationale... aux dépens du Sporting. Comme avec le PSV, Robson remporte deux titres nationaux. Une régularité qui ne laisse pas les plus grands clubs insensibles, dont le FC Barcelone, à la recherche d’un successeur à Johan Cruyff.
Lorsqu’il débarque en Catalogne, en 1996, Bobby Robson use de ses liens avec le PSV Eindhoven pour favoriser l’arrivée au Camp Nou de celui que l’on annonce comme la huitième merveille du monde, le Brésilien Ronaldo. Avec sa jeune star brésilienne, le Barça remporte la Coupe des Coupes (1-0 contre le PSG) et la Coupe du Roi, mais pas la Liga. Les dirigeants du club catalan décident alors d’appeler un nouvel entraîneur (Louis Van Gaal) et inventent un poste-placard pour l’Anglais. Missionné pour des affaires sans réel intérêt, Robson quittera finalement le Barça. Il quittera en même temps son adjoint qui fut son interprète lors de son arrivée au Portugal, et qui l’a suivi de Porto à Barcelone, un certain José Mario Santos Mourinho.
Fin de partie
En 1998, c’est le retour de Bobby Robson au PSV Eindhoven, pour une pige d’une saison où il veille à l’éclosion de la jeune vedette locale, Ruud Van Nistelrooy. Puis le 2 septembre 1999, alors que ses cheveux ont définitivement blanchi et qu’il songe aux contours d’une belle retraite, il est appelé par un Newcastle aux abois. Pour son premier match à Saint James Park, les Magpies, alors dix-neuvièmes de Premier League, écrasent Sheffield 8-0. Newcastle finira finalement onzième. À bientôt soixante-dix ans, Bobby Robson décide de rester à Newcastle, puisque le foot l’amuse toujours. Et puis ce club, quatrième en 2002, troisième en 2003, cinquième en 2004, peut lui permettre d’accéder à un ultime objectif: devenir champion d’Angleterre.
Mais le foot est ainsi fait que les belles histoires connaissent toujours une fin pitoyable. Habitués à la lumière, les dirigeants de Newcastle n’ont guère apprécié cette cinquième place de 2004 qui les prive de Champion’s League. Le ciel s’obscurcit soudain sur Saint James Park, en début de saison 2004-2005, où le club aligne d’entrée les mauvais résultats. Robson est viré comme un moins que rien par le président Freddy Shepherd. Bobby Robson, ancien sélectionneur de l’équipe nationale, anobli par la Reine, adulé au Portugal, statufié à Ipswich, aurait mérité une plus belle sortie.
Sir Robert William Robson est mort le 31 juillet 2009 d'une maladie qu'il combattait discrètement depuis presque vingt ans. Sa disparition a plongé l'Angleterre dans une très grande peine.
Article original paru le mardi 7 février 2006 sur www.kicknrush.com
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