EPO, dopage et football...
Produit star parmi les drogues de la performance, rendu célèbre dans le cyclisme, l'EPO (érythropoïétine) jouissait encore d'une impunité à peine limitée par les contrôles préventifs du taux d'hématocrites. A quelques semaines des J.O. de Sydney, la validation du double test, français (urinaire, mis au point au laboratoire de Chatenay-Malabry) et australien (sanguin, expérimenté à Camberra), a valeur de symbole. Et il est vrai que le CIO, confondu dans différentes affaires de corruption et dénoncé pour son laxisme envers le dopage, se devait de se racheter d'urgence aux yeux des publics et des pouvoirs publics.
Bien entendu, il reste de nombreux échappatoires, tant pour les sportifs que pour certaines institutions. Ainsi l'inénarrable Union cycliste internationale va-t-elle trouver le moyen de faire passer à la trappe les fameux échantillons congelés du Tour 2000, et les procédures contre l'infaillibilité scientifique des tests sont à prévoir. Le CIO a un mois pour boucler son dossier juridique et assurer sa position contre les éventuels recours.
D'ailleurs, tant que des décisions ridicules comme la qualification de Sottomayor pour Sidney seront prises, il restera de la place pour les comédies loufoques de la lutte antidopage. C'est pourquoi il faut espérer la montée en puissance d'institutions comme l'Agence mondiale antidopage, souhaitées par les politiques pour contraindre les confédérations à lutter avec plus de conviction, mais aujourd'hui dans l'incertitude quant à son pouvoir réel.
La victoire contre l'EPO, telle qu'elle se dessine aujourd'hui, est évidemment relative et focalise excessivement l'attention, laissant dans l'ombre d'autres combats moins bien engagés. Les pessimistes diront que la lutte est toujours en retard d'une bataille. Les nouvelles techniques ou substances ont le temps de rester indétectables suffisamment longtemps pour alimenter le marché: on parle aujourd'hui d'hormone de croissance et ou d'hémoglobine réticulée, qui restent aujourd'hui incognito...
Le football, dont l'emprise et la domination sur la planète sportive ne sont plus à prouver, ne soulève que quelques suspicions depuis les enquêtes judiciaires en Italie, et est soumis surtout à des affaires compliquées de contrôles positifs à la nandrolone (voir notre archive dopage). Cette discipline se prête effectivement moins que d'autres (individuelles notamment, ou moins essentiellement physiques) aux tentations du dopage organisé. Mais la médicalisation croissante des joueurs, l'intensification et la multiplication des compétitions sont autant de signaux d'alarme. On ne peut alors que déplorer les faibles moyens de dépistage à l'œuvre dans notre pourtant si riche football professionnel.
Les états doivent se résoudre à déployer un arsenal de mesures et d'outils pour contrôler systématiquement les pratiques pharmaceutiques de nos vedettes: la mise en œuvre des tests d'identification de l'EPO dans le football sera un intéressant terrain d'observation. On connaît trop bien quels effets peuvent avoir les pressions économiques sur l'obtention de résultats pour rester candide comme un fan de cyclisme il y a trois ans à peine... La vigilance s'impose, comme l'exigence qu'un sport capable de générer des profits gigantesques soit soumis en toute rigueur au contrôle d'un corps médical spécialisé et indépendant. Il reste donc du travail.