Équipe de France : le 11 des revenants
La résurrection de Lassana Diara peut-elle inspirer Didier Deschamps? Nous avons composé une équipe de chevaux de retour pour l'Euro, dont le potentiel est impressionnant. Mais ce n'est pas le potentiel le problème.
Blacklistés, bannis, suspendus, disparus, on les disait perdus pour la France. Mais le retour en grâce de Lassana Diarra montre que les fils prodigues peuvent revenir au bercail. En imaginant que le sélectionneur ait subitement l'envie de faire table rase et de renier le groupe trop gentillet qu'il a reconduit depuis la Coupe du monde, puis opte pour un commando de grands brûlés, voici l'équipe type qu'il pourrait aligner en juin prochain.
27 sélections et 30 ans en moyenne au moment de la compétition: cette sélection peut faire valoir une certaine expérience. Elle incarne aussi la revanche de la "génération 87"… aux dépens de Benzema. Son jeu, organisé en 4-2-3-1 (lui aussi de retour) avec un meneur de jeu, misera sur les qualités de performation de ses trois attaquants – dont on n'attendra pas qu'ils jouent beaucoup ensemble.
Pour l'impact et la mise à feu, le duo Diarra-M'vila pourrait faire très mal dans l'entrejeu. Évidemment, les craintes sont plus grandes pour la défense, avec un gros potentiel de passages au travers, mais on comptera sur un gardien de but revanchard pour les rattraper.
Sur le banc, nous avons privilégié trois joueurs – autant que de remplacements possibles: Djibril Cissé, qui sera ravi de sortir de sa retraite pour mettre des mines en fin de match, Franck Ribéry pour renouer avec l'enchantement de ses débuts en Bleus il y a dix ans, et Abou Diaby, qui fera un substitut idéal pour Yoann Gourcuff.
Bien sûr, Didier Deschamps ne serait plus l'entraîneur idéal pour ces Bleus-là. S'il se désistait, il faudrait que ce soit en faveur de Nicolas Anelka, qui serait plus qu'un sélectionneur: un mentor, une inspiration, un maître à penser.
Sébastien Frey
Sa carrière en équipe de France semble tenir tout entière dans les sarcasmes sur le but qu'il encaissa à Kiev un soir de novembre 2007 lors de sa première (et avant-dernière) sélection, dont il rendit les projecteurs responsables. Si le garçon a eu dans les cages le talent d'un Gianluigi Buffon, il a malheureusement affiché le caractère d'un Geoffrey Jourdren.
La dernière de ses deux sélections : France-Équateur, mai 2008.
L'argument bonus en sa faveur
Cette fois, c'est lui qui sera éblouissant.
Philippe Mexès
Malgré des débuts précoces en bleu (première apparition en octobre 2002, à vingt ans), Mexès n'a connu qu'une moyenne de deux sélections annuelles et aucune participation à une phase finale quand, en août 2008, Domenech III lui donne enfin sa chance, alors qu'il vient de vivre sa meilleure saison avec l'AS Roma de Spalletti. Las, un tragique Autriche-France (1-3) durant lequel il marque contre son camp et concède un penalty permet au sélectionneur de ne l'aligner que sporadiquement, et finalement de ne pas le retenir pour la Coupe du monde 2010. Laurent Blanc le réhabilite, et il est titulaire lors de l'Euro 2012. Mais il n'entre plus dans les plans de Didier Deschamps, et annonce vouloir "laisser la place aux jeunes". Tant de rendez-vous manqués rendraient les retrouvailles d'autant plus belles.
La dernière de ses 29 sélections : France-Suède, juin 2012.
L'argument bonus en sa faveur
Il apportera un esprit Koscielny sur le terrain.
Jérémy Toulalan
Même s'il faut l'y emmener manu militari, il n'est pas question que Jérémie Toulalan ne fasse pas partie de cette sélection. Et puisque le Monégasque est voué au sacrifice, c'est en défense centrale qu'il évoluera. Sa réhabilitation sera à ce prix, somme toute léger en regard du fardeau qu'on lui aura fait porter après la Coupe du monde 2010.
La dernière de ses 36 sélections : France-Mexique, juin 2010.
L'argument bonus en sa faveur
Cette fois, c'est sûr, il va marquer..
Marvin Martin
L'ex-futur Zidane n'a pas supporté des louanges beaucoup trop précoces. Sa carrière chez les Tricolores n'aura pas duré beaucoup plus qu'une année, et son doublé contre l'Ukraine, pour sa première sélection, sera resté un éclat sans lendemain. Une sélection qu'il avait due… à une blessure de Yoann Gourcuff. Un an plus tard, s'il dispute trois matches de l'Euro 2012, c'est en tant que remplaçant. Son transfert à Lille, dans la foulée, verra sa trajectoire s'infléchir très en-dessous des sommets espérés. Sa présence dans notre onze relevant de la plus grande invraisemblance, nous avons décidé de l'aligner comme arrière droit.
La dernière de ses 15 sélections : France-Uruguay, août 2012.
L'argument bonus en sa faveur
Ceux qui en ont marre de Sagna lui passeront toutes ses erreurs.
Patrice Évra
C'est le capitaine, et même le parrain de cette sélection, au point qu'il a fait son come-back il y a longtemps. Pourtant, qui aurait cru qu'il allait survivre à une disgrâce qui semblait absolue aux lendemains de Knysna? Mais après avoir purgé ses cinq matches de suspension, après avoir réglé ses comptes avec Rolland Tournevis et Michel Fernandel, Évra a aussi réglé le sort de la concurrence à son poste. L'auteur du fameux Discours de Gomel (Seuil, 2013), en Biélorussie, est immortel.
La dernière de ses 128 sélections : France-Allemagne, décembre 2022.
L'argument bonus en sa faveur
Le biopic que va lui consacrer Martin Scorcese va asseoir son image.
Yann M'vila
Laurent Blanc avait fait de Yann M’vila un pilier de l’équipe de France du renouveau, titularisé presque systématiquement jusqu'à l'Euro 2012. Didier Deschamps choisit de s'en passer, avant qu'en octobre, le Rennais soit rappelé en Espoirs et pris dans l’affaire du taxi Le Havre-Paris en compagnie de Chris Mavinga, Antoine Griezmann, Wissam Ben Yedder et M'Baye Niang. Il écope d'une suspension de toute sélection nationale jusqu'au 30 juin 2014. En échec au FK Rubin Kazan puis à l'Inter, il est prêté à Sunderland cet été, où ses débuts sont fracassants: un coup de tête en équipe réserve. Mais depuis, il enchaîne les matches avec brio… Va-t-il enfin faire bénéficier les Bleus de la fameuse "passe Ligue des champions" que vantait Fred Antonetti?
La dernière de ses 22 sélections : France-Espagne, juin 2012.
L'argument bonus en sa faveur
Impliqué dans deux affaires de prostitution, accusé d'avoir mis à sac plusieurs logements, il redonnerait un esprit rock'n'roll à cette équipe de France aseptisée à coups de selfies.
Yoann Gourcuff
Le fragile babtou intellosensible au milieu de cinq petites frappes? Daniel Riolo pourrait en faire une syncope, mais puisque c'est une équipe de paris, autant miser gros. D'ailleurs, dans l'ampleur de la tourmente, on a un peu oublié qu'il avait quitté la Coupe du monde 2010 sur un carton rouge à la 26e minute de France-Afrique du Sud: après sa participation (floue) à l'insurrection du bus, cela peut valoir certificat de mauvaise conduite. Même s'il faut trouver un Dr Frankenstein pour le faire tenir debout, il suffirait que lui-même retrouve sa vision du jeu afin que tout redevienne possible. Et on attendra de lui qu'il amène un peu de sa belle mélancolie dans le groupe.
La dernière de ses 31 sélections : Uruguay-France, juin 2013.
L'argument bonus en sa faveur
On n'a jamais rien gagné sans un grand et vrai meneur de jeu.
Hatem Ben Arfa
Et si cette fois, c'était la bonne? Déjà auteur, au cours de sa carrière, de plusieurs "retours" (ici ou là) qui le voient faire étalage des qualités exceptionnelles qu'on lui connaît, afficher la meilleure volonté du monde et proférer des serments de repentance, Hatem Ben Arfa n'a jamais cessé d'incarner la notion de faux espoir. Mais s'il lui faut concentrer les paradoxes, autant imaginer qu'il va enfin devenir un footballeur après avoir envisagé d'arrêter sa carrière, et que c'est dans l'OGC Nice de Claude Puel qu'il va y parvenir. On ne s'étonnerait alors plus beaucoup de le voir élu meilleur joueur de l'Euro 2016, devenant ainsi le premier ex-ex-futur Zidane.
La dernière de ses 13 sélections : France-Suède, juin 2012.
L'argument bonus en sa faveur
On peut battre un record mondial de dribbles tentés par match.
Samir Nasri
Ingérable, égoïste, inutile: les critiques collent aux semelles de Nasri au moins autant que les ballons, et sa relation conflictuelle avec les Bleus semble directement inspirée de Nicolas Anelka. Il n'a connu aucune phase finale de Coupe du monde, mais en a déjà deux de championnat d'Europe: la prochaine pourrait être la bonne, s'il fait taire ses détracteurs sans mettre un doigt devant sa bouche.
La dernière de ses 41 sélections : Ukraine-France, novembre 2013.
L'argument bonus en sa faveur
Il a déjà sa place dans le bus.
Jérémy Ménez
Lui aussi est largement détesté, mais lui aussi peut être très bon – même si l'on n'a jamais vraiment su à quelles conditions, lui-même étant resté flou sur ce point. Orfèvre du tricot, expert du dynamitage, on l'a mis en pointe afin que ses tout-droit aient une chance de finir dans la cage.
La dernière de ses 24 sélections : France-Espagne, mars 2013.
L'argument bonus en sa faveur
Il peut neutraliser n'importe quel défenseur en le fixant de son regard mort.