Cela fait bientôt dix ans que la Coupe de la Ligue encombre le calendrier. Mais bien qu'elle lasse aussi bien les spectateurs que les clubs, sa suppression reste improbable…
L'entrée en lice des clubs de L1 en Coupe de la Ligue a été le moment de s'interroger une nouvelle fois sur sa légitimité, alors que sa principale affiche a fait l'objet d'une petite polémique. Didier Deschamps a en effet décidé d'aligner une équipe B pour affronter l'OM au Vélodrome, amoindrissant quelque peu l'intérêt sportif de ce sommet présumé et suscitant l'irritation de son diffuseur France Télévisions.
Voilà qui dément l'argument de Stéphane Dor, directeur marketing de la LFP, qui affirmait dans France Football que "les grands clubs la jouent à fond"… Car dès lors que ces équipes n'ont pas besoin d'une session de rattrapage pour pallier leurs mauvaises prestations en championnat, leur calendrier ne leur permet décemment pas d'honorer tous leurs engagements, a fortiori dans un championnat à vingt clubs. À moins de mettre en péril à la fois la condition physique de leurs joueurs et leur capacité à défendre leurs chances dans les compétitions majeures.
Ne devant même pas être recyclée, la Coupe de la Ligue va directement dans le bac vert. |
Le fait que Didier Deschamps a pu être critiqué par ceux qui voulaient le rappeler au "devoir" d'honorer une compétition indique à quel point les contraintes économiques (celles que les télévisions imposent pour justifier le paiement des droits) peuvent empiéter sur la souveraineté des entraîneurs, comme si ces derniers n'avaient pas la liberté d'aligner qui bon leur semble — ou devaient aligner les joueurs présentés par les bandes-annonces des chaînes. Frédéric Chevit, directeur du services des sports de France Télévisions, prévenait ainsi: "Je serai vigilant cette saison et je souhaite qu'aucune équipe n'envoie ses réservistes" (FF 28/10).
Si les diffuseurs s'estiment grugés, ils n'ont qu'à s'en prendre à eux-mêmes sans s'étonner que le produit qu'ils ont acheté est dévalué. Devant le choix de Deschamps, Frédéric Chevit s'est ainsi écrié que "ce qui se passe est grave pour la compétition et la crédibilité de la Coupe de la Ligue", menaçant de revoir à la baisse les investissements de son groupe (L'Équipe, 29/10). Évidemment, lors de la diffusion, il n'a pas été question pour les commentateurs de se scandaliser dans ces termes, mais une nouvelle fois de vendre le spectacle. D'ailleurs les jeunes Monégasques n'ont pas été ridicules, ni les audiences catastrophiques…
Tant que ça rapporte…
Le seul argument en faveur de cette coupe sans légitimité sportive, relancée en 94 par Noël Le Graët, très mal inspiré sur ce coup-là, c'est qu'elle est rentable et que les dotations pour les clubs sont importantes. C'est pourquoi ceux-ci, même s'il leur arrive de la négliger, ne s'en plaignent pas… Un peu léger pour lui donner l'épaisseur historique de la Coupe de France, ou pour lui pardonner d'avoir dévalorisé celle-ci. D'autant que cette rentabilité ne résulte que du montant des droits de retransmission (10M€ annuels) et de l'apport des sponsors, sans rapport avec des affluences faméliques dans les stades (deux fois moins que pour le championnat). Des sponsors qui bénéficient d'une plus grande visibilité qu'avec la Coupe de France (dix retransmission sur France 2 et 3, contre six sur TF1), cette dernière n'ayant d'ailleurs réussi à floquer une marque que sur l'une des deux équipes la saison passée… Mais en considérant que ce sont les télévisions et les annonceurs qui décident de l'intérêt d'une compétition, il faut bien assumer le risque que les entraîneurs et les amateurs de football finissent par s'en désintéresser.
Dès lors, le bon sens voudrait que cette compétition, qui n'a d'équivalent qu'en Angleterre (mais avec une ancienneté sans comparaison possible), retourne au néant qu'elle n'aurait jamais dû quitter. Cette mesure de salubrité publique (qui figure dans notre
Manifeste pour sauver le football) aurait aussi le mérite de gratifier le 5e du championnat d'une place en Coupe de l'UEFA, avec de meilleure garanties pour la représentation française sur le continent. Ne comptons toutefois pas sur Frédéric Thiriez pour avoir le courage politique d'une telle mesure, le président de Ligue tient trop à ménager la chèvre et les sous.
4 raisons supplémentaires de se débarrasser de la Coupe de la Ligue (rappel)
Elle rend les compétitions encore plus incompréhensibles à nos compagnes.
Elle massacre les maillots avec un abominable sponsor marron.
Elle donne l'occasion à Charles Biétry de pontifier.
Elle permet au Consortium du Stade de France de réaliser encore un peu plus de profits.