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Dernière levée d'armes contre les célébrations

Invité : Deux pieds décollés – Les célébrations de but: folklore d’un clown dans le meilleur des cas, caprice d’une starlette qui se prend pour un héros dans le pire...

Auteur : Gilles Juan le 9 Oct 2012

 

 

Développant une sorte de philosophie de comptoir, le blog Deux pieds décollés propose des analyses engagées, parfois enthousiastes mais généralement irrévérencieuses du monde footballistique. Avec l'idée que rien n'est grave dans le sport, mais que rien n'est frivole non plus. 

 

 

J’ai vraisemblablement perdu la guerre. Je n’ai jamais espéré, bien sûr, que la mode de la célébration des buts serait passagère – mais j’ai envisagé qu’elle reste, aux yeux des commentateurs au moins, une chose légère, frivole, amusante pourquoi pas, mais quelque part une chose dérisoire, et dans le fond illégitime.

 

Cependant ça y est: le mot "célébration", après n’avoir désigné que les trucs chorégraphiés ou les signatures personnelles (pouce dans la bouche, bandelette dans la chaussette, etc.) recouvre maintenant toutes les "réactions des joueurs après le but". Comme si on pouvait mettre dans le même sac le type qui lève le poing ou qui part s’accrocher au grillage des supporters, et celui qui fait systématiquement le geste du fou, de l’aigle des Açores ou du choucas de Suède. On ne peut pas mettre dans le même sac celui qui signe son but et celui manifeste sa joie. Et on ne peut pas ne pas s’inquiéter des signatures. Je vais tenter une dernière fois de dire pourquoi.

 

 

 

Un problème de spontanéité ?

Il serait tentant de valoriser ce qui est "spontané" (le mec qui court vers le public comme un fou) pour dénigrer "l’artificiel" (celui qui a décidé de fêter ses buts de telle ou telle façon), mais je ne suis pas candide non plus : rien n’est "spontané" dans l'absolu, les joueurs intègrent des schémas, des modèles qu’ils reproduisent, même dans le cas où les gestes n’ont pas été rationnellement prémédités, comme lever les bras en l'air ou courir vers le banc de touche. Des modèles culturels préexistent, et nous empruntons, plus ou moins délibérément, à ce qui nous plait et/ou à ce qui s’impose à nous.

 

Par exemple, le premier qui a glissé sur ses genoux après avoir marqué pouvait être considéré comme presque "spontané" (bien que ça lui soit forcément venu de quelque part). Mais rapidement, les images de cette célébration ont souligné la beauté certaine du geste, ont manifesté le charisme de celui qui va ainsi au bout de sa joie, poings serrés, torse bombé, pur tronc érigé fièrement, affranchi de ses deux liens fragiles et mous (puisque les jambes sont fines et qu'elle se plient) avec le sol, pour être mieux ancré dans la terre, enraciné, indéboulonnable et donc triomphant ; le joueur qui fête ainsi son but est assimilé à un ballon tiré victorieusement dans Oliv' et Tom, une boule d'énergie qui n'a bien voulu finir sa course que parce qu'elle a transpercé les filets, un espèce d’équivalent d’un beau frein à main qui ferait éviter dans tomber dans le vide, tandis que le poursuivant moins habile y choirait. Glisser sur ses genoux après avoir marqué est une sorte d’allégorie de la victoire du gladiateur, un insolite renversement qui confère à la position agenouillée la posture imprévisible, improbable mais néanmoins éclatante du dominant. L’attitude appelle d’ailleurs la contre-plongée, les cadreurs n’ont pas manqué de le remarquer.

 

Désormais des joueurs peuvent donc continuer "spontanément", sans y avoir pensé, ou en réaction à une difficile reprise de volée, sans qu'il s'agisse d'une signature systématique, à glisser sur leur genoux; il n’en reste pas moins qu’ils le feront parce qu’ils appartiennent à l’ère qui a manifesté l’esthétique du geste (mais le succès de la pose va chuter désormais: on en voit sur les terrains amateurs, dans des publicités; elles finira, si ce n'est déjà fait, par définitivement prendre l’aspect d’un "truc", vaguement d'une citation, puis d'un cliché. Restera l'emploi du geste avec dérision).

 

Bref je ne reproche pas à Lisandro qui pointe son index sur son front son manque de spontanéité. Mais quoi donc, alors?

 

 


Le souci de signer

En fait, je souffre que la célébration soit déjà prête, qu'elle soit précise, et qu'elle soit systématique. Je donnerai un exemple – le jour du point de non-retour. Quand j’ai su que c’était la fin, bien qu’en même temps j’aie pensé: "mais purée, là va quand même falloir réaliser c’qui s’passe".

 

Souvenez-vous. 2010. Coupe du monde.

 

 


L’Italie est en train de se faire éliminer, elle doit marquer deux fois, espérer que la Nouvelle-Zélande ne marque pas, elle a eu deux buts refusés, finalement Quagliarella marque, c’est un but génial, il relance l’Italie, tout est encore possible – et que se passe-t-il dans la tête du mec? Le souci de célèbrer son but rivalise avec celui de se replacer. Et la signature était tellement prête, parce que tellement importante aux yeux du mec, qu'elle est apparue.

 

MAIS COURS TE REPLACER, ESPÈCE D’ABRUTI !

 

Preuve que la signature n’est pas une célébration comme les autres: dans ce contexte-là, courir au grillage des supporters, ou vers le banc de touche, pour fêter le but, serait apparu dans toute sa vulgarité. Pas seulement pour le temps perdu, mais parce que: comment penser à fêter le but avant de penser à se qualifier?

 

La célébration est devenue insupportable quand elle est devenue une priorité. Avant, fêter son but était une réaction. Culturellement conditionnée, influencée, tout ce que vous voulez. Mais une réaction. La célébration est devenue une signature, un geste qui veut direu zorro. En d’autres termes, une appropriation. Un tampon. Le folklore d’un clown dans le meilleur des cas, le caprice d’une starlette qui se prend pour un héros dans le pire.

 

Y a donc deux catégories de célébrations. Y a ceux qui célèbrent pour se signaler, avec leur numéro perso rien qu'à eux. Et d'autres parce qu'après avoir marqué ils s'oublient un peu, et sont contents d'une manière ou d'une autre. Ça ne devrait pas être le même mot. Et c'est pas enlever son maillot, c'est rester droit et froncer les sourcils à la Thierry Henry, qu'on devrait sanctionner. Iniesta en finale en 2010, c'est ça qu'on devrait appeler célébrer. Anelka qui fait l'oiseau, faut appeler ça minauder, maniérer, poser – bref un mot qui souligne le narcissisme individualiste du truc.

 

Il est tout proche, le jour où les joueurs auront leur logo perso dans le dos. J'écrirai alors pour demander le retour aux numéros de 1 à 11 pour les titulaires.

 

 

Réactions

  • Carlos Alberto Riera Pas le 09/10/2012 à 02h38
    C'est bien vrai tout ça.

  • Raspou le 09/10/2012 à 06h13
    OK, mais on milite aussi pour que les auteurs (de romans, d'articles, de poèmes...) restent anonymes, alors?

  • le Bleu le 09/10/2012 à 07h53
    Les auteurs de romans écrivent (le plus souvent) seuls, il me semble.

    Si j'ai bien compris, planifier sa propre célébration, échapper aux codes, c'est déjà une forme de liberté.

    C'est sans doute aussi pour ça que les célébrations des buts de Stjarnan ont été remarqués. Elles sont plus que préparées à l'avance: elles sont répétées comme un exercice collectif à l'entraînement. Elles impliquent plusieurs joueurs (même si au départ il a pu y avoir un unique gugusse délirant; mais il a embarqué les copains dans son truc). Elles ne sont pas à la gloire unique du buteur: c'est une célébration d'équipe, et qui n'a strictement rien à voir avec le football (elle figure un velo, un cabinet, etc).

    C'est un moment d'imagination et d'absurde, réalisé en groupe, qui rompt les gestes imposés par un football professionnel devenus gestuelle d'usine. Une brève échappée de la norme vers la liberté.

    Et donc la liberté n'est jamais spontanée. Elle s'acquiert par conscience.

  • syle le 09/10/2012 à 10h32
    Il est vrai que certaines "célébrations" individualistes et pas du tout de circonstance sont agaçantes.
    J'en trouve d'autres plutôt marrantes et pas du tout individualistes.
    J'avais par exemple bien aimé le délire collectif (certes préparé à l'avance) de Taiwo, Mbia et Diawara à Zilina. Et ce qui m'avait surtout consterné, c'était que Taiwo prenne un carton jaune pour ça.

  • Tonton Danijel le 09/10/2012 à 11h07
    En célébration collective, je pense surtout au "berceau" de Bebeto, Romario et compagnie lors de la World Cup américaine. Maintes fois plagiés depuis, ce geste partait d'un bon sentiment la première fois: dédier un but à la joie d'un coéquipier, et ce qui marquait les esprits, c'est que Romario et Bebeto étaient considérés comme rivaux, ils ont fait preuve d'une belle complicité, tant sur le but (passe décisive du premier pour le second) que sur la célébration. Même si la décompression qui a suivi aurait pu coûter cher: ce but permettait au Brésil de mener 2-0, ils ont pris un but de Bergkamp sur le coup d'envoi qui a suivi, se sont fait remonter à 2-2 avant qu'une mine de Branco ne délivre les Auriverde...

    Petit conseil d'ailleurs si vous faîtes la célébration du berceau: mieux vaut ne pas la faire dans votre moitié de terrain: lien

    Sinon, une autre célébration qui m'avait marqué, le doigt tendu vers le ciel de Thierry Henry, après un but marqué contre la Turquie en demie-finale de la coupe dues confédérations 2003, en hommage à Marc-Vivien Foé décédé peu avant.

  • Pascal Amateur le 09/10/2012 à 11h43
    Bref, contre le pouce dans la bouche, et la bandelette dans la chaussette, une seule solution : la chaussette dans la bouche, et la bandelette sur le pouce.

  • OldSchool le 09/10/2012 à 13h47
    Vouloir définir une bonne façon de célébrer un but, ça me parait un peu être comme vouloir obliger Ménez à sourire pendant un match ou certains joueurs à chanter la marseillaise. Pas dans l'aspect politique, mais dans la volonté de donner une bonne façon de faire les choses, et donc en définir une mauvaise.
    Je sais pas, même à mon petit niveau ridicule, j'ai toujours aimé faire des célébrations débiles, ou des célébrations récurrentes. Dans le premier cas pour m'amuser, dans le second pour rappeler en quelque sorte aux autres joueurs "c'est qui le boss ici?!", puis aussi un peu comme un rituel. C'est sans doute stupide mais ça m'a toujours paru important sur un terrain, autant vis à vis des adversaires, de mes coéquipiers et surtout vis à vis de moi-même ! J'aime bien ça flamber après un but, c'est aussi simple que ça. Et pourtant je ne suis pas un starlette.
    Les sportifs sont quand même des compétiteurs, d'une ils ont envie de montrer qu'ils sont les meilleurs, et de deux ce genre de célébrations participe à fabriquer un personnage, ce qui sert toujours sur un terrain.
    Et reprocher à Titi Henry de donner l’impression d'être impassible après ses buts alors qu'on reproche dans le même temps aux joueurs de trop en faire ? Et bien, je plains les nombreux pros qui auront lu cet article et qui voudront plaire à Mr Gilles Juan, ils auront intérêt à sacrément bien doser leurs célébrations...

  • dugamaniac le 09/10/2012 à 13h51
    J'ai pas bien compris l'exemple de Quagliarella , il fait quoi de mal ou de bien?
    Il marque, fais un vague "ouai!" et se replace dans son camp.

    Sinon, quand j'étais petit la célébration à base de n'importe quoi faisait parti du bonheur de jouer au foot.
    J'en déduis que ça a un fondement enfantin assez charmant, bien plus que de prendre son air blasé à la Thierry Henry ou de faire la gueule à la CR7.

  • Jamel Attal le 09/10/2012 à 14h08
    @OldSchool
    Je ne crois pas que l'auteur ait voulu définir "une bonne façon de célébrer un but" (et encore moins indiqué aux joueurs ce qu'ils devaient faire pour lui plaire), mais qu'il a mené une réflexion subjective sur cet exercice, en distinguant différentes façons de procéder - notamment entre l'expression d'une joie encore spontanée et celle d'une "signature" profondément égocentrique.

    @dugamaniac
    Quagliarella, il ne se reprend et se replace qu'après avoir pris une soufflante de Buffon. Dans le contexte, son petit numéro perso était effectivement un peu déplacé, à mon avis.

    Après, il y a peut-être un biais générationnel: pour les plus jeunes, les célébrations ultra-calculées (et totalement égocentriques, avec le mec qui écarte furieusement ses coéquipiers pour qu'ils le laissent accomplir son gimmick) sont d'une grande banalité. Les autres peuvent avoir l'impression que ce sont des numéros de cirque en solo assez déplorables, en comparaison des joies collectives de jadis. Il y va peut-être aussi de la différence entre enfantin et infantile.

  • OldSchool le 09/10/2012 à 14h42
    Jamel Attal
    aujourd'hui à 14h08
    Je ne crois pas que l'auteur ait voulu définir "une bonne façon de célébrer un but"
    -------
    C'est le sentiment que j'en ai en tout cas lorsque cet exercice est fait à travers des termes tels que "vulgarité", "cours te replacer abruti", "insupportable","caprice d’une starlette", et tous les autres jugements de valeur. Mais peut-être est-ce de l'humour et non de l'agressivité, et je n'y ai pas été sensible, voilà tout.

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