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Des gadgets pour meubler le vide

Le podium amovible (2) – Afin d'alimenter un agenda footballistique qui ne doit jamais s'arrêter, les médias noient le ballon dans l'insignifiant.

Auteur : Jacques Blociszewski le 25 Juin 2013

 


Sous ses dehors plutôt ludiques, le "podium amovible" qui a envahi le discours médiatique sur la Ligue 1 est un bon exemple de ces expressions et pratiques journalistiques sur lesquelles personne ou presque ne s’interroge.

Dans l’univers du journalisme de sport – en particulier mais pas seulement –, les réflexes conditionnés, les tics et les innombrables lieux communs se répètent imperturbablement, comme s’ils avaient toujours existé, tels des effets sans cause. On peut bien sûr estimer que cette affaire de podium mis à toutes les sauces n’a aucune importance et qu’il n’y a pas lieu d’en faire toute une histoire. Cela reviendrait pourtant à décider de ne plus s’interroger sur un univers dont l’évolution catastrophique interpelle. Le récent épisode du Times et de la "Dream Football League" en est un exemple frappant. Mais l’observation de ce journalisme-là au quotidien, en France, nous en dit tout autant. Pourquoi ce podium, donc?
 


Permanence et surabondance : un double défi

Les médias sont aujourd’hui confrontés à une gestion complexe de la permanence et de la surabondance. La diffusion d’émissions, de matches et d’informations se fait désormais 24 heures sur 24, Internet accentuant encore le phénomène avec des sites constamment mis à jour et contraints "d’innover" sans cesse pour éviter la répétition à l’infini du même.
 

On ne le dira jamais assez: "l’intervalle perdu" entre les choses et les événements façonne le paysage médiatique, notre perception, voire nos vies [1]. Les multidiffusions, l’information en continu, le déferlement des matches sur les écrans – lié aux contrats d’exclusivité des chaînes sur les compétitions –, tout cela a des effets puissants et favorise tant la langue de bois la plus épaisse (sur le fond) que, sur la forme, la frivolité et le dérisoire des "innovations" journalistiques. L’éternel retour des matches offre certes une forme de confort au téléspectateur passionné de foot, dont les championnats scandent la vie, à un rythme de plus en plus soutenu. Ce dispositif du calendrier permanent n’en est pas moins menacé par un insupportable sentiment de monotonie et de banalisation.





 

Notre appétit de football ne peut plus se régénérer naturellement car il n’y a plus d’espace entre les matches. Ceux qui "vendent" le foot, les journalistes de sport et tous ceux qui ont à annoncer des centaines de résultats sportifs, tentent alors – souvent laborieusement – d’introduire un peu de fantaisie dans leurs propos, un minimum de nouveauté qui rende la potion absorbable.
 


Le foot : un divertissement, pas un sujet

Ce drôle de mélange de vide et de trop-plein est ainsi orné de gadgets et cache-misère qui occupent une place inversement proportionnelle à ce qui n’est pas traité (le jeu de football, tout simplement). Ils sont là pour combler la vacance éditoriale créée par le parti-pris des télévisions – et nombre d’autres médias – selon lequel le foot ne saurait être qu’un divertissement, qu’il n’est pas un sujet. À leurs yeux, il sert avant tout à faire de l’audience et du chiffre; en dehors de cela, il n’existe guère. Traiter le football comme un sujet exigerait un jugement sûr, une vraie connaissance de ce sport, de son histoire, de ses règles, de son économie, et donc de réelles compétences journalistiques [2]. Il est clairement plus facile, tentant et immédiatement rentable, de s’en tenir au pur divertissement.
 

Une fois provoqué tant de vide, il faut bien le meubler... Pour river les téléspectateurs à leurs écrans, ce qui n’est qu’éphémère et anecdotique se voit ainsi transformé en micro-événement, voire en (pseudo) événement.
 

Les classements des championnats sont, par nature, en mutation quasi perpétuelle. Ils donnent inévitablement lieu à d’incessantes phases transitoires. Une équipe monte ou descend dans le classement, traverse une "crise", ne marque plus de buts, subit la méforme ou la blessure de son meilleur joueur, etc. Hauts et bas, heurs et malheurs… Ces évolutions de la hiérarchie, ces purs moments de transition existaient jusqu’alors fort peu en soi et étaient vouées à un oubli quasi instantané pour déjà faire place à une nouvelle journée.
 


La création de micro-événements

Une des clés de l’actuelle médiatisation du sport est d’accorder à ces phases si fugaces le statut – ussi boursouflé qu’insignifiant – de micro-événements. Par exemple, à la seizième journée, Lille passe de la quatrième à la troisième place, Rien de définitif, bien sûr, rien de capital, ni même de significatif: le championnat est loin d’être terminé et le classement d’une équipe ne dépend pas de ses seuls résultats mais aussi de ceux de ses rivaux. Cependant, le LOSC se hisse ainsi sur le "podium", ce qui donne à cette simple péripétie une tout autre dimension. L’opération médiatique consiste ici à donner de l’importance à des choses qui n’en ont pas. À titre d’exemple, la défaite d’une équipe en cinquième journée de championnat ne porte guère à conséquence, tout au moins directement, mais elle est désormais couramment présentée comme un mini-séisme.
 

Pour susciter artificiellement ou soutenir l’intérêt des lecteurs, auditeurs et téléspectateurs, on crée alors trente-huit mini-championnats et même bien davantage, chaque journée étant étalée sur plusieurs jours, retransmissions et rentabilité télévisuelle obligent. En outre les "podiums" provisoires accroissent encore le phénomène, eux qui se font et se défont constamment pendant le cours même des matches. Ils sont à la fois l’expression, l’instrument et le démultiplicateur de cette création de pseudo-événements microscopiques.
 

Le podium authentique et classique, symbole discutable mais partie intégrante de l’histoire du sport moderne, est ainsi, pour les besoins des médias, privé de sa réalité concrète, détourné de son sens et de sa finalité, réduit au statut de gadget. Notons bien qu’il ne s’agit pas là d’une invention mais d’un détournement. Nous l’avons dit, et chacun le sait: un podium, cela existe déjà. C’est sa nouvelle utilisation dans les médias qui interpelle, ce qu’elle implique. Le podium amovible, toutefois, n’est pas le seul à tenir ce rôle de cache-misère. Pour tenter, assez frénétiquement, de nous garder avec eux, les médias déploient en effet toute une panoplie de gadgets.
 


Les ingrédients d’une drôle de cuisine

Les pures éventualités, même faibles, occupent l’espace (ah les annonces de transferts!). C’est le triomphe constant de ce qui pourrait – éventuellement, peut-être, pourquoi pas? – arriver. C’est le monde enchanté, largement issu de la publicité, du "Et si?": supputons, supputons… La démultiplication des "possibles" au détriment des informations réelles est ici un artifice majeur.
 

On trouve parmi les autres procédés utilisés:
- l’emphase, la présentation du moindre match comme un événement formidable et immanquable.
- (surtout en presse écrite) les jeux avec les mots, dont le sens est malaxé, et les mêmes éléments sans cesse répétés mais sous des formes plus ou moins différentes (cf. les unes de L'Équipe).
- les incessantes polémiques autour des déclarations de joueurs et entraîneurs.
- la traque de minuscules secrets sur la vie quotidienne des joueurs, leur personnalité et états d’âme, les rivalités (un mélange de Loft Story et de people).
- en télévision: les gadgets techno dans la réalisation des matches (sur Canal+: "palette", révélateur de hors-jeu, statistiques…).
- les attaques contre les arbitres, véritable lynchage médiatique et solide fonds de commerce devenu incontournable pour certains médias.
- le bavardage: dans les talk shows en radio et télé principalement. Ceux-ci ne coûtent pas grand chose, dispensent de compétence journalistique (voire de tout travail, sinon sur la forme et le "format"), représentent des heures et des heures d’antenne.
 

Le podium amovible est ainsi un des contrepoints de tout ce qui n’est pas dit, pas fait, pas créé. Ces simulacres bavards ne sont que le sommet de l’iceberg, tout le reste est tabou. C’est pourtant bien sous la surface que cela se passe! Ce meuble virtuel reflète à la fois une situation médiatique bloquée, la pesanteur des contraintes auxquelles sont soumis producteurs, diffuseurs, directeurs des sports et journalistes, mais aussi leur incapacité à innover vraiment et la pauvreté de leur imagination.


Lire aussi : "Le podium amovible"
 

[1] L’intervalle perdu: selon l’expression du critique d’art et philosophe italien Gillo Dorflès, et le livre du même nom, Librairie des Méridiens, 1984.
[2] Pour être juste, il existe toutefois, ponctuellement, quelques remarquables exceptions ici et là: dans Le Monde, Libération, L’Equipe magazine, L’Humanité, sur Rue 89, RMC, la chaîne Sport 365, et même pour certains – très rares – sujets sur Canal+. Ainsi que, bien entendu, sur divers sites de foot "alternatifs". Ces îlots viennent sauver l’honneur. Mais la vue d’ensemble reste consternante.

 

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