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Caricatures en une : L’Équipe a été Charlie

Hommage aux dessins de presse en général, aux caricatures de Charlie Hebdo et aux récentes unes de L’Équipe en particulier.

Auteur : Gilles Juan le 13 Jan 2015

 

 

Le journal L’Équipe a rendu hommage à Charlie Hebdo en confiant chacune de ses unes, depuis jeudi dernier, à un dessinateur de presse. Il est possible que celle d’aujourd’hui, de Lasserpe, soit la dernière; c’est la plus belle. Expliquer pourquoi fournira l’occasion de proposer unexamen de l’art propre aux dessinateurs de presse qui, loin d’être seulement les gentils et innocents dessinateurs munis d’un stupide crayon, étaient de féroces militants au combat, à la fois bien conscients qu’il y a des mots qui blessent mais que l’humour panse, et détenteur d’un véritable art humoristique.

 

 

Croiser les actualités

L’art des caricaturistes, leur humour particulier fonctionne sur une logique qui pourrait passer inaperçue tellement elle innerve aujourd’hui les procédés comiques les plus répandus sur les réseaux sociaux. Les memes (tels ceux qui transposent actuellement l’image de Sarkozy s’efforçant de s’incruster sur la photo des dirigeants dans des décors improbables), mais aussi l’humour de quelques-uns des plus brillants "twittos", reprennent à leur compte le savoir-faire que les dessinateurs de presse, et Charb en particulier, ont la maîtrise: la capacité de croiser les actualités, de faire en sorte, plus précisément, que se télescopent deux actualités que rien d’autre que l’inventivité du dessinateur n’appelait à se rencontrer.

Avant qu’on l’aime désormais pour tout ce qu’il faisait d’important et de démocratique, Charb avait "mis de l’huile sur le feu" en dessinant. Un de ses dessins fameux croisait deux actualités: la première était celle de la colère suscitée, chez les musulmans, par un film représentant le prophète, la seconde était la nomination du film Intouchable aux oscars; Charb avait figuré une sorte d’affiche de film, celle d’Intouchables 2, sur laquelle un Juif orthodoxe pousse un musulman en chaise roulante; les deux nous regardent et s’écrient "faut pas se moquer". Le dessin de presse ne procède pas systématiquement ainsi, mais c’est un de ses traits caractéristiques. L’art consiste à rapprocher deux actualités qui sont à la fois (et ce n’est pas rien) très médiatiques, complètement indépendantes l’une de l’autre (pour rendre plus inattendu le rapprochement), et susceptibles néanmoins, via le rapprochement, d’aiguiser le regard (critique, généralement) du dessinateur sur l’actualité prioritaire.

 

Lasserpe, à la suite de Faro [1] avant lui qui avait dessiné Bielsa donnant des consignes tactiques à tous les Charlie de son équipe, a su repérer et mettre en scène un tel croisement, en se permettant d’articuler une représentation de la marche de dimanche à une autre actualité, et même à mieux encore qu’une actualité: au thème singulier du journal L’Équipe, son actualité permanente à lui – le sport. C’est la plus pertinentes des unes proposées par L’Équipe, car ce faisant, elle se permet même d’adresser une "critique" douce et amicale à ce qui pourrait être Luz (ou un autre survivant du journal, peu importe en fait), lequel s’écrie: "C’est la première fois que je fais du sport." Critique est entre guillemets car ne pas faire de sport n’est une critique que du point de vue de ceux pour qui la pratique sportive est une valeur: les lecteurs de L’Équipe, certainement pas les dessinateurs de Charlie Hebdo. En malmenant des cibles, un bon caricaturiste partage des principes avec des partisans.

 

 

Chercher les signifiés

Pour croiser les actualités, plus généralement pour aller chercher des "idées de caricaturiste", il y a une méthodologie particulière (qui n’est peut-être pas vécue comme une méthodologie par les caricaturistes tellement l’attitude est spontanée) qui encore une fois fait le talent des dessinateurs de presse en général, et la qualité du dessin de Lasserpe en particulier. Ce talent consiste à épuiser tout le champ lexical d’une actualité, et ce faisant, à envisager tous les signifiés possibles des signifiants (mots ou images) accumulés.

 

Cela marche avec les mots (la plume est ce avec quoi l’on écrit mais aussi ce dont le poids est comparé au plomb, lui-même possédant les signifiés dramatiquement convoqués la semaine dernière), mais aussi avec les images: le dessin le plus simple d’un crayon suggérera immédiatement une analogie avec une balle de revolver; l’encre rouge pourra aussi signifier le sang, etc. Il est d’ailleurs décisif que le dessin de presse soit simple en apparence, du moins qu’il n’ambitionne pas une représentation trop réaliste; d’une part le style est dans la singularité de la stylisation, d’autre part, moins on fait de traits et de détails pour dessiner quelque chose, plus sa forme permettra les analogies (plus un crayon ressemblera à un crayon, moins il pourra être interprété comme une balle). [2]

 

Que ce soit avec l’image ou avec les mots, le talent consiste à trouver une analogie qui soit à la fois légitime (elle appartient au registre de l’actualité) et originale (tout le monde n’y a pas déjà pensé): c’est précisément ce qu’a réussi à faire Lasserpe, qui a songé (et lui seul) qu’en parlant de "marche", on pouvait mobiliser le signifié "sport"; cela tombe bien, en plus d’être original, ce signifié permettra à la fois de croiser et de creuser les actualités comme indiqué ci-dessus, de "grossir un trait" (celui qui consiste à considérer que les dessinateurs ne sont pas sportifs), et de désigner par la critique amicale ceux à qui on rend hommage – les maîtres en la matière, ceux de Charlie Hebdo. Chapeau Lasserpe.

 

 

Chargez !

"Chargez!", expression militaire s’il en est, renvoie à la signification et à l’étymologie de la caricature: le mot italien caricare signifie charger au sens d’exagérer, de forcer le trait, de dépasser la mesure. La "mesure" d’un caricaturiste désigne peut-être ses valeurs: Charb et consorts grossissent les traits de ceux qui n’ont pas leurs valeurs; rire est leur valeur alors ils brocardent ceux qui ne rient pas; la liberté du corps et de l’âme est leur valeur alors ils dessinent les oppresseurs identifiés, avec leurs costumes variés; le divertissement est leur valeur, alors tout ce qui est susceptible de faire l’actualité doit pouvoir être tourné en dérision. Un grand caricaturiste est pour finir celui qui, en multipliant les dessins, finit par dévoiler ses principes, son caractère, ses vices, sa personnalité. Seul Wolinski pouvait avoir pensé à demander à sa femme de jeter ses cendres dans la cuvette des chiottes (afin qu’il puisse mater son cul tous les jours).

 

L’Équipe aura montré, quelques jours durant, une inédite facette de sa personnalité derrière ses caricatures en une. Jean-Patrick Sacdefiel, qui s’est malheureusement déjà vu accuser d’avoir trop chargé le trait, et d’autres dans son sillage mettent ici beaucoup d’application et prennent souvent beaucoup de plaisir à dénoncer sur ces pages les fautes diversifiées du journal L’Équipe. Il aurait été dommage de ne pas saisir l’occasion de féliciter le quotidien national payant le plus tiré en France pour ces unes inventives, radicalement opposées et largement préférables aux procédés habituels – jeux de mots prévisibles qui ne mobilisent pas des signifiés inattendus ni très intéressants (Lyon / lion); photomontages grossiers de plus en plus souvent préférés à l’œil d’un photographe s’efforçant de canaliser, dans une image, l’intensité d’une actualité; titre démagogique; jugement capricieux et personnel déguisé en description objective de l’actualité, etc.

 

Puisse cette confiance accordée à la caricature se prolonger, ou se renouveler; les unes confiées à des dessinateurs de presse inspirés permettent un éclairage de l’actualité à la fois personnel, riche en significations, étonnant, incitatif et en même temps susceptible de proposer un regard plus pertinent sur l’actualité; d’afficher d’autres valeurs. Durant quelques jours, L’Equipe aura parlé, en une, de sport et d’eau fraîche, avec sens critique et sens de l’humour. Tandis qu’ils s’arrêteront, on essaiera de continuer. Bonne année à tous.

 

[1] Faro et Lasserpe faisaient partie de l'équipe des dessinateurs de notre mensuel.
[2] La simplicité permet de créer des analogies, mais aussi des assimilations: l’a-t-on remarqué? Le Juif et le musulman d’Intouchables 2 ont très précisément les mêmes gueules, elles sont simplement différemment grimées… Qui sera aussi corrosif, aussi inventif tout en étant capable de l’être avec des dessins d’une grande simplicité (dans la forme) que Charb?

 

Réactions

  • Jean-Luc Skywalker le 13/01/2015 à 12h26
    Effectivement toutes les Unes "dessinées" de l'Equipe sont réussies, y compris celle du jour par Hugot. Et dire que Chénez est à la retraite, c'est vraiment ballot, on aurait pu avoir un dessin chargé de symboles subtils...

  • Pascal Amateur le 13/01/2015 à 12h34
    Chenez, auquel Jean-Patrick avait rendu hommage :
    lien

  • Jean-Luc Skywalker le 13/01/2015 à 12h56
    Tiens, c'était il y a un an tout pile.

  • blafafoire le 13/01/2015 à 14h10
    A noter que cela s'inscrit sur fond de retour (timide mais réel) de l'illustration dans le design graphique.

  • El Matheux d'Or le 13/01/2015 à 18h09
    Peut-être que je suis le seul, mais le phylactère m'a plutôt immédiatement évoqué le fait que l'immense majorité des personnes composant les foules de Dimanche descendaient dans la rue pour la première fois de leur vie; et par conséquent, les personnages en tête de cortège sur le dessin seraient seulement des anonymes représentatifs. Mais c'est vrai que ça (le fait de moquer gentiment la virginité protestataire des millions d'autoproclamés "je suis Charlie") me parait trop subtil pour l'Equipe, en effet.

  • Luis Caroll le 13/01/2015 à 19h10
    Désolé de détonner en réaction à une analyse pourtant intéressante.
    Le titre !!

    Si "être Charlie" ça consiste a mettre des dessins en Une, c'est à la portée du premier dictateur venu. Le lien avec les numéros de CharlieHebdo en titrant "Caricatures en Une" est tiré par les cheveux au point d'en être quasiment trompeur.

  • Pierro le 14/01/2015 à 09h36
    Les leçons du 11/09 ont été tirées. A l'époque, l'équipe avait choisi de titrer sur le match de nantes "Nantes part du bon pied" avant de se prendre une volée de bois vert.

  • Jean-Luc Skywalker le 15/01/2015 à 12h40
    Chassez le naturel blablabla : aujourd'hui en Une, jeu de mots pourrave avec Lyon, photomontage lourdingue avec les joueurs sous le regard d'Aulas. Bref.

  • Troglodyt le 15/01/2015 à 16h01
    Le photomonteur devait être frustré, depuis une semaine. Là, il s'est déchargé dans un mouchoir. Il faut espérer qu'en reprenant une vie normale il ait des rapports plus constructifs.

La revue des Cahiers du football