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Et le "cerf-volant cosmique" s'envola

Le "but du siècle" est d'autant mieux entré dans la légende qu'il a été légendé d'un commentaire tout aussi exceptionnel qui fit trembler les postes de radio de millions d’Argentins. 

Auteur : Constantin Gaschignard le 28 Nov 2020

 

 

Il est des souvenirs, ou des récits de vieux, qui raniment ou créent les fantasmes. Le but que Diego Maradona inscrivit au bout d’une course qui terrassa six Anglais, en quart de finale de la Coupe du monde 1986 à Mexico, a traversé les années.

 

À qui attribuer ce moment de légende? À Maradona bien sûr, mais aussi à Victor Hugo Morales, dont le commentaire est resté dans toutes les mémoires argentines et au-delà. Dans la fournaise d’un après-midi d’été mexicain, la passion a embrassé le génie lors de quelques secondes hors du temps.

 

Quatre minutes avant la course épique, la non moins mythique "main de Dieu" a provoqué la fureur des Anglais, un but volé qui prépare le terrain du second. L’équipe adverse y perd ses nerfs, Maradona va la faire exploser.

 

 

 

 


« J'ai eu un black-out »

C’est là que commence la fête. Depuis la tribune de presse, Victor Hugo Morales, vedette de la radio argentine, confie à son micro tout ce qu’il voit. Sa mission est de faire vivre à des millions d’Argentins le match par les oreilles, de les laisser l'imaginer grâce au son de sa voix.

 

En cette 55e minute, Maradona entame sa chevauchée au milieu du terrain. "Ça y est, Maradona a la balle, il est surveillé par deux joueurs, il contrôle la balle." Avec une facilité déconcertante, il se débarrasse des deux Anglais. "Il dépose le troisième", poursuit Morales. Et de trois. "Il va passer la balle à Burruchaga", mais non: "Siempre Maradona, genio, genio, genio, ta ta ta ta ta ta ta."

 

Tandis que l’homme au micro s’époumone, la comète crochète un quatrième Anglais, se trouve face au gardien, choisit de l’éliminer, résiste au retour d’un ultime joueur et pousse le ballon dans le but vide. C’en est trop pour Morales qui, dès cet instant, est secoué d’une émotion qui confine à la folie.

 

"Y goooooooool! Goooooool!" But! Le journaliste se lève et serre le poing. Il célèbre avec d’autant plus de rage que le public s’était jusque-là montré hostile aux Argentins. Il dira: "J’étais tellement exalté que j’ai eu un blackout". Les onze secondes de course de Maradona ont certes donné lieu à une description inimitable, mais ce qui suit est digne des grandes envolées du théâtre lyrique.

 


« Merci Dieu, pour le football, pour Maradona »

Maradona célèbre son but en courant bras levés. "J’ai envie de pleurer! Dieu saint, vive le football! Diegooool, Maradona, je pleure pardonnez-moi." Il aurait pu s’abstenir de le préciser, à l’écouter, on comprend qu’il est entré en transe. "Maradona, dans une course mémorable, la meilleure action de tous les temps!"

 

Survient alors une expression singulière qui vient signer cette émotion lunaire: "Cerf-volant cosmique". Il en expliquera plus tard l’origine. Quelqu’un en Argentine avait qualifié Maradona de barrilete (cerf-volant), comme une métaphore de son caractère changeant et lunatique, tantôt dieu, tantôt diable.

 

 

 

 

En un but usurpé et un but sublime, Maradona s’était résumé. Le "cerf-volant" monte donc aux lèvres de Morales, assorti d’un "cosmique" qui évoque la grandeur, la Coupe du monde, les étoiles. Au cœur de l’émotion, deux mots venus de nulle part enfantent une expression qui entrera dans la légende.

 

Frappé par la grâce, Morales achève sa tirade avec la justesse des grands comédiens, et ce qu’il faut d’inflexion du ton pour se poser en douceur: "De quelle planète viens-tu, pour laisser sur ton chemin autant d’Anglais, pour que tout le pays soit un seul poing serré, hurlant pour l’Argentine? Argentine 2, Angleterre 0. Diego, Diego Armando Maradona. Merci Dieu, pour le football, pour Maradona, pour ces larmes".

 


Cette chevauchée

Le destin ne faisant jamais les choses à moitié, une anecdote apporte un peu plus de saveur au miracle. En 1980 les deux pays s’étaient croisés à l’occasion d’un match amical, au cours duquel Maradona s’était lancé dans un slalom assez semblable à celui qui devint mythique.

 

Sauf que, face au gardien, il avait tiré à côté. Le soir même, son frère lui révèle ce qui a manqué: il aurait dû dribbler le gardien. Il n'est pas impossible que, six ans plus tard, cette conversation ait traversé son esprit au moment de crocheter le portier anglais pour déposer le ballon dans les filets...

 

Cet après-midi-là, le plus beau but jamais marqué est couronné d’une description unique, accordant l'œil et l’oreille, associant le joueur et l’homme de radio pour l'imprimer dans les mémoires.

 

Au-delà de cette fusion ponctuelle de talents, on aime le "but du siècle" pour ce qu’il représente d’une époque qu’à défaut d’avoir connue, on aurait voulu goûter et qui laissait, sur le rectangle vert, de l’espace aux artistes pour s’exprimer. Quoi de plus romantique alors que cette chevauchée, ce voyage, cette traversée contée par un monologue ardent?

 

À la radio, l’espace du terrain se retrouvait à l’antenne, et le commentaire ne se contenait pas dans la crainte du mot de trop ou de côté. La flamme allumée par Maradona sur le terrain graveleux d'un quartier de Buenos Aires a grandi ce jour où il a fait tomber la foudre sur la tribune de presse. Elle n’a jamais tant brillé qu’à ce moment-là.

 

 


 

Réactions

  • le Bleu le 28/11/2020 à 17h55
    Pendant ce temps, Thierry Roland tout ce qu'il trouve à dire c'est "celui-là il est bon, et il est valable"

  • Pascal Amateur le 28/11/2020 à 18h26
    Moi j'imagine ces cris, puis "Ah. Contrôle de la VAR. (quatre minutes plus tard) Il y avait faute au début du dribble. Mouais, pas évident."

  • Julow le 28/11/2020 à 22h54
    Merci les copains d'entretenir notre torrent de nostalgie émue.
    Une bricole :
    "mémoires argentines au-delà"
    IL faut au moins un "et", voire, si veut être bien correct, "en argentine, et au-delà" ou "mémoires argentines, et d'ailleurs".
    La bise

  • José-Mickaël le 29/11/2020 à 00h16
    > on aime le "but du siècle" pour ce qu’il représente d’une époque qu’à défaut d’avoir connue, on aurait voulu goûter

    C'est là où je comprends que je suis vieux, moi qui ai suivi cette coupe du Monde devant la télé familiale. Suis-je le seul rescapé de cette époque ? Brrr... ça fait peur... ;-)

    (Oui, je viens aussi d'une époque où on utilisait des « smileys »)

    ----
    Pascal Amateur : quelle horreur ! Hélas tout à fait réaliste.

  • Hydresec le 29/11/2020 à 02h20
    On rappellera que Victor Hugo Morales était uruguayen.

  • Ba Zenga le 29/11/2020 à 08h51
    Très bel article, merci. L'arbitre du match a récemment témoigné sur RMC et y a quelque chose qui m'échappe. Il disait qu'il avait un peu participé à ce but en laissant l'avantage au début de l'action. Mais on dirait bien que c'est plutôt un joueur anglais qui subit une faute et perd le ballon, non? Il a en fait juste pas sifflé le tacle? Parce que s'il laisse l'avantage, c'est plutôt coup franc contre l'Argentine, comme le souligne Pascal. Ou alors, il nous manque des images.

  • Sens de la dérision le 29/11/2020 à 09h06
    Dommage que cette splendide image soit gâchée par ces hurlements désagréables.

  • Richard N le 29/11/2020 à 09h46
    Très beau texte. A la hauteur du commentaire de Victor Hugo Morales. A la hauteur de la chevauchée de Maradona. Bravo.

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