Banks 1970, l'arrêt du siècle
Un jour, une parade – Le 7 juin 1970, à Guadalajara, le roi Pelé marque un but que le gardien anglais Gordon Banks annule d'un réflexe extraordinaire. L'histoire a retenu qu'il s'agit du plus bel arrêt de tous les temps.
Bobby Moore et Alan Mullery jurent avoir entendu Pelé crier "Gol!" Et le Roi lui-même a levé les bras. La reprise de la tête du Brésilien est si pure, si précise, qu’elle ne peut précéder qu’un but. Ce 7 juin 1970, dans l’ambiance bruyante et colorée du stade de Guadalajara, Pelé ne marque pourtant pas.
Par la grâce d’un réflexe ahurissant, Gordon Banks se détend au pied de son poteau et boxe le ballon au-dessus de sa barre transversale. Le public est stupéfait. Banks se relève sans se départir de son flegme habituel. Il se replace pour le corner. Il ignore encore que cette parade l’a fait entrer pour de bon dans la légende.
Most famous save
C’est, dit-on, le plus bel arrêt de l’histoire du foot, “le plus grand que Pelé ait vu” comme Banks le confie dans son autobiographie. Un geste qui, pourtant, ne lui ressemble pas. Lui a au contraire toujours privilégié l’efficacité du geste plutôt que ce genre de parades spectaculaires. De son mètre quatre-vingt-trois, il cultive la science du placement, se contente de faire un boulot propre et n’use de la claquette que par nécessité.
Le plus bel arrêt du monde, vraiment? Forcément, d'un point de vue purement technique, on peut toujours s'interroger. Est-ce qu'un réflexe, après tout conditionné par dix ans de foot de haut niveau, vaut mieux qu'un placement intelligent, une anticipation bien calculée? Combien de gardiens passés et futurs n’ont-ils pas réalisé d'arrêts encore plus difficiles, encore plus spectaculaires?
En fait, il faut replacer l'exploit de Gordon Banks dans son contexte. Comme l’a écrit Nick Hornby, la Coupe du monde 1970 est le tournoi de tous les superlatifs. Le plus beau Mondial remporté par la plus belle équipe et le meilleur joueur de l'histoire. On a vu sur les pelouses mexicaines la plus belle prolongation de l'histoire, le plus beau tacle, la plus belle feinte, le plus beau lob, la plus belle passe décisive, alors pourquoi pas le plus bel arrêt de l'histoire?
Cela n'enlève bien entendu rien au mérite du gardien de Stoke City. Le plongeon un peu vers l’arrière fait tout le génie de cette parade, puisqu’il lui permit d’avoir l’infime fraction de seconde pour profiter du rebond du ballon. Une question demeure: si l’auteur du coup de tête avait été un autre que Pelé, parlerait-on toujours autant de cette détente?
L'aura du Roi
En ce mois de juin mexicain, le meilleur joueur du monde jouit en effet d’une telle aura qu’elle semble rejaillir sur ses adversaires et notamment les gardiens: Viktor le Tchécoslovaque, Mazurciewicz l’Uruguayen, Banks l’Anglais...
Ce Brésil-Angleterre du 7 juin 1970 était plus que la rencontre phare du premier tour du Mundial mexicain. Il opposait les deux derniers pays champions du monde et mettait en scène une passation de pouvoir. Malgré son arrêt mythique face à Pelé, Gordon Banks ne pourra empêcher le Brésil de l’emporter (1-0) sur un but de Jaïrzinho à l’heure de jeu.
Le tournoi se poursuit malgré tout pour les hommes d’Alf Ramsey, qui retrouvent l’Allemagne de l’Ouest en quarts de finale. Gordon Banks doit malheureusement déclarer forfait, victime d’une tourista. La RFA l’emportera 3-2.
Banks s’est éteint le 12 février dernier, au bout d’une vie qui l’aura vu embrasser une carrière de gardien de but presque par hasard, alors que, plus jeune, il transportait des sacs de charbon et devenait apprenti maçon. Une pauvreté qui l’a longtemps éloigné du football professionnel, de ses stades, de ses codes. Cela ne l’aura pas empêché d’en écrire l’un des moments les plus emblématiques.