Dans les cartons des Dé-Managers : #8
La Juventus embourbée en Turquie, un changement milanais qui fait basculer un match, les bons et mauvais points, Michael Laudrup en vidéo, la décla...
Changements de dispositifs ou de joueurs, batailles philosophiques et stratégiques, échecs et réussites… Chaque semaine, les Dé-Managers proposent leurs billets d’humeur. A l'approche des fêtes, une recrue a rejoint l'équipe. Restée dans l'ombre pour sa première, elle se présentera très bientôt...
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S'adapter pour survivre
Christophe Kuchly (@CKuchly) - L’élimination de la Juventus cette semaine est un véritable accident de parcours. Et si elle peut plaider un 50/50 à Galatasaray au moment de remplir le constat, la Vieille Dame est responsable de ses mauvais résultats dans le reste de la campagne. Les points bêtement perdus au fil des rencontres ont donc fini par se payer, et on peut aussi se dire qu’il y a une forme de justice, bien que cruelle, à ce que le train ne passe qu’une fois.
La Juve est restée bien loin de ses standards, mais elle aurait malgré tout pu assurer l’essentiel en ne perdant pas en Turquie. Une mission a priori réalisable, d’autant que Galatasaray ne réussit pas une grande saison. Seul problème: la qualité déplorable du terrain, qui a obligé la partie à se dérouler sur deux jours. Problème car les Italiens n’ont pas su s’adapter, eux qui ont pourtant de multiples armes à disposition pour changer de style de jeu.
La présence de Didier Drogba était évidemment une menace permanente, la pelouse incitant les joueurs à allonger les passes. Mais un Fernando Llorente possède les mêmes qualités, même s’il gagne en qualité de jeu de déviation au pied ce qu’il perd en puissance. Andrea Barzagli est parfaitement capable de faire des relances longues, et Paul Pogba possède une frappe redoutable. En résumé, la Juventus peut briller dans le jeu direct et, osons le terme, le minimalisme tactique.
Devant son écran, on a pourtant eu l’impression de voir une équipe boudeuse, frustrée de ne pas être placée dans un contexte idéal. Comme si les conditions, qui nivellent forcément les valeurs, les pénalisaient – eux qui auraient, sinon, pu faire prévaloir leur qualité technique supérieure. La réflexion, qui n’est qu’un ressenti, se retrouve néanmoins dans les déclarations d’après-match. “On ne pouvait pas jouer au football”, regrette Antonio Conte. Il le fallait pourtant. Wesley Sneijder, peut-être le moins apte à briller dans la gadoue, l’a prouvé en marquant le but de la qualification. Cela vaut sans doute bien des plaisirs de fins gourmets.
La liberté par le changement
Philippe Gargov (@footalitaire) – L’Italie nous a offert hier soir un âpre mais somptueux spectacle, opposant la fougueuse Roma au vieillissant AC Milan. Ce match, qui a tenu toutes ses promesses, mettait sur la balance deux projets de jeu à la fois contradictoires et parfaitement complémentaires. Une bataille presque métaphysique, que les philosophes de comptoir résumeront hâtivement au duel impliquant romantisme et pragmatisme. Mais les choses ne sont jamais aussi simplistes. Et si Milan a bel et bien obtenu le point en jouant assez crûment, la Roma n’a pas pour autant gagné la partie sur le plan du jeu.
Au contraire, cette binarité a volé en éclat grâce à deux individualités. Côté Milan, Kaka a apposé sa bénédiction sur le front de cette belle rencontre. Côté Roma, il a manqué un Francesco Totti titulaire pour offrir à ses coéquipiers le soupçon de folie qu’ils peinent tant à produire en son absence. Si les Louveteaux ont clairement dominé le début de partie, l’entrée d'Alessandro Matri a finalement remis les pendules à l’heure en permettant à Mario Balotelli de jouer en pivot plus reculé, et ainsi d’offrir à Kaka des solutions de passes plus accessibles. Le but de Sulley Muntari découle d’ailleurs directement de cette envoûtante alchimie entre les deux Milanais.
Mais c’est surtout dans la liberté de déplacement que Kaka a pu exprimer toute l’étendue de sa générosité dans le jeu sans ballon. Profitant de l’aspiration des défenses par les deux buteurs, Kaka s’est savamment déporté vers la gauche pour s’offrir en relais aux constructions milanaises. On retiendra par exemple sa tentative de tir (malheureusement contrée par Matri), faisant suite à une bonne vingtaine de passes consécutives au milieu de terrain, comme le symbole d’un Milan touchant du doigt la grâce, à défaut de réinventer le beau jeu. Et c’est aussi pour ça que l’on aime ce sport: le manichéisme n’existe pas, ou du moins jamais très longtemps. Tout ça ou presque grâce à un changement: il suffit parfois de presque rien pour que pleuvent les cafés-crème.
On a aimé
LIGUE DES CHAMPIONS
La passe “Hail Mary” de Dante pour Thomas Müller. Si ce dernier est le géomètre incompris du Bayern, le premier s’impose de plus en plus comme un génie ignoré de la passe.
Souvent utilisé dans le couloir, Neymar peut parfaitement évoluer dans l’axe en faux numéro neuf. Le Celtic a payé pour voir et le Brésilien, qui trouve de plus en plus le juste milieu entre ses numéros individuels et le besoin de rentrer dans la philosophie barcelonaise, aide encore plus l’équipe que ses statistiques personnelles.
CHAMPIONNATS
Marc Bartra n’est pas encore le meilleur stoppeur du monde, mais ses interceptions suivies de montées de plus de cinquantaine mètres alors que Barcelone ne menait que d’un but sont aussi surprenantes qu’intelligentes. Bien sûr, il y a un risque en cas de perte du ballon. Mais ses projections vers l’avant ont obligé Villareal à se replier et à ne pas être menaçant.
Luis Suarez continue à marcher gentiment sur toutes les équipes anglaises. Inutile de chercher les superlatifs, l’Uruguayen est actuellement beaucoup trop fort pour la majorité des équipes du championnat.
Blackpool a réussi à terminer à onze contre QPR. Belle performance pour une équipe qui avait eu cinq expulsés lors des deux derniers matches.
La science du placement dans les intervalles, – oui ceux-là – de Bafétimbi Gomis toujours en quête de l’espace entre les défenseurs centraux et latéraux marseillais, toujours à la limite du hors-jeu et finalement récompensé.
La technique toujours aussi juste et gracieuse de Diego. Même exilé côté gauche, le Brésilien s’échine à sortir de l’ordinaire une équipe de Wolfsburg pourtant très banale, joli – et heureux – coup de patte sur coup franc en prime.
La résurrection de Kaka, qui malgré son âge avancé continue de distribuer les caviars tel un dealeur d’esturgeon, à l’image de sa passe pour Balotelli qui amène le but de Muntari, et qui se permet même de revenir au pressing avec la hargne d’un minot.
On n'a pas aimé
LIGUE DES CHAMPIONS
La prestation suffisante au niveau comptable, mais guère enthousiasmante de Milan face à un Ajax au projet de jeu nettement plus affirmé. Qualifié par la toute petite porte, sans montrer grand-chose et déjà très chanceux à l’aller, le club milanais a encore beaucoup de soucis à régler. Et on a envie de conseiller à Sulley Muntari, qui a parlé de l’Atlético Madrid comme du premier de groupe le plus faible de la Ligue des champions, de regarder quelques cassettes de son futur adversaire.
Alan Dzagoev, auteur d’un croche-pied d’enfant de huit ans sur Vaclav Prochazka. Expulsé pour ce geste inutile, il verra le CSKA Moscou rattrapé puis doublé par Plzen, qui continue donc son parcours en Ligue Europa.
Le tirage, qui a proposé de superbes affiches dans le groupe de Marseille, mais qui met cruellement fin au parcours du Napoli. Et cette même équipe napolitaine qui, menant 1-0 tandis que Dortmund était encore tenu en échec, s’est contentée de faire tourner au lieu d’attaquer. Une attitude regrettable, digne d’un RFA-Autriche 1982, qui s’est payée au prix fort dix minutes plus tard.
CHAMPIONNATS
Le choix de Dodô, qui quitte son poste pour aller au soutien de la défense axiale alors que Balotelli est dos au but, dans ce qu’on peut comparer à un double-teaming en basket. En faisant au moins un pas de trop, il offre à Sulley Muntari, seul dans son dos, le but sur un plateau.
Incapable de cadrer un tir à Nice, Sochaux va tout droit en Ligue 2. Si on doit prendre en considération l’héritage de l’entraîneur précédent, on peut penser que, comme à Valenciennes et Ajaccio, le problème réside au-delà de la tactique ou des discours.
Le schéma de la semaine
Le match presque parfait de Jordan Henderson face à Tottenham (passes réussies en bleu, ratées en rouge, occasions provoquées en bleu ciel / Via StatsZone)
La décla
“Des choses comme cela sont presque des insultes. Je me sens offensé quand les gens font de tels commentaires à propos de moi. C’est comme féliciter le facteur de déposer le courrier.” Roy Keane a mal pris le commentaire de son ancien coach Alex Ferguson, lequel a écrit dans sa biographique que l’Irlandais avait “couvert chaque brin d’herbe” durant le match de Ligue des champions 1999 face à la Juventus.
La vidéo de la semaine
C'est une véritable déclaration d'amour: une heure et demie de passes de Michael Laudrup. De quoi s'occuper toute la semaine.
L'anecdote
Interrogé par la Cadena Ser sur son onze-type combinant Barcelone et le Bayern, Thiago Alcantara a effectué le choix suivant: Victor Valdés; Dani Alves, Gerard Piqué, Dante, David Alaba; Sergio Busquets, Xavi, Andrés Iniesta; Thomas Müller, Lionel Messi, Neymar. On notera notamment l’absence de Manuel Neuer et Philipp Lahm ainsi que la présence de Neymar, avec qui il n’a jamais évolué.
La revue de presse (presque) anglophone
Michael Cox se demande si Gaël Clichy et Samir Nasri sont devenus de meilleurs joueurs depuis qu’ils ont quitté Arsenal.
Pastore fait pleurer d’ivresse à travers le monde et jusqu’aux États-Unis : le webzine The Classical s’interroge ainsi sur cet “untrustable genius” (via @JeuneGuillou).
Dans The Guardian, Sid Lowe fait l'éloge de l'Atlético Madrid.
Toujours au sujet de l'Atlético, une analyse très détaillée de leur organisation défensive.
En espagnol, comment le FC Séville, qui adorait imposer son jeu d'attaque à l'adversaire, est devenu une équipe défensive.