Delta 1000, balle populaire
When Saturday Comes – Revisité dans une version que n'a pas appréciée Pep Guardiola, le Mitre Delta 1000 original était la référence anglaise du ballon de football dans les années 80 et 90.
Extrait du numéro 370 de When Saturday Comes. Titre original : "Ball control", traduction La Menace Chantôme.
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"Ce ballon n’est pas digne du niveau professionnel": Pep Guardiola n’a pas eu le pied tendre avec le Mitre Delta utilisé lors du match de League Cup remporté aux tirs au but face à Wolverhampton, en octobre. L’entraîneur espagnol a en effet estimé que le ballon officiel de la compétition, également adopté par l’English et la Scottish Football League, était trop léger et imprévisible dans ses trajectoires.
Certains ont considéré cette critique comme un caprice de star. Pourtant, compte tenu du célèbre souci du détail d'un homme qui, cette saison, est même allé jusqu’à donner des conseils tactiques à un ramasseur de balle afin que son équipe puisse imprimer un rythme plus soutenu sur le terrain, il est possible que cette aversion soit plus qu’un signe d’aigreur.
Le ballon anglais par excellence
En revanche, pour tout amateur ou pratiquant de football ayant grandi dans les années 1980 et 1990, Mitre était la référence. L’un de leurs ballons les plus célèbres était le Mitre Delta 1000, ballon officiel de la Football League dans les années 1980.
Avec ses caractères arrondis, gras et en italique, l’ancien logo de la marque évoquait davantage le générique d’un feuilleton télé des années 1970 qu’une quelconque activité sportive. Ce visuel a été revu il y a fort longtemps, avec l’adoption de lettres minuscules minimalistes – même si l’actuel a conservé les chevrons rouges emblématiques du Delta 1000, ceux-là mêmes qui lui donnaient sa teinte rosâtre caractéristique après plusieurs utilisations.
Contrairement à un autre ballon de cette époque, le Mitre Multiplex (qui, une fois gonflé, semblait prêt à éclater, ou capable d’assommer un joueur), le Delta possédait des couches de cuir plus spongieux, et était par conséquent bien plus agréable à passer, à frapper du pied et surtout à reprendre de la tête. C’était le ballon anglais par excellence, celui que l’on reconnaissait pour avoir vu son équipe préférée l’utiliser.
Un Mitre ou rien
Le Mitre Delta a connu son âge d’or quelques années avant l’émergence des grandes chaînes de magasins de sport. Les boutiques indépendantes étaient alors, pour une école ou une équipe de football locale, le seul espoir de trouver ce modèle. Et cet achat ne pouvait pas être pris à la légère: en possession un Mitre Delta, on était sûr d'être constamment invité par les copains à venir jouer dehors.
Un jour, je me suis rendu dans une boutique du coin avec la cagnotte de mon équipe. Le propriétaire du magasin a alors tenté de me convaincre d’acheter un ballon Minerva, un modèle lourd, même par rapport au Multiplex. Selon lui ce choix pourrait nous rapporter entre six et neuf points supplémentaires par saison, car les équipes adverses auraient été perturbées par son poids. J’ai fini par comprendre que son enthousiasme était dû au fait qu’il ne lui restait plus de ballons Mitre en stock. Ce jour-là, je suis ressorti de la boutique les mains vides. À l’époque, c'était un Mitre ou rien.
Les ballons de la marque ont continué à être utilisés en Premier League jusqu’à l’an 2000, date à laquelle ils furent remplacés par des modèles Nike. Dans les années 1990, Mitre a créé d’autres modèles, comme le Pro-Max, dont les chevrons avaient été modifiés dans un souci d’harmonisation avec le nouveau logo de la Premier League – ou comment perdre tout le prestige et l’identité même du Delta 1000.
Marketing de la nostalgie
Il est assez étonnant qu’en dépit de l’engouement pour leur ballon vedette, leur gamme de crampons n’ait pas su séduire le public. En effet, ces derniers, bien que portés par des joueurs tels que Chris Waddle, Dean Saunders et Steve Bruce au début des années 1990, n’ont jamais joui de la même popularité. Certains les trouvaient même un peu ringards.
Pour en revenir aux remarques de Guardiola, ce n’est pas la première fois qu’un ballon de football est critiqué par des joueurs et des entraîneurs. Citons notamment l’Adidas Jabulani, utilisé pendant la Coupe du monde de 2010 en Afrique du Sud. Iker Casillas, gardien espagnol vainqueur de la compétition, l’avait alors décrit comme "horrible", là encore à cause de ses trajectoires imprévisibles.
Le nouveau Mitre n’est-il qu’un coup marketing exploitant la nostalgie des consommateurs? Est-il impossible de marquer des buts avec, comme Guardiola semble le suggérer? Au vu de la qualité et de la variété des trophées Goal of the month décernés par la Football League à l’auteur du plus beau but du mois (qu’il s’agisse du retourné acrobatique de Shaun Miller lors du match Carlisle-Barnet, ou de la chevauchée et de la finition de Gino van Kessel pour Oxford contre Portsmouth), le doute est plus que permis.
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