Divine Argentine
Les Hollandais affinent leur force de frappe sous les ordres d’un ancien expert en la matière qui s’offre une seconde carrière sur le banc de touche. L’archi-rival brésilien continue d’entretenir le feu ardent de sa foi de quintuple champion du monde, même par -17° en Russie. L’Italie affûte ses crocs, bien plus longs qu'à l'accoutumée, en terrassant l’Allemagne de quatre coups mortels assénés par le nouveau trident esquissé par Lippi: Del Piero, Gillardino et Luca Toni.
Pendant ce temps-là, l’Argentine s’est offert une nouvelle défaite face à la Croatie, après celles concédées dernièrement devant le Brésil, l’Uruguay et l’Angleterre. La concurrence finit d’expédier les entrées avant de passer sous peu au plat de résistance, et l’Argentine ne s’est toujours pas attablée, attardée qu’elle est à roder non pas son menu, mais plutôt son nouveau chef de cuisine dans les coulisses.
Premier fournisseur de pieds lisses
Pekerman s’est ainsi amusé à tester prés de soixante-dix éléments différents dans l’élaboration de sa formule secrète, en à peine un peu plus d’une
saison depuis sa prise de fonction suite à la démission surprise de Bielsa, pourtant médaillé d’or Olympique. Le réservoir de talents a beau sembler intarissable, le brassage s’est avéré bien plus large que prévu. Et à force de tâtonner dans ses multiples sélections, il est à craindre que le venin du doute se soit immiscé dans l’esprit de ses joueurs comme dans celui de ses supporters. Le sélectionneur argentin s’est certainement (fra)cassé la tête pour concocter un cocktail qu’on espère plus que Molotov en juin.
Mais la bombe à retardement n’a pas respecté les délais de livraison escomptés. Il est l’heure de procéder aux derniers réglages, surtout au regard de la résistance déclarée dès le premier tour de la Weltmeisterschaft 2006™. Procédons à un écrémage de la sélection afin de décrypter les véritables intentions de Pekerman. L’Argentine constituant le premier fournisseur mondial de pieds lisses devant le Brésil, inutile de préciser que la tâche s’avère ardue.
Sorties expérimentales
Au poste de portier, la situation demeure incurable. Abbondanzieri (Boca Junior) s’est découvert un talent d’architecte avant-gardiste en défiant dans ses cages les lois de l’espace-temps a chacune de ses sorties expérimentales. Si l’Argentine n’acquiert pas une nouvelle étoile sur sa tunique cette année, on sait probablement déjà pourquoi. Le seul espoir de survie des buts albicelestes consiste à convaincre les autorités compétentes d’avoir la bonté infinie de naturaliser Buffon. Heureusement, l'arrière-garde se révèle autrement solide avec la présence rassurante d’Ayala (Valence), Zanetti (Inter), Sorin (Villareal), Samuel (Inter) et Heinze (Manchester). La seule inquiétude dans ce secteur, qui a déjà fait ses preuves par trois sous l’ère de l’ambitieux 3-4-3 de Bielsa, réside dans la durée de la convalescence de l’ex-parisien, sérieusement blessé la saison passée. Mais attention: si l’Argentine est la seule nation, avec le Brésil, à pouvoir envisager deux formations de titulaires, elle ne dispose pas d’un banc assez riche pour alimenter à foison sa ligne défensive. Pour preuve, le quota de trois buts minimum encaissés face au Brésil, l’Angleterre et la Croatie.
Perles éclatantes
L’entrejeu bénéficie par contre d’une corne d’abondance incomparable. Les trésors du milieu argentin n’ont pas d’équivalent dans le monde. Alors que les Bleus s’en remettent plus que jamais à Zidane comme unique bouée de sauvetage, qui peut se targuer de posséder autant de perles aussi éclatantes que Riquelme (Villareal), Aimar (Valence), Lucho Gonzales (FC Porto), Masquerano (Corenthians), d’Alessandro (Portmouth), Gallardo (River Plate) ou Veron (Inter) ? Personne actuellement, Pekerman se permettant le luxe de se passer des services des trois derniers cités, confinés au banc de touche. Enfin, force est de constater que les Argentins ne sont pas réellement orphelins de Batistuta aux avant-postes. Crespo (Chelsea) a vaillamment repris le flambeau, et ce n’est vraiment pas la concurrence qui manque pour frapper a sa porte. Tevez (Corenthians), le seul joueur élu triple meilleur joueur d’Amérique du Sud, mais aussi et surtout ce prodige du nom de Messi (Barcelone), 18 ans et pas encore toutes ses dents, représentent déjà l’avenir du jeu. Pour la beauté du jeu, prions pour que Pekerman, seigneur de la prudence incarnée, ose aligner à nouveau un trident composé de ces trois-là comme il a daigné le faire cette semaine lors d'une petite mi-temps face à la Croatie.
Tous les espoirs sont permis à l’heure actuelle. L’Argentine défendra chèrement sa peau satinée, et il faudra lui passer sur ce corps qu’elle a de rêve. Mais le beau jeu étant classé sous la triste bannière des espèces en voie de disparition, sauvons l’Argentine pendant qu’il en est encore temps, pour l’amour du ballon rond. Tout soutien est naturellement le bienvenu. Merci par avance d’envoyer contributions ou autres schémas de jeux à l’ordre de l'AFA.