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Cruyff, le père et le catalyseur<br/>

En février 1974, à dix jours d'intervalle, Johan Cruyff devient le père de Jordi et libère le FC Barcelone de longues années de victimisme.

Auteur : Christophe Zemmour le 28 Mars 2016

 

 

"Je ne lui ai en fait jamais demandé pourquoi il m'avait appelé Jordi. J'imagine que c'était parce qu'il aimait bien le nom. Est-ce une forme de gratitude envers la Catalogne? Peut-être, mais j'en doute. Il n'y vivait pas depuis très longtemps. Mais dites-vous bien que mon père avait vraiment cet esprit rebelle. Et cet épisode a gagné en résonance avec les années." C'est avec ces mots que Jordi Cruyff, fils de Johan, évoque sa naissance et ce fameux prénom si symbolique pour l'identité catalane que son père lui a donné. Une petite victoire sur le franquisme en ces temps troublés, quelques jours avant une bien plus grande sur le Real Madrid.

 

 

 

"Faites-le ou je pars"

L'accouchement de l'épouse de Johan Cruyff est initialement prévu pour le 15 février 1974. Mais afin de pouvoir assister au Clásico qui doit se tenir à Santiago Bernabéu le 19 du même mois, la star batave demande à provoquer la naissance de son fils par césarienne le 9. Les heureux parents du gamin né en Hollande le nomment Jordi, comme le pourfendeur de dragons et saint patron de la Catalogne. Tout simplement parce que le prénom leur plaît, sans connotation politique sous-jacente ni idée des conséquences futures. Cruyff n'est pas alors conscient de l'étendue de la rivalité entre le FC Barcelone et le Real Madrid, et de ses contours sociaux.

 

À son retour en Catalogne, quand Johan se présente devant l'officier d'état civil pour enregistrer la naissance de son fils, on lui fait comprendre, en cette période où il est interdit en Espagne de donner un prénom non castillan à un enfant, qu'il vaudrait mieux opter pour l'équivalent Jorge. On ne la fait pas au grand Johan, qui en vient presque aux mains avec son interlocuteur: "Qu'est-ce qui n'est pas permis? Je décide ce que je veux: je suis néerlandais. C'est votre problème, pas le mien. Dans tous mes papiers, c'est écrit ainsi. Si vous voulez le copier, très bien. Sinon, tant pis." Avant de dire: "Faites-le ou je pars." L'agent cède et le jeune papa n'est pas peu fier. Trente-neuf ans après, un nouveau-né porte le prénom Jordi à Barcelone.

 

 

"Gracias"

L'impact en Catalogne est considérable. On y voit une petite victoire contre le régime de Franco. Mais ce qui jouera vraiment le rôle de "catharsis", pour reprendre les termes de Sid Lowe [1], et participera à l'affranchissement du FC Barcelone de son statut de victime et de loser, c'est la manita que Cruyff et ses coéquipiers infligent quelques jours plus tard au Real Madrid dans son antre. La démonstration catalane est stupéfiante, les Merengues sont balayés, le numéro 9 blaugrana marche sur l'eau et inscrit le second but de la rencontre grâce à un délice de double contact. Juan Manuel Asensi, auteur de l'ouverture du score, qualifie cette nuit d'"historique". Tout le monde est admiratif de Cruyff, notamment un certain Emilio Butragueño, jeune socio du Real, venu ce jour-là en tribunes admirer son idole qui évoluait dans le camp d'en face.

 

 

 

 

Pour Carles Rexach, il s'agit du "début du modèle barcelonais actuel: pressing haut, attaque constante, défense positionnée au niveau du milieu de terrain, bref le style que Barcelone continue à jouer". Pour le journaliste et écrivain Enric González, la rencontre a "un pouvoir sémantique brutal" et même le journal phalangiste local y voit "une victoire sur le centralisme". Si Cruyff avoue que les questions politiques autour de ce match sont "débattables", il fut surtout surpris par la gratitude que les gens lui feront part d’avoir redonné le succès au Barça: "Un jour, nous étions en train de faire du shopping sur la Costa Brava et une femme âgée vient à mon encontre et me répète: 'Merci, merci'. Cela m'a beaucoup marqué."

 

 

Un prophète

Le destin du club, sacré champion d’Espagne à la fin de l'exercice 1973/74 après quatorze ans d'attente, est alors bouleversé pour toujours. De la même manière que le recrutement d'Alfredo Di Stéfano a défini le Real Madrid, on peut affirmer, sans manquer de respect à l'oeuvre grandiose de Lásló Kubala, que le transfert de Cruyff à Barcelone signe le point de basculement de l'histoire de ce club. Même si le Real continuera à gagner des titres en Liga à la fin des années 70 et atteindra la finale de la C1 en 1981 (défaite 0-1 face à Liverpool), la fameuse Dream Team coachée par le grand Johan prendra la succession de la Quinta del Buitre au sommet du football espagnol et décrochera le premier titre de champion d'Europe du Barça. Un soir de mai 1992 à Wembley, là même où Cruyff joueur avait remporté sa première C1 sous les couleurs de l'Ajax Amsterdam.

 

Jorge Valdano, madridiste de son état mais aussi admiratif du seigneur Johan qu'il qualifie de "mythe", s'approprie quelque peu la fin symbolique de la carrière du hollandais sur le banc blaugrana, un soir de manita en janvier 1995 pour son Real face au Barça au... Santiago Bernabéu. "Je crois que ce résultat n’est pas loin d’avoir marqué un point final dans la carrière de Cruyff à Barcelone, même s’il est resté un an de plus. Mais, ce que je retiens, c’est que malgré son départ, l’attente des supporters n’a pas changé, ils veulent désormais leur quota de spectacle, leur demande esthétique est supérieure." Cruyff a libéré le FC Barcelone en cette année 1974 où il ratera également de peu la consécration mondiale. Qu'importe, il était alors devenu le père de Jordi. Il était devenu une inspiration, un guide.

 

[1] La plupart des anecdotes et déclarations citées dans cet article proviennent de son livre Fear and Loathing in la Liga, dont nous recommandons une nouvelle fois chaudement la lecture.

 

Réactions

  • AKK, rends tes sets le 28/03/2016 à 12h32
    Les défenses et les tirs d'attaquant, ce n'était pas mieux avant.

  • Richard N le 28/03/2016 à 15h31
    C'est tout le paradoxe du FC Barcelone d'être considéré comme un élément identificateur de la Catalogne alors qu'il a été créé par un Suisse (le bleu et grenat sont avant tout les couleurs d'un canton helvétique) et marqué dans sa philosophie par un Néerlandais.
    Très beau texte Christophe. Le grand Johan Cruyff méritait un hommage fort de la part des Cahiers.

  • C. Moa le 30/03/2016 à 21h48
    Le 4eme but est magnifique !

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