Fabien Barthez : un ver dans le fruit jaune
Le recrutement d'un grand joueur lors du mercato d'hiver n'est pas toujours une bonne idée. Il y a dix ans, un FC Nantes à la dérive avait pourtant cru à l'affaire du siècle avec Fabien Barthez.
En cet hiver 2006/07, il y a longtemps que le FC Nantes n'est plus une place forte du football français, ni même le fief d'un football léché et agréable. Déserté par ses meilleurs joueurs, privé de ses meilleurs techniciens, le club est tombé aux mains de dirigeants persuadés de n'avoir rien à apprendre du passé.
Recrue d'envergure
Au début de la saison, le club a laissé partir son emblématique gardien Mickaël Landreau. En contrepartie, il s’est montré très actif sur le marché des transferts. Six joueurs ont rejoint la maison jaune, parmi lesquels le gardien serbe Vladimir Stojkovic. Or, les performances de celui-ci sont telles que le club s’en sépare au bout de onze matches. Le jeune Vincent Briant assure l’intérim jusqu’à la trêve, où le président du club Rudi Roussillon annonce fièrement une recrue d’envergure: Fabien Barthez.
Curieuse idée d’aller chercher un homme qui certes a disputé la finale de la Coupe du monde six mois plus tôt, mais qui depuis a annoncé avoir mis un terme à sa carrière. On ignore à vrai dire ce qui a pu attirer Fabien Barthez au FC Nantes. Si l’affaire passe médiatiquement pour un bon coup, elle ressemble à une erreur de casting. Il eut été plus logique que l’ex-gardien rejoigne Toulouse ou Marseille, des clubs pour qui il avait une attirance affective. Nantes, c'est le pire choix pour un nom connu: un club renfermé sur lui-même où l'esprit de clocher est encore plus fort qu'ailleurs, où traditionnellement la réussite d'une recrue tient de circonstances exceptionnelles. Une situation encore plus compliquée lorsque le club traverse des difficultés qui lui étaient jusqu'alors inconnues.
Si un champion du monde peut apporter un mental de gagneur et un état d’esprit positif, encore faut-il s'assurer que celui-ci n'a pas mentalement décroché. Depuis le Mondial, Fabien Barthez entretient sa forme à Blagnac comme joueur de champ dans une équipe amateur. Est-il encore un footballeur de haut niveau?
Club Med
À Nantes, le portier ne se montre pas enclin à se fondre dans le collectif. S'ils pensaient avoir affaire à son double de latex qui amuse les foules dans une émission satirique, les Nantais découvrent un être de chair et d'os plutôt fermé et peu souriant. Dès les premiers entraînements, le divin chauve déclare trouver l'ambiance de la Jonelière un peu trop "Club Med" à son goût. Plus tard, il lâche ses nouveaux coéquipiers en plein exercice de tirs au but, sous le prétexte d'un mauvais esprit. Les dirigeants ne prennent aucune sanction.
Les premiers matches se passent pourtant bien. La Beaujoire applaudit même son nouveau gardien en voyant celui-ci aller faire une touche dans les dernières secondes d'un Nantes-Nice qui enclencha un but victorieux. La suite oscillera entre le meilleur et le pire. En février, Barthez prend cinq buts face à Valenciennes (2-5). Une semaine plus tard, alors qu'un nouvel entraîneur a pris place, le club nantais arrache à Marseille un 0-0 qu'il doit principalement à son gardien.
Arrive la réception de Sedan, le premier avril, pour un match des relégables qu'il ne faut absolument pas perdre. L'ex-meilleur goal du monde réalise une boulette invraisemblable qui donne l'avantage à ses adversaires. Cette péripétie du jeu aurait pu en rester là si, dix minutes plus tard, le maladroit n'avait demandé à sortir du terrain. L'entraîneur Michel Der Zakarian s'exécute et grille un remplacement à un moment où son coaching aurait pu inverser la tendance (même si ça reste à prouver). Barthez n'est même pas blessé, sinon dans son orgueil. Il ne reste même pas sur le banc pour soutenir ses coéquipiers. Il rentre chez lui sans se soucier de la suite des événements.
Parking
Il devient naturellement la cible des sifflets du public de la Beaujoire lors des matches qui suivent. Le reste du temps, pas une journée ne passe sans que les échos du centre d'entraînement ne relatent un accrochage plus ou moins important entre Barthez et un Canari. On prête même au gardien l'intention d'avoir fait venir son propre nutritionniste pour expliquer à ses coéquipiers comment s'alimente un joueur de haut niveau. Au bout de quelques mois, le cadeau empoisonné du président Rudi Roussillon ne parle quasiment plus à personne.
Le match Nantes-Rennes du 29 avril crève pour de bon l'abcès. Au terme d'une nouvelle défaite qui enfonce le club à la vingtième place, le gardien est au centre d'une altercation sur le parking du stade. Coups de poings? Menaces? Simple échanges de mots choisis? Les versions de l'incident diffèrent mais l'histoire fait grand bruit. En quittant le parking et engageant son bolide sur la rocade, le gardien prend la décision de quitter le soir-même ce club dont il n'avait finalement rien à secouer.